Corps de l’article

« Notre corps nous appartient », « Mon corps, mon choix », « Nous ne sommes pas des poupées » : ces slogans phares de ce qu’il est convenu d’appeler le féminisme de la deuxième vague montrent bien l’importance du corps dans les combats, les revendications et les réflexions féministes. En effet, qu’il soit question de droit à la contraception et à l’avortement, d’image corporelle ou de sexualité, le corps des femmes est au coeur des stratégies d’historicisation et de conscientisation des mouvements féministes qui, dès les années 60, se sont employés à montrer que le « personnel est politique » (Dorlin 2008 : 9). Ainsi, les féministes sont depuis longtemps engagées dans diverses stratégies de réappropriation de leurs corps – corps dont les femmes sont historiquement dépossédées dans le système patriarcal et sur lesquels les États n’hésitent pas à légiférer – et de politisation de la vie privée en tant que lieu privilégié de la domination masculine (Federici 2020). Malgré les avancées, les droits des femmes de disposer de leur propre corps ne sont jamais un acquis, comme ne cesse de nous le rappeler l’actualité. Outre les menaces au droit à l’avortement, les violences sexuelles ou encore la moralisation de la sexualité des femmes, d’autres atteintes à l’autonomie corporelle ont gagné en visibilité au cours des dernières années, dont le manque de reconnaissance et d’inclusion des réalités entourant les corps trans.

Le thème du présent numéro se réfère ainsi aux enjeux esthétiques et politiques de tous les corps produits par le genre en tant que système de catégorisation binaire hiérarchisé (Bereni et autres 2012). Plus précisément, il est ici question des corps qui subissent différents effets d’oppression et d’exclusion sur la base du genre, au croisement d’autres rapports sociaux inégalitaires (âgisme, capacitisme, classisme, racisme, cisgenrisme). À travers la mise en lumière et l’analyse d’enjeux et de pratiques habituellement perçues comme relevant du domaine privé, les articles du numéro rendent compte des tensions qui caractérisent les corps genrés dans leurs rapports différenciés à la beauté et à l’alimentation, aux modifications corporelles par la chirurgie esthétique ou par l’utilisation de prothèses esthétisées de même qu’aux représentations et aux normes sociales. Les articles se penchent également sur les possibilités de transformation et de subversion des normes corporelles, dont celles qui sont offertes par les parentalités trans ou encore la fiction et la pratique artistique.

Par son thème, le numéro s’inscrit plus largement dans le domaine des études féministes et de genre où les questions liées au corps des femmes, en particulier à l’apparence physique et à la sexualité, font l’objet de débats et de divisions depuis longtemps. Un exemple récent est celui des questions de procréation médicalement assistée (PMA) et de grossesse pour autrui (GPA) qui soulèvent de vives controverses en France et ailleurs. D’un côté, on trouve les tenantes du « libre choix » et celles qui se portent à la défense des technologies comme outils d’autonomisation permettant à toutes les personnes qui ne sont pas dans une relation de couple cishétérosexuel de procréer (Bréhaux 2018). De l’autre côté, on entend les critiques du « marché de la procréation » qui pratiquerait une forme d’« eugénisme libéral » venant transformer la biopolitique traditionnelle, où l’on passe du contrôle étatique aux choix des consommatrices et des consommateurs en matière de reproduction, et renforcer les imaginaires esthétiques et (post)coloniaux de la blanchité (Schurr 2020).

La production théorique dans le champ des études féministes en particulier témoigne donc bien souvent d’une opposition dichotomique « oppression ou libération » lorsqu’il est question de l’esthétique et des politiques du corps. Entre les analyses du corps comme lieu de lecture des structures de pouvoir et celles qui font du corps un outil de résistance ou d’affirmation de soi, sans oublier les approches proposant autre chose que le classique débat structure/agentivité, les apports théoriques qui entourent les politiques du corps s’avèrent néanmoins riches et toujours en plein foisonnement. Notamment, le début des années 2000 a marqué un regain d’intérêt en recherche pour les questions d’esthétique des corps, et des auteures comme Ashley Mears (2014 : 1330) ont qualifié ce renouveau théorique de « moment de la beauté dans les sciences sociales ».

Si la recherche féministe s’emploie depuis longtemps à montrer que les injonctions de beauté pèsent beaucoup plus lourd sur les corps féminins que masculins, plusieurs chercheuses ont relevé une intensification et une extension de la pression d’être belle au cours des dernières années (Elias, Gill et Scharff 2017; Widdows 2018). Premièrement, la charge du « travail esthétique » que doivent accomplir les femmes afin d’être jugées normales ne cesse d’augmenter, et tous les moyens semblent bons pour y parvenir – ce que la philosophe britannique Heather Widdows (2018 : 127) appelle « une normalisation des procédures exceptionnelles », dont la chirurgie et la microchirurgie esthétique. Les chercheuses féministes soulignent, entre autres, la façon dont les nouvelles technologies amplifient l’intensité de la discipline esthétique par diverses formes de surveillance de soi et des autres (voir, par exemple, Ana Sofia Elias et Rosalind Gill (2018)). De plus, les coûts de cette intensification des normes de beauté et de la surveillance sont ressentis de manière disproportionnée par certains groupes de femmes dont les corps sont jugés non conformes. Pensons aux femmes trans, aux personnes en situation de handicap ou aux personnes grosses. Cette intensification marginalise également celles qui n’ont pas les ressources (argent, temps, énergie, intérêt) pour entreprendre une esthétisation de soi à la mesure de ce qui est attendu. Deuxièmement, non seulement la pression de faire le nécessaire pour être belle s’intensifie, mais elle touche également des parties du corps de plus en plus ciblées. C’est à cette segmentation du corps en diverses parties à gérer par un travail esthétique intense, et ce, maintenant jusque dans des moments qui échappaient autrefois aux diktats de beauté – par exemple, la grossesse et la maternité (Keyser-Verreault 2018; Tyler 2011) ou encore la vieillesse (Wallach et autres 2019) – que font référence les chercheuses féministes lorsqu’elles abordent l’extension des normes de beauté.

Un autre aspect à considérer est celui de la dimension subjective du rapport à la beauté. Il importe en effet de s’interroger sur les dimensions immatérielles de l’esthétisation de soi et sur l’interaction entre l’apparence extérieure et la vie intérieure des femmes. Des auteures comme Elias, Gill et Scharff (2017 : 33) insistent sur l’idée que la quête de beauté est reconfigurée comme un état d’esprit et a une incidence profonde sur la vie psychique des femmes qui se doivent d’être belles et également de se sentir bien dans leur peau. Mears (2014) souligne qu’il faut prendre en considération les récompenses non financières liées au fait d’avoir une image corporelle jugée satisfaisante, y compris le plaisir d’incarner une désirabilité esthétique reconnue. L’importance de la satisfaction de soi et des autres gains immatériels est donc incontournable dans les analyses du travail esthétique des femmes (Keyser-Verreault 2020).

Construction sociale du corps

Lorsqu’on aborde les phénomènes liés au corps, un apport majeur des études féministes a été de théoriser la construction sociale des corps sexués soutenue par des mécanismes de pouvoir et entretenue méthodiquement par l’environnement matériel, les institutions et les autres acteurs sociaux. Dans sa critique de l’« idée de nature », Colette Guillaumin (1992 : 117) a montré de façon notable que la première fonction sociale du corps « est d’actualiser, de rendre visible ce qui est considéré comme la division fondamentale de l’espèce humaine : le sexe ». Plus précisément, elle soutient qu’il n’existe pas de distinction naturelle entre les sexes, mais que les différences physiologiques sont mises en avant, façonnées et hiérarchisées par un groupe pour en dominer un autre. La mise en scène du corps, soit les manières dont on le nourrit, on le déplace et on le pare, participe directement de cette division éminemment sociale, culturelle et donc construite. De plus, dit Guillaumin, la construction sociale du corps ne se limite pas à l’apparence ou à la motricité corporelle, mais elle induit également une forme particulière de conscience individuelle de genre.

À cet égard, l’un des apports théoriques les plus importants est venu des études queers qui se sont employées à dénaturaliser le corps dans son rapport au genre et au désir. Les travaux de Judith Butler (2005) en particulier ont montré l’importance du langage pour assurer l’existence sociale du corps, lui qui ne peut être perçu qu’à travers des catégories, des signes et des actes de langage. Cela ne revient pas à dire que les corps n’existent pas dans leur matérialité, mais bien qu’ils sont chargés de significations et encadrés par des normes, notamment au regard des usages normalisés de certaines parties du corps à des fins sexuelles ou érotiques (les seins féminins, par exemple). Le genre et le sexe comme présupposé du genre sont donc l’un des premiers cadres normatifs à travers lesquels les corps se matérialisent et par lesquels ils sont rendus visibles et intelligibles dans l’espace social. Butler (2018) montre en outre que certains corps sont produits comme « des corps qui comptent », qui sont légitimes car ils incarnent la norme, tandis que d’autres corps ne comptent pas. Ces derniers sont relégués au rang de l’abjection parce qu’ils ne se conforment pas aux normes, à commencer par celles du genre et de la sexualité.

Malgré un certain consensus sur le dépassement des interprétations biologiques et déterministes, les positions et les angles analytiques féministes restent polarisés sur les questions liées au corps. Une approche classique consiste à appréhender les corps féminins comme lieux de lecture des structures de pouvoir, traversés par différentes formes de domination patriarcale. Les pratiques de beauté, notamment, sont comprises du point de vue de l’oppression qu’elles exercent sur les femmes, enfermant ces dernières dans des normes restrictives qui contribuent à leur assujettissement et vont parfois jusqu’à les rendre malades – pensons ici aux troubles de l’anorexie ou de dysmorphie corporelle. L’ouvrage classique The Beauty Myth (Wolf 1990) illustre bien cette position. En outre, des chercheuses féministes foucaldiennes ont analysé les pratiques de beauté comme une technologie disciplinaire qui régule les corps, même lorsque les femmes pensent entreprendre librement ces pratiques. Un autre classique de la littérature féministe, Unbearable Weight: Feminism, Western Culture and the Body de Susan Bordo (1993), s’inscrit dans ce courant.

Par opposition à une lecture stricte en matière de structures de pouvoir, certains courants des études féministes insistent sur l’agentivité des femmes dans leurs pratiques esthétiques et nuancent l’idée selon laquelle la recherche de beauté ne serait qu’une injonction patriarcale opprimante. S’intéressant au travail des corps vieillissants des femmes, Laura Clarke et Meridith Griffin (2007) ont par exemple montré qu’il n’existe pas de corps « naturel », mais uniquement des corps socialement construits et transformés (ce qui inclut même les corps se disant « naturels » puisque l’idée de « naturel » est elle-même une construction) et que le travail de l’apparence peut être source de plaisir et de joie. Bien que les pratiques de beauté et les résultats obtenus puissent procurer du plaisir à certaines femmes, des auteures relèvent avec justesse que ce type de discours s’inscrit parfois dans la rhétorique postféministe et néolibérale selon laquelle les pratiques esthétiques représenteraient un choix personnel et agréable, dans un monde où les revendications féministes seraient prétendument dépassées (Lazar 2017).

Débat structure/agentivité

Par ailleurs, des chercheuses proposent des analyses voulant explicitement réconcilier le débat structure/agentivité. Par exemple, Wen Hua (2013) a montré dans son analyse de la chirurgie esthétique en Chine que la beauté est un réel capital, dont les femmes tirent profit dans diverses sphères de leur vie, et que ce phénomène ne saurait être lu seulement par le prisme de la domination patriarcale. Néanmoins, Wen (2013 : 206) souligne que l’agentivité s’exerce inévitablement à l’intérieur des structures de pouvoirs genrées (agency within). De même, on trouve chez Butler (2006) et chez Kathy Davis (2003) l’idée que l’agentivité est toujours située en relation avec les structures de pouvoir : « une capacité d’agir s’exerçant à l’intérieur des contextes normatifs et des rapports de pouvoir dans et par lesquels se constituent les sujets genrés » (Mercier 2020 : 84).

Parmi les autres approches qui tentent de sortir du débat structure/agentivité, notons les critiques féministes du néolibéralisme qui proposent d’analyser l’esthétisation des corps comme une forme de l’activité entrepreneuriale (Elias, Gill et Scharff 2017; Keyser-Verreault 2020). Dans cette redéfinition des subjectivités comme une entreprise et de l’individu comme un « entrepreneur » de soi, le sujet néolibéral cherche sans cesse à améliorer son capital humain et à en tirer des avantages matériels et immatériels. C’est ce qu’Elias, Gill et Scharff (2017 : 39) ont nommé l’entrepreneuriat de l’esthétique (aesthetic entrepreneurship). Non seulement cette approche transcende la dichotomie structure/agentivité, mais elle offre aussi un solide cadre théorique pour comprendre la subjectivité genrée en contexte néolibéral (Rottenberg 2018).

Au fil des dernières années, il s’est également développé un intérêt marqué pour l’esthétique et les politiques des corps du point de vue des pratiques de résistance et du militantisme. Si le politique traverse, façonne et marque les corps, certaines personnes mobilisent leur corps, leur nudité ou leur sexualité aux fins de revendications politiques. L’usage des corps comme outils de protestation et les tactiques de dénuement en particulier sont néanmoins controversées, notamment au sein des mouvements féministes où leur pertinence politique est régulièrement contestée (Mercier 2016; O’Keefe 2014). Tel est le cas, par exemple, du mouvement Free the Nipple qui visait précisément à dénoncer la censure des corps des femmes et à revendiquer le droit à la nudité. Ce mouvement, à l’instar des Femen ou encore de la SlutWalk, a été critiqué comme une forme de féminisme blanc et privilégié, insensible à l’imbrication des oppressions rendant certaines femmes (racialisées, classisées) plus vulnérables à la surveillance, à la violence et aux jugements portés sur leurs corps et leur sexualité (Black Women’s Blueprint 2016; Stauffer 2016). D’autres pratiques militantes axées sur le positivisme corporel et la valorisation de beautés et de corps dits atypiques, en particulier sur Internet et les médias sociaux, contestent les normes corporelles dominantes et l’hypervisibilité de certains corps (blancs, cisgenres, valides, minces). Ces initiatives ont été étudiées, entre autres, dans les champs des fat studies, ainsi que des études crip, trans et queers qui y voient des formes de subversion des normes sexuelles et de genre, qui participent d’une prolifération des possibles corporels et des articulations sexe-genre-désir.

Enfin, il faut souligner l’importance de l’intersectionnalité pour les théorisations féministes du corps. Bien que ce concept ait été proposé il y a déjà longtemps par des activistes et des chercheuses afro-américaines comme Kimberley W. Crenshaw (1989), ce n’est que récemment que le tournant intersectionnel est venu pluraliser les analyses féministes de l’esthétique et des politiques du corps en montrant que le genre s’articule à d’autres rapports sociaux inégaux. Une telle perspective force à se demander, par exemple, qui est ce « nous les femmes » de « Notre corps, nous-mêmes » (Bessaïh et Bogic 2016). Comment rendre compte de la diversité des expériences et des oppressions corporelles? En effet, sachant que le corps est l’un des premiers lieux où sont inscrites et rendues visibles les différences et les catégorisations sociales, ce sera d’abord lui qui fera l’objet de discrimination, de stigmatisation ou de stéréotypification (Hall 1997).

D’autres auteures encore, (par exemple, Jieyu Liu (2017)) ont insisté sur l’importance de la prise en considération des contextes locaux dans une perspective postcoloniale au moment de l’analyse des phénomènes liés au corps, et ce, afin d’éviter les explications erronées et ethnocentristes. L’intersection du racisme et du colonialisme a notamment été théorisée pour penser la domination qui s’exerce à travers l’imposition de standards de beauté, de représentations et de produits cosmétiques inadaptés aux peaux et aux cheveux des personnes qui ne sont pas blanches. Dans une perspective décoloniale, ces chercheuses dénoncent la fréquente intériorisation des standards blancs et plaident pour une revalorisation et une réappropriation des pratiques esthétiques locales ou ancestrales (Sméralda 2005).

L’intersection du racisme et du colonialisme a également servi à éclairer les enjeux liés aux corps des femmes musulmanes « voilées » qui incarnent presque à elles seules les tensions politiques des dernières années concernant l’immigration, la laïcité et la diversité. Tour à tour invisibles dans les médias et l’espace public et hypervisibles en raison de leur voile (Ajbli 2016), les corps des femmes musulmanes « voilées » sont discursivement produits comme étrangers aux sociétés occidentales et à leurs dites valeurs communes, dont l’égalité de genre (Mercier 2013). Conséquemment, ils provoquent des réactions sociales intenses, notamment de la part de certaines féministes. En outre, la question des droits reproductifs a, elle aussi, fait l’objet d’une critique féministe décoloniale. En effet, le combat des féministes occidentales pour le droit des femmes à disposer de leurs corps au sens d’un accès libre et gratuit à l’avortement et à la contraception, a longtemps ignoré les femmes autochtones et racialisées, dont celles des départements français d’outre-mer, qui au même moment étaient encouragées à avorter ou subissaient des stérilisations forcées (Vergès 2017). Devant ces violences trouvant leur justification dans un historique de politiques natalistes colonialistes et de préjugés racistes, des féministes afro-américaines ont élaboré le concept de justice reproductive afin de penser les droits reproductifs, sexuels ou maternels à travers le prisme de la justice sociale et de l’intersectionnalité (Ross 2017).

Présentation des articles et mise en perspective

La production de ce numéro a été fortement marquée par la crise sanitaire de la COVID-19 et les nombreux désistements qu’elle a entraînés. En effet, la pandémie n’a pas manqué d’exacerber les inégalités de genre, alors que les conséquences du confinement et des autres règles mises en place pour combattre le virus ont touché les femmes de manière disproportionnée (Conseil du statut de la femme 2021). Il a également été signalé que les personnes historiquement marginalisées ont subi encore plus les effets négatifs de la pandémie (Edwards 2021). Les femmes qui mènent une carrière en recherche n’ont pas fait exception, et la COVID-19 est venue alourdir leur fardeau, les contraignant à une difficile, voire impossible, conciliation de leurs activités de recherche et de publication ainsi que de leur travail reproductif ou de soin (care) (Frederickson 2020; Peters 2020).

Par conséquent, il subsiste un certain nombre d’angles morts dans ce numéro : des enjeux et des perspectives diverses que nous aurions souhaité aborder, mais pour lesquels les auteures pressenties n’ont pas été en mesure de rendre leurs articles. Or, plutôt que de simplement chercher à pallier le manque de diversité de ce numéro, nous avons jugé important d’y faire face. Ainsi, nous avons sélectionné et traduit en français des extraits du chapitre « Brick Walls » tiré de l’ouvrage Living a Feminist Life (2017) de la célèbre auteure féministe Sara Ahmed (avec sa permission). Cette dernière invite à une réflexion exigeante et nécessaire sur le « travail de diversité » qui est effectué par les personnes chargées d’incarner à elles seules la diversité, notamment au sein de l’institution universitaire et des programmes d’études féministes et de genre.

Dans son texte, Sara Ahmed montre que les personnes pas blanches, pas mâles, pas hétérosexuelles, pas cisgenres, pas sans handicap, dont les corps sont chargés de « faire la diversité » en l’incarnant, sont fréquemment invitées à siéger à des comités à l’interne et à participer à des colloques scientifiques où elles se heurtent à un « mur de blanchité ». Ahmed montre que ces personnes, ces corps, se heurtent constamment à des murs qui se dressent devant elles comme autant d’obstacles dans lesquels se matérialisent l’histoire du sexisme et celle du racisme. À l’inverse, leur seule présence physique se retourne contre elles dès lors qu’elles osent faire valoir leur point de vue, contester les façons d’agir en place ou revendiquer une meilleure inclusion : « Votre propre corps finit par être utilisé comme preuve que les murs dont vous parlez ne sont pas là ou ne sont plus là. » Ainsi, les politiques internes de diversité sont en quelque sorte condamnées à l’échec, alors que la véritable transformation est perçue plus comme nuisible aux autres corps, soit ceux qui ont le privilège d’incarner la norme et d’être visiblement « à leur place » dans l’institution universitaire (lire : les corps déjà adaptés aux critères en place).

Les articles originaux qui apparaissent également dans ce numéro rassemblent différents points de vue féministes, perspectives théoriques et approches méthodologiques pour analyser les enjeux contemporains liés au corps. Plus précisément, l’angle principal qui traverse et relie les différents articles est celui de l’esthétique du corps qui a forcément des effets politiques. Ainsi, nous avons regroupé les articles en quatre sous-thèmes qui représentent autant de facettes de la production théorique féministe actuelle sur le corps : « Beauté, santé et normes corporelles »; « Stigmatisation, moralité et respectabilité »; « Corps non normatifs et subversifs »; et « Corps prothétique et modifications corporelles ».

Beauté, santé et normes corporelles

Les enjeux liés à l’apparence physique et à la beauté se révèlent incontournables lorsqu’il est question du corps des femmes. Ces dernières sont soumises à des injonctions paradoxales, voire hors d’atteinte, en matière de beauté qui mettent constamment à l’épreuve leur statut social. L’article de Chiara Piazzesi et Catherine Lavoie Mongrain souligne en effet qu’il est historiquement attendu des femmes qu’elles se conforment à certaines normes de beauté, ce qui leur donne en retour une légitimité sociale et même une dignité morale. En s’appuyant sur les résultats d’une enquête menée de 2017 à 2020 auprès de onze femmes habitant Montréal, les auteures exposent que la beauté agit comme un système contraignant à l’intérieur duquel les femmes sont appelées à faire montre de leur capacité à agir et à choisir. Piazzesi et Lavoie Mongrain explorent ainsi les paradoxes de la capacité de choix des femmes en matière de beauté, promue tout particulièrement dans un contexte postféministe néolibéral. Les femmes sont conscientes de ces paradoxes certes, mais elles sont néanmoins soumises aux épreuves et aux injonctions contradictoires de la beauté (par exemple, se maquiller pour avoir l’air naturel) qui les condamnent à l’insatisfaction permanente. Les femmes sont, au final, toujours critiquées pour leur apparence et elles ne peuvent qu’échouer à satisfaire les attentes sociales liées à la féminité.

Par ailleurs, les normes de beauté qui encadrent et produisent les corps des femmes se comprennent à l’intersection de la santé, elle-même posée comme un synonyme de minceur dans les sociétés occidentales. En effet, les injonctions à être en santé et à manger sainement agissent comme un impératif moral qui touche particulièrement les femmes. Dans son article, Myriam Durocher montre que les discours de promotion de la santé viennent camoufler tant les rapports de genre inégalitaires que les corps genrés eux-mêmes qui sont (re)produits à travers l’alimentation. Sans s’y référer explicitement, elle poursuit la réflexion entamée par Guillaumin (1992 : 122) autour de la construction sociale du corps sexué qui s’effectue en partie par la « quantité et la qualité de la nourriture » ingérée, cette fois dans le contexte de la culture alimentaire biomédicalisée contemporaine. À partir d’anecdotes tirées de son quotidien, mais dans lesquelles plusieurs se reconnaîtront, Durocher explicite que le choix des aliments, eux-mêmes « culturellement genrés », ainsi que les rapports différenciés à la nourriture (le contrôle et la culpabilité chez les femmes; le plaisir et l’excès chez les hommes) participent directement à « faire le genre ». Cela se comprend sur le plan tant de la production matérielle des corps genrés que de la reproduction symbolique des rôles de genre qui, chez les femmes, supposent la prise en charge de la santé des autres et la préparation de repas sains.

La question de la beauté, telle qu’elle se comprend au croisement de l’âge et de la sexualité, est également au coeur de l’article d’Isabelle Wallach et Julie Lavigne qui traitent de l’influence des normes de l’apparence physique sur les relations intimes et sexuelles de femmes hétérosexuelles et lesbiennes montréalaises, blanches et âgées de plus de 64 ans. Ces auteures expliquent, dans un premier temps, que les relations intimes avec de nouveaux ou nouvelles partenaires peuvent venir amplifier le poids des normes de beauté qui prédominent dans la société ou dans les communautés lesbiennes. L’attitude des partenaires et leurs commentaires parfois négatifs quant à l’apparence physique de l’autre peuvent avoir des effets importants sur le sentiment de désirabilité et la confiance en soi à l’occasion des relations sexuelles. Dans un second temps, les auteures mettent en lumière certains éléments des relations intimes, tels que « la proximité relationnelle entre les partenaires » ou « la dimension incarnée et sexuelle de la relation », qui favorisent la mise à distance des normes de beauté prédominantes. L’étude de Wallach et Lavigne illustre ainsi toute l’importance de considérer les variations des effets des normes corporelles sur les perceptions des femmes âgées en fonction du contexte, afin d’être en mesure de réaliser, avec Ann J. Cahill (2011), que les femmes âgées peuvent être simultanément des objets et des sujets de désir.

Stigmatisation, moralité et respectabilité

Prenant pour objet d’étude la cagole marseillaise, Catherine Tourre-Malen met d’abord au jour dans son article les ressorts de cette figure féminine parfois présentée comme déviante, en s’appuyant sur les données qualitatives d’une enquête dont l’objet consistait à documenter les représentations émiques de cette femme qui est « trop tout ». L’article interroge ensuite l’allure (look) cagole à travers le prisme de la diffusion d’une esthétique du vulgaire dans la société occidentale. En effet, cette figure se veut toujours séduisante (sexy), peu importe si les femmes qui l’incarnent sont en « surpoids, vieilles ou moches ». En ce sens, la figure de la cagole contrevient aux normes du « bon goût ». L’auteure termine par un examen de la cagole sous l’angle d’une posture féministe en posant la question de la puissance d’agir de ces femmes, alors qu’on peut appréhender leur ultraféminité exubérante comme une liberté d’apparence pouvant potentiellement subvertir les rapports de pouvoir dans des espaces publics marqués par le harcèlement sexuel et sexiste. Au final, ce texte participe à une resignification subversive de la figure de la cagole elle-même. Il invite, par extension, à réfléchir aux enjeux de moralisation et de stigmatisation sociale de certaines femmes sur la base d’une apparence jugée vulgaire, inappropriée ou excessive.

Par ailleurs, s’il y a des corps qui font l’objet de stigmatisation sociale – et juridique –, ce sont bien ceux des travailleuses et des travailleurs du sexe sur qui sont communément portés les jugements moraux de classe, de race, de genre et de sexualité qu’implique la respectabilité (Skeggs 2015). Dans leur article, Marie-Pier Rivest, Madeline Lamboley, Léonie Levac et Chloé Mazerolle donnent la parole à des travailleuses du sexe francophones néo-brunswickoises et aux personnes qui interviennent auprès d’elles pour explorer les multiples dimensions de leur rapport au corps. L’analyse met en évidence trois axes par lesquels le rapport au corps des répondantes se trouve chaque fois en tension entre deux pôles : entre la dépendance (aux drogues, à autrui) qui caractérise souvent ce travail et l’autonomie qu’il peut procurer; entre la honte qui se vit à l’échelle du corps et découle de la stigmatisation tant de l’activité elle-même que des conditions qui y sont associées (marginalité, pauvreté) et la valorisation que certaines retirent néanmoins de ce travail; entre la dégradation du corps mis à l’épreuve par le travail du sexe et, ultimement, la transformation sociale de celles qui l’exercent.

S’appuyant sur un riche corpus de données issues d’enquêtes menées en Suisse, ainsi que d’exemples provenant de l’Écosse, du Québec et de la France, Claire Vionnet soutient que, bien qu’en danse contemporaine la diversité corporelle soit un moteur de création artistique, les corps atypiques n’y sont visibles que par la thématisation du stigmate. En effet, si la scène invite les corps qui sont habituellement marginalisés, dans le milieu de la danse et ailleurs, pour en faire des corps publics et applaudis, c’est toujours en insistant sur leur « différence » comme étant leur atout premier. Ainsi, ce n’est qu’à travers leur exhibition par le stigmate que la scène est rendue accessible à ces corps. Son article remet donc en question l’idée répandue selon laquelle la danse contemporaine, contrairement à la danse classique, serait un espace de transgression des idéaux corporels. La mise en contraste de ces corps avec la norme instaure plutôt une stigmatisation silencieuse que décrit et analyse Vionnet. Conséquemment, toute véritable entreprise de subversion par la performance se révèle inatteignable dans la pratique.

Corps non normatifs et subversifs

Dans leur article, Laurent Paccaud et Alexandre Baril veulent, par une analyse intersectionnelle, saisir les interrelations entre les dimensions identitaires et d’oppression à la croisée du genre et du handicap. Ils proposent une étude de cas des engagements de Céline, utilisatrice d’un fauteuil électrique, dans deux carrières afin de préciser la manière dont elle performe la féminité supercrip dans deux contextes normatifs différents : celui du powerchair hockey ainsi que celui de la mode et des médias sociaux. Les performances de Céline sur le plan du genre et du handicap sont discutées selon quatre thèmes qui émergent des données : les rapports aux autres, à la professionnalité, aux technologies d’assistance de même qu’à la vie sexuelle et conjugale. Cette riche étude de cas met en lumière diverses tensions et paradoxes qui adviennent aux croisements du genre et du handicap dans des contextes hétérosexistes et capacitistes. Il en ressort que la féminité supercrip est en soi un paradoxe puisque le supercrip incarne les valeurs de la masculinité hégémonique et rejette les codes de la féminité. En revanche, la féminité supercrip performée par Céline peut contribuer à défier les représentations unilatérales et homogènes des femmes vivant avec des in/capacités.

La justice reproductive trans, le plus souvent ignorée par les luttes féministes, est au coeur de l’article de Mylène Shankland et Élisabeth Abergel. À partir de trois études de cas d’hommes trans québécois caucasiens, ces auteures s’intéressent à leur expérience de la grossesse du point de vue individuel de la reconnaissance de soi et de la dimension collective d’une reconnaissance relationnelle par la famille, les amis et les amies, le personnel médical ainsi que la société en général. Les corps trans brouillent les frontières entre identité de genre et fonction reproductive, mais les discours homophobes et transphobes contribuent à ce que les hommes enceints continuent d’être inintelligibles dans l’espace public. Shankland et Abergel montrent à travers les sensibles témoignages recueillis la manière dont les capacités reproductives nécessaires à l’engendrement d’un enfant et l’identité de genre sont négociées. Tout cela favorise une compréhension allant au-delà des modèles cisgenrenormatifs de la famille qui font violence à la pluralité des possibles.

Par ailleurs, les corps non normatifs et subversifs se trouvent aussi dans les domaines de l’art et de la fiction qui permettent une prolifération des possibles en matière de représentation et de transformation des normes corporelles et de genre. À cet égard, Marie-Dominique Gil s’emploie à revisiter les créations plastiques de Kate Millett comme autant de représentations alternatives des corps féminins qui offrent tout à la fois une matérialisation esthétique et une résistance critique aux politiques du genre. Situé au croisement des études de genre et de l’histoire de l’art, non seulement son article propose une analyse du traitement du corps dans l’oeuvre plastique de Millett, mais il contribue également à faire connaître cette oeuvre trop longtemps ignorée à la faveur de la production littéraire et de l’activisme féministe de Kate Millett.

Pour sa part, Catherine Parent s’intéresse à l’enjeu du corps féminin vieillissant en littérature et mène une analyse des romans Putain et L’enfant dans le miroir de Nelly Arcan. Ces deux oeuvres, dit Parent, amènent à s’interroger sur les enjeux liés aux conséquences du passage du temps sur les corps féminins et à les renouveler. L’article examine les façons par lesquelles l’idée d’un corps utopique atemporel se forme et se développe dans les deux oeuvres, ainsi que les répercussions physiques et psychologiques de cet idéal de la jeunesse éternelle. Ici, le concept du corps utopique – que Michel Foucault définit comme infini dans sa durée – trouve en effet son sens dans le culte de la jeunesse qui permettrait de vivre hors du temps. Ainsi, le corps utopique chez Arcan serait un corps enfant atemporel, tandis que le rapport au corps vieillissant des protagonistes serait traversé par diverses formes de domination hétéropatriarcale.

Audrey Laurin, de son côté, analyse Wanted : ce projet photographique des artistes multidisciplinaires Camille Turner et Camal Pirbhai propose une réflexion sur le passé esclavagiste du Canada sans pourtant en montrer toute la violence et l’inhumanité. En effet, le projet a été conçu à partir de descriptifs publiés dans des journaux du xviiie siècle de personnes réduites en esclavage recherchées par leur propriétaire après avoir pris la fuite. Plutôt que de recréer fidèlement l’apparence de ces personnes, les deux artistes ont choisi de s’inspirer librement des annonces dans les journaux d’époque et de concevoir des photographies dont l’esthétique rejoint celle des magazines de mode. L’objectif poursuivi est de déplacer les interprétations traditionnelles de l’histoire de l’esclavage et de repositionner les personnes réduites en esclavage comme des actrices et des acteurs révoltés. Le passé est alors réinterprété dans des représentations esthétisées telles des images de mode pouvant être lues comme une projection des espoirs de ces personnes en quête de liberté. Laurin souligne que, si Wanted réussit à célébrer le courage des personnes en quête de liberté, cette célébration se fait néanmoins au profit d’un effacement des discriminations raciales qui persistent dans la société canadienne.

Corps prothétique et modifications corporelles

La relation corps-technique, notamment l’incorporation et l’extension des fonctions corporelles et des sens par les technologies, soulève plusieurs enjeux d’ordre culturel, social et éthique ayant fait l’objet de recherches et de réflexions féministes contrastées. Dans leur article, Léna Dormeau et Amélie Tehel mobilisent l’empuissancement (empowerment) comme concept central pour remettre en question les tensions normatives qui traversent et travaillent la mise en visibilité de corps prothésés. Au cours des dernières années, les équipements prothétiques ont gagné en visibilité et, bien que la majorité des personnes les utilisant aient des modèles de base, certaines ont recours aux nouvelles technologies pour personnaliser leur équipement. À travers l’analyse des comptes Instagram et d’autres traces de l’image publique de la performeuse « bionique » Viktoria Modesta et l’égérie d’Open Bionics Tilly Lockey, deux femmes amputées équipées de prothèses esthétisées, Dormeau et Tehel avancent que leurs corps prothésés sont des corps-frontières. Ils sont en équilibre précaire entre, d’une part, l’émancipation politique et, d’autre part, les « fantasmes technologiques, ce qui entretient un régime de promesses basé sur une réparabilité infinie des corps » (p. 263). Ainsi, les femmes qui font l’objet de l’analyse performent ce que les auteures nomment un « empuissancement néolibéral » basé sur le dépassement individuel plutôt que sur une politique subversive et radicale qui aurait en son centre la valorisation de la vulnérabilité, la lenteur et la dépendance, ce qui défie, entre autres, le capacitisme ambiant.

Plus commune encore que les équipements prothétiques, la chirurgie esthétique élective a été l’objet de nombreuses études et de plusieurs débats féministes la situant comme expression soit de la domination masculine, soit de l’agentivité des femmes, et, plus récemment, comme une fusion des deux. Dans leur article, Hélène Martin et Rebecca Bendjama se penchent sur une pratique chirurgicale particulièrement controversée, à savoir la chirurgie des organes génitaux à des fins esthétiques. Elles analysent les propos de 16 médecins de Suisse romande qui pratiquent de telles chirurgies esthétiques sur des personnes assignées « femmes » à la naissance, mais dont la morphologie génitale pourrait amener un doute sur l’identification féminine dominante à laquelle elles aspirent. En mobilisant la notion de passing, les auteures mettent en évidence trois registres argumentatifs justifiant une modification de la morphologie génitale : la constitution physique de la personne, l’influence du passage du temps et des maternités sur la zone génitale ainsi que les contraintes culturelles de valorisation de la virginité. Elles étudient les rapports imbriqués de genre, d’âge, d’ethnicité et de capacité qui induisent, contrôlent et sanctionnent l’accès à ces pratiques de transformation qui soutiennent également de l’entrepreneuriat de soi.

Articles hors thème

Deux articles hors thème s’ajoutent aux textes de ce numéro thématique. Signé par Carol-Ann Rouillard et Mireille Lalancette, le premier porte sur la médiatisation de la parité dans les conseils des ministres canadiens. Les auteures examinent l’argumentaire pour et contre les quotas et celui, plus général, de la représentation des femmes en politique dans les médias. Leur analyse concerne également les discours médiatiques suivant l’annonce de dix conseils des ministres pendant la période 2007-2018. En effet, les auteures visent à répondre à la question suivante : depuis un peu plus d’une dizaine d’années, comment l’enjeu paritaire est-il argumenté dans les médias lors de la nomination de conseils des ministres? Les auteures constatent des changements dans les stratégies argumentatives favorables à la parité et aux quotas de même qu’une augmentation du « discours contre ». Pour avoir une perspective globale, elles dégagent aussi le rôle du contexte dans le recours à des stratégies argumentatives à propos de la place des femmes dans les lieux de pouvoir politique.

Le second article est de Laurence Charton et Chantal Bayard. Celles-ci explorent en quoi les technologies numériques contribuent à reproduire, voire à renforcer, les violences et l’oppression à l’égard des femmes, technologies qui créent de surcroît des formes de résistance et de lutte contre ces violences. Pour ce faire, elles ont étudié les principales publications, en français et en anglais, sur les (cyber)violences contre les femmes, référencées de janvier 2000 à avril 2020 sur les plateformes d’indexation en sciences sociales. Leurs recherches leur ont permis de mettre en évidence les caractéristiques des cyberviolences contre les femmes, les canaux numériques les plus utilisés par des agresseurs, la manière dont les technologies numériques perpétuent les rapports de domination entre les sexes et les initiatives implantées dans les médias sociaux pour dénoncer, soutenir et accompagner les femmes victimes de violences.