Comptes rendus

Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou (dir.), Femmes, où en êtes-vous? Féministe, encore et toujours. Féminismes, ailleurs. État sauvage, Barcelone, Indigène Éditions, 2012, 100 p., 3 vol.[Notice]

  • Isabelle Auclair

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  • Isabelle Auclair
    Université Laval

Créée en 1996 par Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou, la maison d’édition Indigène se veut novatrice en proposant des ouvrages qui favorisent un dialogue non hiérarchique entre les arts et les savoirs provenant de sociétés diverses. Avec quelque 80 ouvrages déjà publiés dans cette perspective, cette maison d’édition lance, avec un coffret regroupant les textes « Féministe, encore et toujours », de Françoise Picq, « Féminismes, ailleurs » des auteures Claire Auzias, Lina Ben Mhenni, Marcia Langton, Malika Mokeddem et Michèle Therrien, et « État sauvage », d’Isabelle Sorente, les premiers titres d’une nouvelle collection intitulée « Femmes, où en êtes-vous? » Une collection qui veut donner un espace de discussion sur la diversité féministe, dont les premiers textes, comme le souligne l’éditrice, « attest[e]nt que les femmes demeurent une insécable communauté d’insoumises, un état de liberté, par-delà tout enlisement institutionnel et les limites de la parité » (Crossman, p. 6). Le texte « Féministe, encore et toujours » débute par une question qui donne le ton au coffret et qui s’inscrit dans la mouvance actuelle. En demandant : « Comment peut-on encore être féministe aujourd’hui? » (p. 5), Picq récupère la remise en question des critiques qui qualifient le mouvement féministe de désuet, arguant que les acquis en matière d’égalité entre les sexes seraient tels qu’il se révélerait obsolète de poursuivre les demandes, les prises de position et les revendications à cet égard. Il va sans dire qu’il est essentiel, non seulement de garder un regard critique devant ces discours populaires, mais qu’il est également important, tel que le permet ce coffret, de donner la parole aux féministes de différents horizons afin qu’elles puissent partager leurs réflexions diverses, différentes, mais aussi complémentaires. Isabelle Sorente, avec l’essai « État sauvage », offre un texte qui, sans détonner, se démarque certainement des autres par sa dimension littéraire dont la prose est subversive et passionnée. En s’éloignant de tout discours conformiste, l’auteure propose un texte qui jette un regard particulier sur ce qu’elle nomme le « piège de la domestication » (p. 5), celle de l’être humain. Mais si « l’animal [a été] dressé depuis des millénaires à endurer et à subir » (p. 5), Sorente s’efforce de nous démontrer que les femmes ont, grâce notamment aux révolutions et aux revendications, renégocié les conditions de cette vie domestique. Plus encore, selon elle, « le féminin est un entraînement de la conscience, capable de libérer l’homme de la condition domestique » (p. 15). Dans un autre registre, Picq retrace brièvement certaines revendications du féminisme français qui, si elles dérangeaient à leur époque, à postériori, ont été considérées comme légitimes. À la lumière de ce retour historique, force est de constater, comme le souligne l’auteure (p. 6), que nous connaissons bien « ce discours qui distingue un bon féminisme : passé, utile et légitime, et un mauvais féminisme, actuel, qui serait inutile et illégitime. C’est le même qui accompagne chaque réveil féministe, avec toujours le même refrain : “ Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore? ˮ » (p. 6). Il est vrai que certaines avancées sont observables en matière de droits de femmes. Toutefois, bien que les avancées législatives et politiques soient des plus importantes, il est crucial de se questionner sur les effets réels de ces mesures sur le quotidien des femmes et sur la diminution réelle des inégalités basées sur le genre. La parité, comme le mentionne l’auteure, n’est pas nécessairement gage d’égalité. Si les Françaises ont accès au vote, à l’éducation ou aux différentes professions, reste qu’elles sont toujours responsables de 80 % des tâches domestiques et familiales, qu’elles sont toujours les …