Comptes rendus

Christiane Veauvy et Mireille Azzoug (dir.), Femmes, genre, féminismes en Méditerranée. « Le vent de la pensée ». Hommage à Françoise Collin, Saint-Denis, Éditions Bouchène, 2014, 317 p.[Notice]

  • Diane Lamoureux

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  • Diane Lamoureux
    Université Laval

Ce qui devait être au départ un colloque auquel aurait dû participer Françoise Collin s’est transformé en hommage à cette dernière, décédée en septembre 2012. D’où la facture un peu particulière d’actes de colloque et d’hommage de cet ouvrage. Comme s’en explique d’entrée de jeu Christiane Veauvy, l’esprit qui anime ce recueil de textes est « le désir partagé de garder vivante la pensée de Collin, philosophe et féministe, de relier ses interventions dispersées, non-répétitives, jamais neutres, dans nos échanges entre femmes de la Méditerranée » (p. 13). La première partie est celle qui ressemble le plus à ce qui aurait pu constituer des actes de colloque. Elle s’ouvre sur une intervention de Françoise Duroux, amie de longue date de Collin, sur les rapports Nord-Sud dans le féminisme, où elle oppose un « féminisme domestiqué » du Nord, ayant fait sa niche dans les universités et les ministères, et un féminisme plus « sauvage » du Sud, qui maintient vivant l’engagement du féminisme dans un projet de justice sociale d’ensemble. Cette partie se poursuit par un texte d’Azadeh Kian qui porte sur un survol des traditions féministes au Moyen-Orient depuis le xixe siècle. Loin de considérer le féminisme comme un produit d’importation occidentale, Kian montre qu’il s’enracine dans un projet de modernisation de type nationaliste : « En Iran, comme en Égypte et en Turquie, le projet moderniste, centré sur la loi, la science et le progrès, consistait à civiliser ou plus précisément à européaniser la nation. À cette fin, l’instruction des femmes et la transformation de l’espace domestique s’avéraient prioritaires » (p. 51). Il en a résulté un féminisme essentiellement urbain, mais aussi des voix féministes plurielles. Parlant de l’Égypte, Kian souligne le travail conjugué des féministes musulmanes, des féministes nationalistes et séculières ainsi que des féministes socialistes contre le colonialisme britannique et leur répression commune à l’époque nassérienne (p. 56). De façon plus contemporaine, elle rappelle qu’en Iran, aujourd’hui, il y a des alliances de plus en plus fréquentes de féministes musulmanes avec des féministes séculières pour demander de mettre fin au statut de citoyennes de seconde zone des femmes, s’appuyant tant sur une relecture du Coran que sur les instruments de droit international (p. 63). Evelyne Accad, autre amie de longue date de Collin, offre une réflexion en trois temps. D’abord, elle parle du processus qui a permis la production d’un numéro des Cahiers du GRIF consacré au Liban (n° 43/44, juin 1990), alors que Françoise Collin s’était rendue dans ce pays en guerre pour y rencontrer des féministes. Ensuite, Accad traite du rôle des femmes dans les révolutions arabes de 2011. Elle montre l’engagement personnel de Nawal El Sadawi, féministe égyptienne de la première heure, dans le mouvement d’occupation de la place Tahrir au Caire, mais aussi les attaques des islamistes contre la projection d’un film de Nadia el Fani intitulé Ni Allah, ni maître. Enfin, Accad se penche sur les entrevues qu’elle a réalisées avec des femmes des camps palestiniens de Sabra et de Chatila au Liban, tristement célèbres pour le carnage qu’a rendu possible l’avancée militaire israélienne au Liban en 1982. Ces entrevues montrent que derrière la guerre, et sous son couvert, il y a également une guerre contre les femmes. « Elles ne perdent pas espoir, en dépit des circonstances désastreuses dans lesquelles elles vivent, rêvant d’une vie meilleure au moins pour leurs enfants » (p. 80). La réflexion continue avec un texte de Feriel Lalami sur le mouvement des femmes en Algérie. Cette auteure fait remonter la naissance d’un mouvement féministe autonome dans ce pays aux luttes contre le Code …