Comptes rendus

Jules Falquet, Helena Hirata, Danièle Kergoat, Brahim Labari, Nicky Le Feuvre et Fatou Sow (dir.), Le sexe de la mondialisation. Genre, classe, race et nouvelle division du travail. Paris, Les Presses de Sciences Po., 2010, 278 p.[Notice]

  • Elsa Galerand

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  • Elsa Galerand
    Université du Québec à Montréal

Plus de vingt spécialistes, sociologues, économistes, politologues et historiennes, de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique du Nord et de l’Europe, ont contribué à cet ouvrage collectif consacré à la critique de la mondialisation néolibérale à partir de la problématique du genre. À la fois pluridisciplinaire et international, Le sexe de la mondialisation est aussi particulièrement dense et documenté. C’est, notamment, que le souci de tenir compte de la complexité du réel pour mieux comprendre les processus actuels de recomposition des différents rapports de pouvoir (de sexe, de classe, de race) en constitue le fil directeur. Aussi, loin des raisonnements englobants qui posent le problème en termes d’effets de la mondialisation sur les femmes et qui en concluent que ces dernières sont les premières victimes des politiques néolibérales, cet ouvrage montre d’abord qu’il « n’existe pas un modèle unique de mondialisation » (p. 97) qui s’imposerait uniformément et qui produirait des effets cohérents, homogénéisants, non contradictoires au niveau mondial. Au contraire, toutes les inégalités se creusent, tandis que les rapports sociaux (de sexe, de classe, de race) se reconfigurent les uns les autres, selon une dynamique complexe, difficile à déchiffrer et des rythmes distincts. D’autre part, si l’on peut conceptualiser l’appartenance de sexe comme une appartenance de classe compte tenu de la division sexuelle du travail, celle-ci ne crée pas pour autant une communauté de condition socioéconomique entre femmes à partir de laquelle on pourrait raisonner globalement. Le sexe de la mondialisation montre que le contexte actuel est un contexte de réorganisation et d’exacerbation de tous les rapports sociaux d’exploitation, de sexe, mais aussi de classe et de race, notamment entre femmes. Dans le droit fil des théorisations féministes de l’articulation des rapports de pouvoir, la problématique proposée ici déplace donc doublement le questionnement. Il ne s’agit pas de travailler sur les femmes, mais sur les rapports sociaux de sexe et sur le genre tel qu’il se trouve profondément imbriqué aux rapports de classe et de race dans la réalité. De tels déplacements s’imposent si l’on veut « démêler les écheveaux des pouvoirs et des contre-pouvoirs » et « caractériser correctement les groupes en présence dans la « grande bataille » pour l’imposition du néolibéralisme ou la mise en place d’une alternative à ce modèle de mondialisation ». C’est donc à « cet effort d’analyse collectif » que ce volume se propose de contribuer (p. 278). L’ouvrage rassemble seize chapitres organisés selon trois sections. La première engage la discussion sur le terrain de la dimension économique de la mondialisation. Traitant centralement des réorganisations des divisions sexuelle et internationale du travail, cette partie est aussi l’occasion d’une réflexion théorique sur les impensés de la science économique dominante. Elle ouvre des pistes d’analyse alternatives fondées sur une critique féministe de l’économie politique. C’est précisément dans cette perspective que l’on peut situer la démarche de Saskia Sassen. À contre-courant des analyses dominantes de la mondialisation, souvent centrées sur la circulation du capital à l’échelle mondiale et sur sa financiarisation, Saskia Sassen propose de prendre pour objet la « géographie globale du travail » (p. 26), du « sommet » du système économique à sa « base ». Il s’agit, ce faisant, de relier l’hypermobilité du capital au travail, notamment au travail largement « invisibilisé » des femmes migrantes employées dans le secteur de la domesticité. Celui-ci est non seulement crucial pour les États hyperendettés du « Sud global » qui trouvent dans l’exportation de la main-d’oeuvre féminine une source de devise et un « moyen de survie », mais aussi pour le bon fonctionnement des services de pointe de l’économie mondialisée tels qu’ils …

Parties annexes