Comptes rendus

Diahara Traoré, Des musulmanes ouest-africaines au Québec. Entre subversion et conformité, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Pluralismes », 2019, 132 p.[Notice]

  • Michèle Vatz Laaroussi

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  • Michèle Vatz Laaroussi
    Université de Sherbrooke

L’ouvrage Des musulmanes ouest-africaines au Québec. Entre subversion et conformité rend compte de manière détaillée de travaux de recherche menés par Diahara Traoré dans une perspective ethnographique. Il se veut une fenêtre sur des femmes que l’auteure qualifie de peu entendues, peu connues, voire invisibles, alors qu’elles font par ailleurs partie de ce qu’on désigne comme des minorités visibles. C’est le premier paradoxe qu’elle soulève dans son ouvrage en s’intéressant aux parcours de 24 femmes musulmanes originaires de l’Afrique de l’Ouest qui résident au Québec. Porteuses de marqueurs identitaires multiples, femmes, musulmanes, immigrantes, nées et éduquées dans des pays de l’ouest du continent africain (Mali, Sénégal, Guinée et Niger), vivant dans des quartiers montréalais, elles sont à la croisée de multiples pratiques culturelles, religieuses, spatiales et temporelles. L’auteure étudie la manière dont ces femmes sont des agentes actives dans ces croisements et bricolages qui touchent les pratiques et les savoirs religieux ainsi que les communautés religieuses, plus ou moins structurées auxquelles elles se réfèrent implicitement ou explicitement. Selon Traoré, ce système de savoir, « dissimulé derrière des couches de silence […] met en jeu des tensions entre savoirs officiels légitimés et savoirs apocryphes, entre savoir public et savoir privé et enfin entre savoirs sacrés et savoir profanes » (p. 8). Elle cherche dans son ouvrage à décrypter le rapport de ces migrantes au savoir islamique non pas autour du texte sacré, mais plutôt à travers leurs pratiques, leur incorporation (au sens du corps) et leurs reconstructions sémantiques et spirituelles. Traoré situe d’entrée de jeu la pertinence de son approche : L’auteure veut ainsi redonner une place aux femmes, plus précisément à ces femmes dans l’épistémologie du savoir religieux, le plus souvent une affaire d’hommes, et contester « les catégorisations pré-établies du savoir […] définies et classées selon un discours précis : patriarcal et occidental-européen […] dans une logique d’opposition binaire » (p. 13). Si les objectifs de l’ouvrage sont multiples et recoupent les approches théologiques, sociologiques et psychosociales, l’auteure a dû mener un exercice rigoureux de structuration de ses données et des analyses afin de permettre à ses lectrices et à ses lecteurs de suivre son fil conducteur, soit le rapport à l’islam de ces femmes au travers de leurs parcours migratoires et leur agentivité dans ses productions et transmissions. L’introduction rend bien compte des motivations de l’auteure à s’intéresser à ce groupe de femmes dont elle partage les origines. Traoré y décrit avec clarté les spécificités des parcours migratoires de ces femmes. Son cadre épistémologique y est présenté, de manière bien articulée bien que ce soit parfois un peu touffu. Dans le premier chapitre, elle s’intéresse aux pays d’origine de ces femmes et à la place qu’y prend l’islam : ils sont francophones, anciennement colonisés par la France, à forte majorité musulmane et avec une constitution laïque. Colonisation, indépendances, rapports majoritaires-minoritaires, relations géopolitiques et quête identitaire marquent les développements de l’islam en Afrique de l’Ouest. Ce chapitre ouvre aussi sur le contexte des migrations de ces pays de l’Afrique de l’Ouest vers le Québec, immigration qui date de la fin des années 80 et 90 et qui a été marquée à l’égard de la population musulmane par la stigmatisation et le racisme qui ont suivi les attaques du 11 septembre 2001. Dès le deuxième chapitre, l’auteure rend compte des récits que ces 24 femmes lui ont fait de leur cheminement migratoire et spirituel ainsi que de leurs pratiques religieuses, qu’elle a pu aussi observer de manière fine dans diverses activités de leur vie quotidienne dans les espaces tant privés que publics. Quatre récits illustrent les trajectoires migratoires et religieuses …

Parties annexes