Comptes rendus

Marie-France Labrecque, La migration saisonnière des Mayas du Yucatán au Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016, 270 p.[Notice]

  • Sarah Bourdages Duclot

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  • Sarah Bourdages Duclot
    Université Laval

Depuis la Seconde Guerre mondiale, un exode important sévit dans les campagnes. La jeunesse canadienne normalement employée dans les fermes maraîchères émigre alors vers les villes et laisse derrière elle un besoin énorme de main-d’oeuvre. En réponse à cette situation critique, des pays fournisseurs se sont engagés à élargir le bassin de recrutement proposant « de “ meilleurs ” travailleurs […] plus soumis et plus corvéables » (Preibisch 2007 : 438). En effet, pour réussir à maintenir sa production agricole, le Canada fait appel depuis 1974 à des travailleuses et à des travailleurs saisonniers pour venir combler le grand manque de main-d’oeuvre dans les fermes canadiennes. Cette main-d’oeuvre prend notamment forme grâce au Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) par lequel des travailleuses et des travailleurs étrangers qualifiés pour l’agriculture s’engagent à venir travailler de manière temporaire au Canada. L’ouvrage de Marie-France Labrecque La migration saisonnière des Mayas du Yucatán au Canada s’intéresse plus particulièrement à la situation de la main-d’oeuvre mexicaine dans le contexte du PTAS. Élaboré à partir d’ententes bilatérales entre les différents gouvernements, le PTAS est soutenu et justifié par plusieurs grâce à un argument comme quoi il est « trois fois gagnant » (p. 60), faisant référence aux trois parties, soit le pays d’accueil, le pays d’origine et la main-d’oeuvre. C’est par l’intermédiaire du PTAS que Labrecque se propose d’observer non pas sa structure ou son efficacité, mais bien « la texture complexe de [la] vie quotidienne » (McCall 2005 : 1782) de ses nombreux travailleurs et travailleuses mexicains temporaires et de leur entourage. Plus précisément, Labrecque propose, à travers une ethnographie réalisée au point d’origine, « d’analyser son influence sur la reconfiguration, dans [l’État du Yucatán], des inégalités de genre, de classe et de “ race ” » (p. 5). S’inscrivant dans la même lignée que son ouvrage de 2013 intitulé « Avec une touche d’équité et de genre... » : les politiques publiques dans les champs de la santé et du développement au Yucatan, et celui de 2010, Migration, environnement, violence et mouvements sociaux au Mexique. Dynamiques régionales en contexte d’économie globalisée, l’auteure s’intéresse aux réalités des Mayas, plus particulièrement aux femmes mayas, et rend ainsi compte de la participation des différents vecteurs d’inégalité sociale dans ce processus migratoire. Dans le présent compte rendu, nous traiterons des éléments centraux de la recherche menée par Labrecque, tentant de mettre en avant la participation de ce type de migration, qui repose sur le PTAS, à la transformation (ou non) des constructions de la féminité et de la masculinité des personnes visées. Nous présenterons donc ci-dessous de manière succincte les cadres contextuel, théorique et méthodologique de la recherche de Labrecque, avant de nous pencher sur les données collectées par cette chercheuse et son équipe de recherche. En guise de cadre contextuel, l’auteure offre un panorama de la situation démographique et socioéconomique de l’État du Yucatán, qui en 2010 comptait 985 549 Autochtones, soit 50,39 % de sa population totale. Elle en trace le portrait en circonscrivant l’importance de la production agraire, l’augmentation de la pauvreté, le bas niveau d’intensité migratoire, le degré de retard social et la marginalisation. Dans le premier chapitre de son ouvrage, Labrecque met également en lumière la situation particulière des femmes dans cet état rural mexicain, ainsi qu’une description des trois principaux types de migration, soit la migration interne (habituellement vers la capitale de l’État ou une grande ville), la migration interétatique (entre les États) et la migration internationale (principalement vers les États-Unis et bien souvent sans papiers). Dans tous ces modèles de migration, il n’est pas rare de voir le …

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