Présentation

Construire et promouvoir une pensée francophone sur le sujet femme noire

  • Hanétha Vété-Congolo et
  • Agnès Berthelot-Raffard

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Couverture de Penser le sujet femme noire francophone, Volume 34, numéro 2, 2021, p. 1-274, Recherches féministes

L’histoire de la colonisation et de l’esclavagisation qui s’est jouée entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique dès le xvie siècle continue d’avoir des incidences réelles sur les sociétés actuelles. Les deux processus en question ont infligé au monde et aux personnes originaires de l’une ou l’autre des trois aires en présence de nombreux traumatismes et désordres. À tous points de vue des affaires humaines, sociales, politiques et économiques relatives au genre généralement, et au sujet féminin précisément, ces processus ont fait apparaître de graves questions et des situations qui méritent d’être élucidées. En effet, l’histoire de la colonisation et de l’esclavagisation n’a pas manqué d’instituer dans les esprits – et sur la base d’une épistémologie coloniale – une durable et défavorable représentation du sujet femme noire. Par cette expression, il faut entendre le sujet féminin venant directement ou indirectement de l’Afrique qui, sur ce continent et en dehors de ce dernier, a fait l’objet d’oppressions continues (classisme, sexisme, racialisation), comprises comme des déterminants absolus de son état d’être, d’Africaine et de femme. Le sujet femme noire est aujourd’hui encore représenté à travers le prisme d’un être colonisé et primitif. Selon cette représentation, ce sujet est pris comme négligeable objet anthropologique ou sociologique subissant des indignités sur lesquelles il n’a pas prise. Le rapport du sujet femme noire à lui-même et au monde serait insuffisant et devrait être immanquablement transformé pour atteindre un niveau de développement personnel, intellectuel et économique prédéfini et à même de lui procurer l’accès au statut et au rang de femme moderne, digne et valable. Sous le regard colonial qui le présente au monde, ce sujet apparaît pitoyable, apathique, précaire et nécessiteux de tous les besoins, surtout matériels, dont la satisfaction ne peut être obtenue que grâce à l’aide extérieure, notamment celle d’une organisation non gouvernementale, si c’est possible gérée par la générosité solidaire de femmes de l’Europe, quant à elles représentées plus comme modernes, dignes et pourvues de ressources. C’est à partir de ce prisme que l’on se situe par rapport au sujet femme noire et que l’on fait relation avec lui. Ce prisme colonial est si ancré dans les esprits que, dans le registre des études féministes, qui se veulent pourtant ouvertes et libératrices, ce sont souvent des chercheuses et des chercheurs dont les herméneutiques sont extérieures aux espaces dits « noirs » qui pensent et élaborent des savoirs dont la publication et la dissémination massives propagent et maintiennent le regard souligné plus haut. Entre autres iniquités, ce phénomène constitue une injustice épistémique et herméneutique (Fricker 2007) en cela que la colonialité du pouvoir (Quijano 2007) et du savoir – ainsi que celle du genre (Lugones 2008) dans la production scientifique sur les femmes noires – ne tient pas systématiquement compte des complexités constitutives des réalités vécues et des positionnements observés par ces femmes. D’abord, bien souvent, ces productions tendent à généraliser la culture et les modes de vie dans les aires géoculturelles colonisées susmentionnées et donc à essentialiser les sujets noirs, hommes ou femmes. Ensuite, ces productions ne tiennent pas systématiquement compte des processus culturels, sociaux, économiques ou politiques extrinsèques qui, à l’époque postcoloniale, sont venus s’ajouter à la complexité intrinsèque de ces espaces et exercer une pression encore plus forte : pensons, par exemple, à l’ordre mondial économique basé sur le libéralisme ou à l’apparition de nouvelles manifestations de colonisation appelées « néocolonisation ». Par ailleurs, cette production scientifique est rarement attentive aux autres phénomènes dénotés par l’imposition et la densité de l’idéologie et de la pratique de races hiérarchisées et de la place sociale, symbolique et politique, assignée aux femmes noires selon …

Parties annexes