Comptes rendus

Marie-Ève Surprenant et Mylène Bigaouette (dir.), Les femmes changent la lutte : au coeur du printemps québécois, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2013, 328 p.[Notice]

  • Jean-Sébastien Ritchie

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  • Jean-Sébastien Ritchie
    Université du Québec à Montréal

Regroupant une trentaine de textes, le recueil Les femmes changent la lutte : au coeur du printemps québécois réalise avec brio la mission dont s’étaient investies les instigatrices du projet, Marie-Ève Surprenant et Mylène Bigaouette. À la suite du navrant constat qu’une fois de plus la mémoire de ce mouvement social qu’a représenté la lutte étudiante s’élargissant en contestation populaire s’écrivait au masculin, il était « impératif » d’agir (p. 16) : L’ouvrage repose donc sur des témoignages diversifiés de femmes qui, à leur façon, ont pris part à la lutte de façon à la transformer. On y retrouve des porte-paroles issues des organisations étudiantes nationales (Jeanne Reynolds et Camille Robert pour la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) ainsi que Martine Desjardins et Éliane Laberge pour les fédérations étudiantes) qui font part de leurs expériences de lutte; des étudiantes et des étudiants qui se sont organisés sur une base affinitaire (Iraïs Landry pour le Comité femmes GGI (Grève générale illimitée), le collectif de tricot-graffiti Maille à part, Guillaume Cyr, Philippe Dumaine, Marie-Élaine LaRochelle et Maxime Vallée pour le P!NK BLOCK) qui racontent leurs vécus de même que les positions originales mises en avant et souvent marginalisées par le mouvement; d’autres femmes qui proposent des textes plus personnels, parfois sous forme exploratoire, épistolaire ou poétique (Zéa Beaulieu-April, Sophie Jeukens, Françoise Pelletier, Karen Juliette Lalonde, Catherine Lavarenne, Janie Ducharme et Mylène Bigaouette); des militantes qui défendent des principes pour lesquels le mouvement féministe lutte au travers d’essais, manifestes ou de textes argumentatifs (Institut Simone-De Beauvoir, Caroline Roy-Blais, Camille Tremblay-Fournier et Anne-Marie Voisard), des alliées de la cause étudiante qui prennent aussi la plume pour partager leurs apprentissages, actions solidaires et réalisations (notamment Anne-Marie Le Saux, de l’organisme Profs contre la hausse, Sophie Vallée-Desbiens, Karine Philibert et Karoline Demers, pour Infirmières et infirmiers contre la hausse, Isabelle Langlois, de Mères en colère et solidaires, Nesrine Bessaïh, de L’R des centres des femmes du Québec, Manon Massé, militante féministe de longue date et candidate électorale pour Québec solidaire, Véronique Laflamme, de la Coalition Main rouge). Cette diversité de propos est essentielle puisqu’elle permet de faire percevoir, un tant soit peu, l’étendue des rôles qu’ont tenus les femmes et les féministes au sein du mouvement social. Les divers auteurs et auteures possèdent, à l’échelle individuelle, une perspective qui lui est propre, que l’on peut rapporter à des courants féministes ou idéologiques divergents et qui, parfois, tirent quelques flèches au passage : « L’objectif de ce livre est de donner une voix à ces voix, sans jugement de valeur ni hiérarchie dans la lutte. Loin de nous l’idée de […] présenter les femmes […] comme étant un bloc monolithique et consensuel » (p. 17). L’ouvrage Les femmes changent la lutte : au coeur du printemps québécois ne présente donc pas d’analyse unifiée, englobante de ce qui s’est passé au printemps 2012, mais se veut plutôt « le miroir de la diversité des actions, des manières de penser et de faire la grève et plus largement la lutte populaire pour la transformation sociale » (p. 17). Cette force comprend toutefois le défaut de sa qualité : en publiant de courts textes écrits par de nombreuses femmes et quelques hommes, des lectrices ou des lecteurs pourraient désirer que telle ou telle analyse soit plus étoffée, que telle critique soit plus aboutie, qu’il puisse y avoir un choc des idées entre les textes plutôt que de se limiter à des monologues. Toutefois, le panorama présenté dans le recueil est bien fait et, pris en tant que tel, était nécessaire au discours ambiant. Le travail …

Parties annexes