Comptes rendus

Andrée Rivard, De la naissance et des pères, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2016, 189 p.[Notice]

  • Marie-Laurence B. Beaumier

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  • Marie-Laurence B. Beaumier
    Université Laval

Dans son plus récent ouvrage, Andrée Rivard poursuit son analyse des transformations des pratiques et des représentations entourant la naissance au Québec. Publié en 2014, son premier livre, intitulé Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne, décortiquait déjà le processus de médicalisation de l’accouchement au fil du xxe siècle, ses conséquences sur l’expérience des femmes, ainsi que l’émergence d’un mouvement de revendication en faveur de l’humanisation des naissances. Avec De la naissance et des pères, l’historienne et chargée de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières se penche maintenant sur l’expérience des pères. De 1950 à 1980, un ensemble de discours (médicaux, religieux, sociaux, étatiques, etc.) façonnent et remodèlent la culture de la naissance. D’abord exclus de l’hôpital, les pères y reviennent progressivement grâce à l’émergence des méthodes d’accouchement naturel (ou conscient) qui font la promotion d’un nouveau modèle paternel. À travers six chapitres, l’ouvrage retrace cette évolution, ainsi que les principaux facteurs l’ayant influencée. L’analyse critique se situe au carrefour de l’histoire socioculturelle des familles et de la naissance, mais aussi de l’histoire des paternités et des identités masculines, champ de recherche de mieux en mieux balisé au Québec, mais qui laisse encore entrevoir de nombreux terrains en friche. L’ouvrage repose sur l’analyse rigoureuse d’un ensemble de sources documentaires primaires et secondaires : guides de préparation à la naissance; témoignages publiés par des médecins et des parents; ouvrages médicaux; imprimés gouvernementaux (rapports, politiques, recommandations sanitaires), etc. L’étude tire également profit d’un corpus de sources orales précédemment utilisées par la chercheuse dans le cadre de ses recherches doctorales. Quatre récits de vie recueillis en 2011 auprès d’hommes ayant été pères pendant la période 1958-1981 complètent le corpus et permettent à l’auteure de se distancier des discours pour entrer dans la sphère, plus intime, de l’expérience des pères. L’analyse se concentre sur les pères franco-québécois issus de la classe moyenne. Il aurait d’ailleurs été pertinent que la question des rapports de classe soit mieux intégrée à la réflexion d’ensemble et que la notion de classe moyenne soit précisée, celle-ci demeurant très vaste et marquée par d’importantes mutations sociales, matérielles et culturelles au cours de la période ciblée. Dans les deux premiers chapitres, Andrée Rivard précise le contexte sociohistorique ayant entraîné l’exclusion des pères de la salle d’accouchement. Dès la première moitié du xxe siècle, un ensemble de discours encadrent les attitudes et les comportements des pères dans le foyer, tout comme les rapports qu’ils doivent entretenir avec leurs enfants nouvellement nés. Façonné par le courant progressiste du mouvement d’action sociale catholique, mais aussi par les autorités gouvernementales qui conçoivent de plus en plus la parentalité comme un enjeu de santé publique, l’idéal de la famille nucléaire, ou du modèle de la famille démocratique (companionate marriage), invite les pères à prendre part à l’éducation de leurs enfants, sans pour autant s’engager dans la vie domestique ou au moment de l’accouchement. Parallèlement à l’émergence puis au renforcement de cet idéal, le début des années 1950 est aussi marqué par une intensification de la médicalisation des naissances. À ce moment, la proportion des accouchements à l’hôpital dépasse déjà celle des accouchements à la maison. Présenté comme une norme, ce modèle d’accouchement dirigé exclut les pères de la naissance sous prétexte de leur incompétence et de leur nuisance, jugement qui sera fortement intériorisé par les futurs parents. Allant au-delà du cliché du père qui s’évanouit et s’assomme sur le calorifère, Andrée Rivard montre bien que l’imposition du modèle d’accouchement dirigé et l’exclusion des pères de la salle d’accouchement résultent d’abord et avant tout du désir des médecins de se …

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