Comptes rendus

Andrée Rivard, Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2014, 448 p. [Notice]

  • Chantal Bayard

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  • Chantal Bayard
    Université d’Ottawa

L’ouvrage Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne est un incontournable pour quiconque s’intéresse à l’émergence et à la transformation des pratiques entourant la naissance au Québec. Dans cet ouvrage critique, l’auteure, Andrée Rivard, historienne et chargée de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières, attire notre attention sur le processus de médicalisation de l’accouchement, sur ses conséquences sur l’expérience des femmes et sur la mobilisation de plusieurs dans un mouvement de contestation en vue d’assurer l’humanisation des naissances. À travers sept chapitres, elle retrace le processus par lequel le modèle biomédical s’est imposé, jusqu’à une période récente, si bien qu’aujourd’hui naissance et médicalisation sont indissociables. Au chapitre 1, l’historienne précise que, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la « pensée scientiste » domine le discours et la pratique des médecins à l’égard de l’accouchement. Dès lors, on privilégie une vision mécaniste du corps des femmes en mettant l’accent sur la correction de ses « défectuosités » physiologique, anatomique et psychologique, ce qui relègue aux oubliettes, par le fait même, les dimensions sociales et spirituelles de l’enfantement. La préoccupation grandissante des médecins pour la mortalité infantile viendra également renforcer la nécessité d’intervenir rationnellement sur la question de l’enfantement. À l’époque, les femmes seront considérées, parce qu’elles mettent au monde les enfants, comme les premières responsables de leur survie et de leur développement. D’où la nécessité de les éduquer, elles, et de contrôler leurs actions. Il faut dire cependant que les femmes ont mis du temps à se conformer aux conseils des médecins et à intérioriser les risques inhérents à l’accouchement. La professionnalisation des médecins et la reconnaissance par l’élite de leur supériorité ont contribué au fil du temps à leur conférer de la crédibilité, du prestige et de la confiance. Durant la Révolution tranquille, le rapport des femmes à la médecine et à l’accouchement se transforme (chapitre 2). Le rejet des traditions et de l’héritage portés par les générations précédentes favorise l’émergence de l’expérience « moderne » de l’accouchement. Par souci d’efficacité, accoucher devient une expérience standardisée. Les médecins seront dès lors responsables de définir de nouvelles normes. La suppression de la douleur devient un élément central du modèle de l’accouchement « moderne » parfait. L’administration généralisée des médicaments analgésiques (barbituriques, sédatifs) et anesthésiques aux parturientes sera vue comme un signe de progrès. Il faut dire qu’à l’époque les médecins étaient convaincus de l’innocuité de ces méthodes pour la mère et l’enfant, d’autant plus qu’elles permettaient également de « diriger l’accouchement » en s’assurant de la docilité des femmes. À titre indicatif, l’auteure révèle qu’en 1971 « 88,4 % des accouchements (incluant les césariennes) se déroulent sous anesthésie » (p. 98). Par ailleurs, c’est aux médecins, beaucoup plus qu’aux femmes, que revenait le choix du type d’anesthésie (général, régional, local ou combiné), et ce, indépendamment des effets négatifs (somnolence, nausées, vomissements, vertiges, hallucinations, délires, affectant aussi le rythme cardiaque de l’enfant), ce qui fait dire à l’auteure qu’elles ont servi de cobaye. En plus de l’anesthésie, d’autres interventions constituaient la norme en matière d’accouchement : l’asepsie du corps des femmes, la rupture des membranes et l’épisiotomie. Ce type d’accouchement, sous haute surveillance médicale, a contribué à les isoler de leur entourage, de leur famille et de leur conjoint, tout en consolidant, par ailleurs, l’autorité de leur médecin. Parallèlement au processus de médicalisation de l’accouchement, d’autres méthodes suscitent l’intérêt des Québécoises. Dans le chapitre 3, Rivard se penche sur deux de ces méthodes élaborées en Europe. La première a été mise au point en 1933 par le médecin britannique Read. Diffusée en Amérique à partir de 1944, cette méthode, …