Comptes rendus

Fabienne Malbois, Déplier le genre. Enquête épistémologique sur le féminisme antinaturaliste, Zurich, Éditions Seismo, 2011, 224 p.[Notice]

  • Chantal Maillé

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  • Chantal Maillé
    Université Concordia

L’ouvrage de Fabienne Malbois propose de revisiter les fondements épistémologiques des théories féministes sur la différence sexuelle à partir d’une critique de la thèse féministe antinaturaliste. Dans le premier chapitre, intitulé « L’objectivité de la différence sexuelle », Malbois s’attache à montrer l’évidence de la différence sexuelle, s’inscrivant contre le féminisme poststructuraliste et l’idée que la catégorie « femme » est une fiction culturelle. Malbois écrit à ce sujet que, « pour tout membre adulte des sociétés modernes, […] toute personne est soit une femme, soit un homme, le sera durant toute sa vie et de manière permanente et il est juste et moral qu’il en soit ainsi. Sous cet aspect, il est erroné de soutenir que la catégorie « femme » est une fiction culturelle » (p. 14-15). Car, soutient Malbois, si la femme est une fiction culturelle, elle est une fiction qui est prise pour une réalité, donc une réalité qui n’est pas un pur produit de la culture. Au chapitre 2, Malbois entreprend de remettre en question les fondements du féminisme antinaturaliste, tout en s’inscrivant dans une relation de proximité avec ce féminisme. Son projet est de réinscrire la différence sexuelle à l’intérieur du féminisme antinaturaliste plutôt que de penser l’un et l’autre comme nécessairement opposés. La démonstration de l’auteure repose sur ce qui est ici désigné comme l’oubli de la thèse féministe antinaturaliste, soit le fait que la différence sexuelle se présente sous la forme d’une réalité objective (p. 18). La thèse féministe antinaturaliste ne rend pas compte de la visibilité ordinaire des catégories de sexe qui est constitutive de la différence sexuelle, et Malbois entend rendre à la différence sexuelle son statut de phénomène. Pour ce faire, elle se penche sur les travaux de trois féministes associées au courant antinaturaliste (Ann Oakley, Simone de Beauvoir et Christine Delphy) et examine leurs représentations et constructions du genre et du sexe avec en tête une question principale qui sert de fil conducteur : le genre est-il seulement la face culturelle du sexe? Malbois relève la contradiction inhérente à la proposition selon laquelle la différence sexuelle est une différence sociale, car, écrit-elle, « définir la différence sexuelle comme un fait de société présuppose d’avoir entériné l’idée selon laquelle la différence sexuelle existe avant, ou hors société » (p. 43) et elle entreprend de clarifier ce qui est construit quand on dit adopter une perspective constructiviste de la différence sexuelle. Le genre a besoin de l’existence d’un sexe naturel ou biologique : « Si le genre peut désigner ce qu’il y a d’historique, de contingent, de mutable dans la différence sexuelle, c’est parce qu’il y a un opposé, le sexe, qui renvoie quant à lui au caractère a-historique, stable et immuable de ladite différence » (p. 47). Donc, pour être en mesure d’affirmer que la différence sexuelle est un fait social, il faut logiquement avoir pensé que la différence sexuelle a une existence dans l’ordre naturel. Il est en effet possible de postuler que le genre est la différence sexuelle d’ordre social ou culturel si et seulement si il a été admis auparavant que le sexe précède le genre (p. 47). Malbois fonde ses arguments sur la réalité objective de l’existence du sexe sur la logique. Le genre prouverait ainsi qu’il y a bel et bien des catégories de sexe. La réflexion de l’auteure se tourne par la suite vers le statut de la distinction sexe/genre pour le projet féministe antinaturaliste (p. 61) et le chapitre 3 est consacré à cette question. Malbois entend montrer qu’il faut transformer radicalement la façon d’envisager la distinction sexe/genre (p. 63). Il faut …