Comptes rendus

Monique Meloche, Profession : travailleuse sociale. Quarante-cinq ans de service social hospitalier 1950-1995, Montréal, Liber, 2011, 248 p.[Notice]

  • Hélène Charron

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  • Hélène Charron
    Université Laval

Rares sont les récits autobiographiques de travailleuses sociales en milieu hospitalier qui ont fait l’expérience du passage de la Révolution tranquille et de la disparition de la mainmise des communautés religieuses sur les services sociaux et hospitaliers. L’ouvrage de Monique Meloche présente un regard intime, personnalisé, presque quotidien, sur les transformations que les établissements hospitaliers et sociaux ont connues depuis les années 50. La reconstitution de l’expérience professionnelle de Monique Meloche s’appuie sur ses agendas de travail « soigneusement conservés ». L’auteure refuse ainsi de considérer son récit comme autobiographique et lui donne plutôt le statut de « mémoire de vie professionnelle ». Et il s’agit en effet bien de cela. Aucun élément de vie personnelle – vie familiale, conjugale, amicale, etc. – ne transparaît dans ce livre qui procède de manière chronologique, à travers la succession des emplois et des collègues fréquentés. Bien que le contenu de cette trame soit toujours captivant, il aurait été fort intéressant de mieux connaître les conditions de vie de Monique Meloche pour dépasser la frontière entre le privé et le public – qu’elle s’est bien gardée de franchir – et prendre la mesure de plusieurs déterminants sociaux comme l’origine sociale, le sexe, le statut matrimonial, et bien d’autres, sur sa trajectoire et ses perspectives particulières. À chaque période charnière et à chaque changement d’établissement, l’auteure retrace le contexte historique et les composantes structurelles qui caractérisent chaque époque et milieu. Ces parties sont des plus intéressantes, et il aurait été souhaitable que le reste des chapitres, qui porte surtout sur des « cas exemplaires » et sur ses relations de travail avec ses collègues, soient mieux intégrés dans un cadre plus général d’interprétation historique. Enfin, l’auteure insiste davantage sur la période allant de 1950 à 1970 et passe rapidement sur la période plus récente, soit de 1971 jusqu’en 1995. On comprend aisément l’importance de la première période, mais on reste un peu sur notre faim en ce qui concerne la seconde, dans laquelle l’auteure n’articule plus ses expériences personnelles autour des conditions plus générales de croissance et de professionnalisation des professions paramédicales. Le premier chapitre pose les conditions initiales du choix du service social au cours des années 50 et rappelle d’emblée que l’orientation des jeunes filles vers cette nouvelle profession relevait souvent d’un second choix, réaliste, devant l’impossibilité tacite pour les femmes de faire carrière dans le milieu universitaire. L’auteure propose une bonne synthèse de l’état des services sociaux montréalais de l’époque qui suivaient alors les divisions linguistiques et religieuses de la population. Les catholiques francophones devaient se soumettre aux conditions de moralité et de bonne conduite exigées des autorités religieuses responsables de presque tous les services sociaux auxquels ils et elles avaient accès. Même dans les oeuvres laïques gérées par des femmes de la bourgeoisie, les normes sexuelles et morales catholiques régnaient. Les mères célibataires, par exemple, n’avaient pas accès aux visites prénatales, au médecin et à la layette fournis par l’Assistance maternelle aux femmes pauvres de la ville. La Loi sur les mères nécessiteuses de 1937 excluait également les femmes qui avaient donné naissance hors mariage. Les femmes vivant seules étaient souvent soupçonnées par les services sociaux de vivre en concubinage et faisaient l’objet d’enquêtes particulièrement approfondies avant d’être soutenues et aidées. L’auteure rappelle aussi la situation peu enviable des femmes mariées qui, jusqu’au milieu des années 60, étaient considérées comme des mineures et devaient fournir l’autorisation de leur mari pour accoucher ou se faire opérer. Ces considérations sur les contraintes exercées par la religion catholique sur les femmes jusqu’à la fin des années 60 – notamment le difficile accès à …