Comptes rendus

Caroline Caron, Vues, mais non entendues. Les adolescentes québécoises et l’hypersexualisation, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2014, 230 p.[Notice]

  • Catherine Lavoie Mongrain

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  • Catherine Lavoie Mongrain
    Université du Québec à Montréal

Dans la première partie de son ouvrage, Caron vise à éclaircir les moyens par lesquels les discours médiatiques et publics en sont venus à faire de l’hypersexualisation un enjeu prioritaire. Elle sépare ces discours en quatre étapes pour mieux comprendre l’éclosion, le déroulement et l’apaisement de la crise. La deuxième partie de son ouvrage est consacrée à ce que les adolescentes ont à dire à propos des codes vestimentaires dans les établissements scolaires. L’auteure ajoute à cette partie des discussions sur la démarche méthodologique et l’éthique en recherche en se basant sur ses propres expériences lors de ses démarches auprès des adolescentes. Caron documente quatre phases dans la crise médiatique autour de la mode vestimentaire sexy des jeunes filles au Québec (chapitre 1). Elle compare ces phases à celles qui sont typiquement associées à une attaque de panique : d’abord surviennent le malaise et la perception d’une menace, ensuite l’angoisse et la peur accompagnée d’une recherche de solutions, suivies de l’attaque de panique elle-même qui se résout finalement dans la dissipation des symptômes. Dans l’engouement de la controverse, la mode vestimentaire des jeunes filles devient une préoccupation d’ordre politique qui se traduit dans diverses interventions de l’État. Les processus d’amplification discursive et affective employés par les médias (par exemple, par la répétition de termes connotés comme « trop » ou par la diffusion d’images choquantes) sont centraux au déclenchement de l’attaque de panique. Par une série de glissements et de généralisations, c’est la sexualité adolescente en soi qui en vient à être conçue comme une déviance devant être contrôlée. Entrent alors en jeu les experts et les expertes (chapitre 2). Leur position d’autorité confère la légitimation nécessaire au passage à l’action dans la controverse, leur expertise fournissant l’assentiment scientifique justifiant la discipline des jeunes filles et la prescription d’un code vestimentaire. La rhétorique avancée cible particulièrement les parents « démissionnaires » soumis au règne des « enfants rois » faillant à leur tâche d’inculquer les « bonnes » valeurs à leurs enfants et de les protéger contre les dangers engendrés par les nouvelles technologies. Le ton est alarmiste et moralisateur, parfois condescendant, et la responsabilité est jetée sur le dos des parents, en particulier des mères. Ces discours ne révèlent pas la véritable signification des modes vestimentaires sexy des jeunes filles; ils reflètent le point de vue d’adultes sur une réalité qui n’est pas la leur, celle des adolescentes. Cela suppose qu’il y ait possible discordance entre les contenus de ces discours et les significations données par les filles à leur propre habillement. C’est dans le but d’investiguer cette possibilité que la deuxième partie de l’ouvrage traite exclusivement du point de vue des principales intéressées. En recourant à ce qu’elle appelle une « méthodologie des sensibilités » (chapitre 3), Caron tisse sa démarche de recherche autour des « points sensibles » manifestés par les adolescentes lors de ses interactions avec elles. Cette démarche a pour objectif d’amoindrir le rapport d’autorité dans la relation chercheuse-participante, de rendre compte de la pluralité des voix des adolescentes et de produire des connaissances sensibles aux risques de marginalisation de ces filles. À partir de cette perspective, le code vestimentaire en milieu scolaire apparaît comme un instrument de contrôle destiné à gouverner les corps (chapitre 4). Sous constante surveillance, les adolescentes sont soumises à de fréquentes répressions, parfois comparables à du harcèlement, justifiées par la mise en application des règlements. La discipline des corps fonctionne selon une logique du « deux poids, deux mesures » ciblant particulièrement la sexualisation des corps féminins. Les adolescentes interrogées approuvent l’existence d’un code vestimentaire dans leur école, mais présentent …

Parties annexes