Corps de l’article

Introduction

La déficience intellectuelle concerne environ 2 à 3 % de la population générale. Ce diagnostic est posé devant la triade de critères suivants (American Psychiatric Association, 2013): a) Déficit intellectuel (QI < 70) ; b) Déficit du fonctionnement adaptatif ; c) âge du diagnostic inférieur à 18 ans. Les capacités intellectuelles sont habituellement mesurées à l’aide d’échelles composites de l’intelligence telles que les échelles de Wechsler comme le WISC IV (Wechsler, 2006) qui évaluent principalement l’intelligence fluide (facteur Gf) et l’intelligence cristallisée (facteur Gc). L’intelligence fluide est celle qui se rapproche le plus de l’intelligence générale (facteur G). Parfois, lorsque les conditions d’évaluation ne sont pas optimales (durée trop importante, difficultés de concentration, troubles sévères du langage, etc.), le recours à des tests plus sommaires d’évaluation des capacités de raisonnement analogique qui sont censées refléter le plus fidèlement le facteur général d’intelligence (Snow & Lohman, 1989) s’avère intéressant. Dans son article de 2008, Hessels-Schaltter liste les processus cognitifs défaillants des personnes qui présentent une déficience intellectuelle à savoir (a) une limitation de l’exploration des problèmes, (b) des difficultés d’encodage des informations ou encore (c) des difficultés d’attention sélective pour sélectionner les informations pertinentes et inhiber les distracteurs. Ainsi, les personnes présentant une déficience intellectuelle sont limitées dans les « inférences et l’application de relations » (Hessels-Schlatter, 2008). Cette auteure souligne également le rôle du déficit de mémoire à court terme dans les performances aux tests de raisonnement par analogie. Ce paramètre est également souligné par Büchel (2006).

Le test des Matrices Progressives de Raven couleur (MPRC) (Raven, Court, & Raven, 1998) est l’un des plus utilisés chez les enfants et les personnes présentant une déficience intellectuelle. En effet, les consignes sont relativement simples à comprendre et ce test ne nécessite pas de réponses verbales ou motrices. Le test MPRC comprend trois sous-échelles de 12 items chacun (sous-échelle A, Ab et B) soit 36 items au total qui sont proposés à chaque participant. Pour chaque item, le participant doit compléter une matrice. Pour cela, il doit indiquer avec son doigt quel élément parmi les six proposés en dessous de la matrice, complète correctement la matrice incomplète. La difficulté des items proposés est croissante au fur et à mesure du test. Des analyses des réponses aux items ont démontré des performances comparables entre des personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) et des enfants normotypiques de même niveau global (Facon, Magis, Nuchadee, & de Boeck, 2011). Ceci confirme l’utilité et la fiabilité des MPRC dans l’évaluation du raisonnement chez des personnes présentant une déficience intellectuelle. Facon et Nuchadee (2010) ont également démontré des patterns de réponses similaires entre des adultes porteurs de Trisomie 21, des adultes présentant un DI d’origine inconnue et des enfants ne présentant pas de DI. D’autres études se sont basées sur l’analyse des types d’erreurs commises aux MPRC pour évaluer la fiabilité de ce test. Selon Raven et al., (1998), quatre types d’erreurs sont possibles aux MPRC. Les erreurs dites « Corrélat Incomplet » correspondent à celles commises par un participant qui choisit une figure incomplète ou mal orientée. Les erreurs de type « Différence » sont commises lorsque le participant sélectionne une réponse sans rapport avec la matrice. Le troisième type d’erreurs possibles sont les erreurs « Individuation Inadéquate » qui sont commises quand le participant identifie correctement la moitié des patterns de la réponse, mais que celle-ci est perturbée par des impropriétés, des distorsions ou que la réponse choisie est incomplète. Le dernier type d’erreurs possible sont les erreurs « Répétition d’une figure » qui sont commises lorsque le participant sélectionne une réponse qui est déjà présente dans la matrice ou qui est une partie déjà existante de l’ensemble de la matrice. Ce type d’analyse permet de démontrer que les enfants au développement typique font majoritairement des erreurs de type « Répétitions de figures » (proportions d’environ 60 % des erreurs totales) et font relativement peu d’erreurs de type « Différence » (moins de 10 % des erreurs totales). Les autres types d’erreurs sont commis dans des proportions proches de 20 % environ (Gunn & Jarrold, 2004; van Herwegen, Farran & Annaz, 2011). Chez les personnes présentant une déficience intellectuelle, les patterns des types d’erreurs sont différents selon l’origine biologique de la déficience intellectuelle. En effet, Gunn et Jarrold ont mis en évidence des patterns d’erreurs similaires chez les enfants présentant des difficultés d’apprentissage modérées (sans précision sur la présence ou non d’une DI) et des enfants sans troubles du neurodéveloppement. Par ailleurs, ces mêmes auteurs ont démontré que les enfants porteurs d’une Trisomie 21 avaient un pattern d’erreurs différent des deux autres groupes précédemment nommés. En effet, le groupe T21 commettait moins d’erreurs de type « Répétition d’une Figure », mais commettait plus d’erreurs de type « Individuation Inadéquate » et de type « Différence ». Parallèlement à cette étude, van Herwegen et al. ont démontré que les patterns de réponses chez les personnes présentant un syndrome de Williams-Beuren étaient comparables à celles d’enfants non déficients appariés sur le score global obtenu au test MPRC. Ces études ne peuvent toutefois pas être complètement comparées, car les âges chronologiques des populations ne sont pas identiques. En effet, dans l’étude de Gunn et Jarrold, les âges chronologiques des enfants porteurs de Trisomie 21 s’étendent de 9 à 17 ans (moyenne = 13 ans), alors que les âges chronologiques de la population porteuse du syndrome de Williams Beuren de l’étude de van Herwegen et al. s’étendent de 5 ans à 41 ans (moyenne = 18 ans). Cette dernière étude a montré un effet de l’âge sur les types d’erreurs alors que l’étude chez les enfants porteurs de Trisomie 21 n’a pas démontré d’effet de l’âge. Un effet de l’âge chronologique a également été retrouvé chez les enfants non déficients des groupes contrôles de ces deux études. De plus, un autre paramètre important selon nous est le score global de ces populations obtenu au test des MPRC. Ce score global qui détermine les capacités intellectuelles est très différent dans les deux études. En effet, les enfants porteurs de Trisomie 21 avaient un score global moyen égal à 13.15 et les personnes présentant un syndrome de Williams-Beuren avaient un score global moyen égal à 19.34. Bien qu’aucune étude de corrélation entre les types d’erreurs et le score global n’ait été effectuée, on peut supposer que les types d’erreurs peuvent varier en fonction des capacités intellectuelles des participants et donc du score global. Comme la variable âge chronologique et la variable score global évoluent en synergie dans la population normale, il n’a pas été démontré dans les études précédentes que les variations des profils d’erreurs dans cette population pouvaient être attribuées non pas à l’âge, mais plutôt à l’amélioration des performances correspondant à une amélioration de « l’âge mental ».

Parallèlement à cette analyse des types d’erreurs, un autre paramètre peut également être utilisé pour l’analyse qualitative des performances des participants effectuant le test des MPRC : le type de problèmes résolus. En effet, dans le manuel des MPRC (Raven et al., 1998), l’ensemble des types de problèmes proposés est exposé, ce qui permet au psychologue d’autres informations sur la manière dont le participant a échoué ou réussi au MPRC. Corman et Budoff (1975) ont rassemblé ces types de problèmes en sept catégories : Problème I : continuité et reconstruction de structures simples et complexes dont Problème Ia: discernement de la continuité dans une structure complexe (ex. item A10) ; Problème Ib: reconstruction d’une structure simple discontinue (ex. item Ab5) ; Problème Ic: reconstruction de structure basée sur la symétrie (ex. item Ab10) ; et Problème Id: reconstruction d’une structure complexe (item B7) ; Problèmes II : complètement d’un pattern discret. Discernement d’une similarité et d’une continuité d’un fond géométrique simple (ex. item B1) ; Problèmes III : raisonnement par analogie (ex. item B10) ; Problèmes IV: complètement d’un pattern continu simple (ex. item A4). Nous n’avons pas trouvé dans notre revue de littérature d’articles évoquant ce type d’analyse des problèmes résolus aux MPRC dans une population présentant une déficience intellectuelle.

Ainsi, l’objectif principal de notre étude est de démontrer l’intérêt de l’utilisation du test des MPRC auprès des personnes présentant une déficience intellectuelle. Pour cela, une analyse qualitative des types d’erreurs ainsi qu’une analyse des types de problèmes résolus sont réalisées afin de comparer les performances d’un groupe d’enfants normotypiques à celles d’un groupe d’enfants présentant une DI d’étiologie inconnue. Une étude de l’effet des capacités globales de raisonnement sur les types d’erreurs et les types de problèmes est également effectuée. Comme spécifié précédemment, il est supposé que les capacités intellectuelles globales sont un facteur important à prendre en compte dans l’analyse qualitative des MPRC, notamment dans la déficience intellectuelle. Il est possible que les variations attribuées à l’âge chronologique des participants soient en fait dues à l’âge mental.

Méthode

Participants

Pour cette étude, nous avons repris les feuilles de passation des MPRC déjà existantes, obtenues lors d’autres études ou dans le cadre d’évaluation neuropsychologique clinique. Le premier groupe (GN) est composé de 22 enfants (10 filles et 12 garçons) âgés de 4 ans à 10 ans et 9 mois (moyenne = 6 ans et 1 mois, écart-type = 1 an et 9 mois) sans DI et sans trouble du neurodéveloppement connu. Le second groupe (DI) est composé de 22 enfants (9 filles et 13 garçons) âgés de 12 ans et 7 mois à 17 ans présentant une déficience intellectuelle d’étiologie inconnue (moyenne = 14 ans et 10 mois; écart-type = 1 an et 4 mois).

Les deux groupes présentent des âges chronologiques différents. En effet, le groupe DI est significativement plus âgé que le groupe GN (Z = 5.68 ; p < 0.001). Les deux groupes sont appariés sur le score global obtenu au test des MPRC. Ainsi, les scores du groupe DI sont similaires à ceux du groupe GN (Z = 0.14 ; p = 0.89).

Ces données pour chacun des groupes sont présentées dans le Tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1

Age Chronologique et score global au MPRC pour les deux groups DI et GN

Age Chronologique et score global au MPRC pour les deux groups DI et GN

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Matériel

Compte tenu de l’importance de la cohorte, nous choisissons, pour l’ensemble des analyses le test non-paramétrique « U » de Mann et Whitney et le test de Wilcoxon.

Le raisonnement analogique des participants des deux groupes est évalué à l’aide de la forme cahier des MPRC (Raven et al., 1998).

Pour chaque participant, on obtient un score brut global pour lequel des normes ont été établies (Raven et al., 1998). Cette analyse quantitative peut être complétée par une analyse qualitative comprenant trois paramètres :

  1. La répartition des scores dans chaque sous-échelle A (items = 12), Ab (items = 12), et B (items = 12).

  2. Selon Raven et al. (1998), 4 types d’erreurs peuvent être commis au test MPRC :

    • « Corrélat incomplet » (N=46) : le participant a correctement identifié une partie de la cible manquante, mais la réponse choisie est incomplète ou mal orientée.

    • « Différence » (N=38) : le participant choisit une réponse qui est aberrante ou sans lien avec la matrice.

    • « Individuation Inadéquate » (N=54): le participant a correctement identifié la moitié de la cible, mais la réponse choisie est perturbée par des impropriétés, des distorsions ou la réponse choisie est incomplète.

    • « Répétition d’une figure » (N=42) : le participant choisit une pièce qui est déjà présente dans la matrice ou qui est une partie déjà existante de l’ensemble de la matrice.

Afin de réaliser les analyses statistiques, le nombre total d’erreurs par type est divisé par le nombre total d’erreurs commises par chaque participant.

  1. Selon Corman et Budoff (1975), sept types de problèmes peuvent être identifiés :

    • Problèmes I : Continuité et reconstruction de structures simples et complexes

      • Ia: discernement de la continuité dans une structure complexe (ex. item A10

La matrice est composée d’une image complexe dont les éléments ne sont pas identiques. Il convient pour le participant de choisir la réponse qui complète bien la matrice en fonction des éléments adjacents.

    • Ib: reconstruction d’une structure simple discontinue (ex. item Ab5)

La matrice correspond à une représentation qui aurait été morcelée en 4 éléments dont l’un est manquant.

    • Ic: reconstruction de structure basée sur la symétrie (ex. item Ab10)

Les deux éléments de la partie haute de la matrice sont la symétrie des éléments de la partie basse. Il convient donc au participant de trouver l’élément manquant symétrique à l’élément de droite de la partie haute.

    • Id: reconstruction d’une structure complexe (item B7)

Cet item unique correspond à une matrice représentée par 3 éléments distincts. Il convient ainsi au participant d’identifier les ressemblances et les divergences pour reconstruire la structure complexe présentée.

  • Problèmes II : complètement d’un pattern discret. Discernement d’une similarité et d’une continuité d’un fond géométrique simple (ex. item B1)

Les problèmes de types 2 correspondent à des matrices composées de 3 éléments identiques. Le quatrième élément identique est manquant.

  • Problèmes III : raisonnement par analogie (ex. item B10)

Ces problèmes de type III correspondent à ceux qui évaluent réellement le raisonnement par analogie c’est-à-dire qu’il est nécessaire d’induire une ou plusieurs règles et de les combiner afin de trouver la solution.

  • Problèmes IV: complètement d’un pattern continu simple (ex. item A4)

Les problèmes de types IV sont les plus simples et représentent une image composée d’éléments simples à laquelle il manque une partie.

Résultats

Les analyses statistiques ont été conduites à l’aide du test non paramétrique U de Mann-Whitney et du test de Wilcoxon. N’ayant pas de référence concernant les hypothèses sur nos populations, nous faisons le choix des tests bilatéraux. Le seuil de significativité choisit pour cette étude est p < 0.05.

Sous-Echelles

La figure 1 montre la répartition du nombre d’items réussis par subtest pour chaque groupe. La répartition au travers des trois sous-échelles ne diffère pas entre les deux groupes: A (Z = - 0.47 ; p = 0.63) ; Ab (Z = 0.65 ; p = 0.51) ; B (Z = - 0.36 ; p = 0.72). De plus, pour le groupe DI, les items de la série A ne diffèrent pas de la série Ab (Z = 0.28, p = 0.77), alors que pour le groupe GN, les items de la série A et ceux de la série Ab diffèrent, mais pas de façon significative (Z = 1.89, p = 0.06). Par contre, les items de la série A diffèrent de ceux de la série B pour les deux groupes (DI : Z = 3.7, p <0.001 ; GN : Z = 3.9, p < 0.001). De même, les items de la série Ab diffèrent de ceux de la série B pour chacun des groupes (DI : Z = 3.2, p < 0.01 ; GN : Z = 2.5, p = 0.01.

Types d’erreurs

La figure 2 présente pour chaque groupe la répartition des erreurs selon les différents types. Ainsi, il est constaté que les deux groupes font majoritairement des erreurs de type « Répétition d’une figure » et très peu d’erreurs « Différence » et « Individuation Inadéquate ». Le pattern d’erreurs ainsi obtenu ne diffère pas entre les deux groupes : « Différence » (Z = 0.83 ; p = 0.40) ; « individuation inadéquate » (Z = - 1,55 ; p = 0.12) ; « Répétition d’une figure » (Z = - 0.57 ; p = 0.56) ; « Corrélat incomplet » (Z = 0.44 ; p = 0.65).

Figure 1

Nombre d’items résolus par sous-échelles pour les deux groupes

Nombre d’items résolus par sous-échelles pour les deux groupes

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Figure 2

Proportion d’erreurs en fonction de chaque type d’erreurs pour chaque groupe

Proportion d’erreurs en fonction de chaque type d’erreurs pour chaque groupe

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Types de Problèmes résolus

La figure 3 montre la proportion de réponses correctes en fonction du type de problèmes résolus pour chacun des deux groupes. Ainsi, on peut constater que pour les deux groupes, les problèmes II et IV sont les mieux réussis (plus de 90 % des participants les résolvent), mais les problèmes de type III c'est-à-dire ceux relatifs au raisonnement analogique ne sont que faiblement résolus (seulement un peu plus de 20% des participants de chaque groupe). Ces patterns de réponses ne diffèrent pas entre les deux groupes : problèmes Ia (Z = - 0.2 ; p = 0.81) ; problèmes Ib (Z = 0.37 ; p = 0.7) ; problèmes Ic (Z = 0.98 ; p = 0.32) ; problèmes Id (Z = 0,00 ; p = 1.00) ; problèmes II (Z = 0.00 ; p = 1,00) ; problèmes III (Z = 0,26 ; p = 0.63) ; et problèmes IV (Z = 1.9 ; p = 0.06).

Figure 3

Proportion de types de problèmes résolus pour chacun des deux groupes

Proportion de types de problèmes résolus pour chacun des deux groupes

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Corrélations avec les capacités intellectuelles

Afin d’évaluer les relations entre les différents paramètres analysés dans cette étude et les capacités intellectuelles générales, nous avons effectué des corrélations avec le score global obtenu au MPRC.

Groupe GN

Les performances aux sous échelles A, Ab et B corrèlent positivement et significativement avec le score global (r = 0.55 ; r = 0.9 ; r = 0.84, respectivement).

  • Types d’erreurs

Le score global au MPRC du groupe GN corrèle négativement avec les erreurs de types « Différence » et « Individuation Inadéquate » (r = - 0.56 ; r = - 0.58, respectivement) et positivement avec les erreurs de type « Répétition d’une Figure » (r = 0.44). Les erreurs de types « Corrélat Incomplet » ne corrèlent pas significativement avec le score global (r = 0.27).

  • Types de problèmes résolus

La quasi-totalité des types de problèmes corrèlent avec le score global. En effet, les types de problèmes Ia (r = 0.42), Ib (r = 0.66), Ic (r = 0.86), II (r = 0.52) et III (r = 0.65) corrèlent positivement avec le score total au MPRC. Les types de problèmes Id (r = 0.19) et IV (r = 0.19) ne corrèlent pas significativement avec le score global.

Groupe DI

L’ensemble des scores aux sous-échelles A, Ab et B corrèlent positivement et significativement avec le score global (r = 0.65 ; r = 0.87 ; r = 0.90, respectivement).

  • Types d’erreurs

Les erreurs de types « Différence » et « Individuation Inadéquate » corrèlent négativement et significativement avec le score global (r = - 0.64 et r = - 0.33, respectivement). Les erreurs de type « Répétition d’une figure » et « Corrélat Incomplet » ne corrèlent pas significativement avec le score global (r = 0.13 et r = 0.23, respectivement).

  • Types de problèmes résolus

Les types de problèmes Ia (r = 0.71), Ib (r = 0.82), Ic (r = 0.78), Id (r = 0.59) et III (r = 0.72) corrèlent positivement et significativement avec le score global au test MPRC. Les types de problèmes II (r = 0.19) et IV (r = 0.23) ne corrèlent pas de manière significative avec le score total obtenu au MPRC.

Discussion

Le test des MPRC est couramment utilisé dans l’évaluation des capacités de raisonnement analogique des personnes présentant une déficience intellec-tuelle. Cependant, au-delà du score global permettant d’obtenir une approximation rapide des capacités intellectuelles du participant, nous avons souhaité analyser les types de problèmes résolus et les types d’erreurs commises par une population d’enfants présentant une DI afin de statuer sur la pertinence de cette épreuve dans cette population. Par ailleurs, l’analyse qualitative des performances d’un participant peut s’avérer intéressante pour la compréhension de ces aptitudes et des types d’aide à lui apporter. Plusieurs analyses ont ainsi été faites sur les performances d’un groupe d’adolescents présentant une (DI) et sur celles d’un groupe d’enfants sans DI (GN), appariés sur le score global obtenu au test des MPRC. Les participants étaient appariés sur le score global afin de limiter les interprétations erronées sur les patterns de performances obtenues qui auraient pu être confondues avec des différences d’aptitudes intellectuelles.

Tout d’abord, sur un plan quantitatif, nous avons comparé la répartition des scores dans les trois sous-échelles (A, Ab et B) qui composent le test des MPRC et avons démontré que le groupe DI avaient le même pattern de résultats à savoir de meilleures performances dans les sous-échelles A et Ab comparativement à la sous-échelle B qui contient les items les plus complexes. Les scores aux trois sous-échelles corrèlent positivement et significativement avec le score global, et ce pour les deux groupes. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus dans l’étude de van Herwegen et al. (2011) avec des enfants du groupe contrôles et ceux du groupe de personnes présentant le syndrome de Williams-Beuren. Ceci est un premier argument pour soutenir que les personnes présentant une DI dont l’étiologie est inconnue se comportent de la même façon que les personnes sans DI lors d’un test de raisonnement analogique.

L’analyse des types d’erreurs est le second paramètre d’évaluation. De manière générale, les deux groupes présentent le même pattern d’erreurs. En effet, aucune différence significative n’est retrouvée entre les deux groupes quel que soit le type d’erreurs. Ainsi, la majorité des erreurs sont de types « Répétition d’une Figure » et représentent plus de 70 % du nombre total d’erreurs. Les erreurs de type « Corrélat Incomplet » représentent un peu plus de 10 % des erreurs alors que les proportions des deux autres types d’erreurs sont minimes. Ces patterns d’erreurs sont comparables à ceux obtenus pour les populations contrôles des études de Gunn et Jarrold (2004) et van Herwegen et al. (2011). Contrairement à ces deux études, nous n’avons pas établi de corrélations entre les types d’erreurs et l’âge chronologique. Nous avons fait le choix de faire corréler ce paramètre avec le score global c’est-à-dire le niveau intellectuel des participants. Les résultats démontrent que pour le groupe GN les corrélations entre les capacités intellectuelles et les types d’erreurs correspondent globalement à celles obtenues par van Herwegen et al. entre l’âge chronologique et les types d’erreurs, mais diffèrent de celles de Gunn et Jarrold. Comparativement à van Herwegen et al., nous notons tout de même l’absence de corrélation pour les erreurs « Corrélat Incomplet » dans cette étude. Afin d’expliquer la différence obtenue chez les personnes sans DI de leur étude et celle de Gunn et Jarrold, Van Herwegen et al. avancent l’hypothèse d’une différence de capacités intellectuelles globales. En effet, comme nous le soulignions en introduction, les scores globaux obtenus dans l’étude de Gunn et Jarrold sont inférieurs à ceux de van Herwegen et al. (à âge chronologique relativement similaire). Dans notre étude, le score global moyen du groupe GN est supérieur à celui de van Herwegen et al. (les âges chronologiques sont presque similaires) ce qui pourrait signifier que les types d’erreurs corrélat incomplet sont plus dépendantes du score global que de l’âge chronologique. Pour le groupe présentant une DI, les proportions d’erreurs de types « Différence » et « Individuation inadéquate » diminuent en fonction de l’amélioration des capacités globales, tout comme le groupe GN. Les autres types d’erreurs sont stables quel que soit le niveau global des participants, mais le sens des corrélations est similaire à celui observé pour le groupe GN à savoir positif pour les corrélations avec ces deux types d’erreurs. De l’analyse des trois études portant sur les types d’erreurs commises, il ressort que seuls les patterns d’erreurs des personnes porteuses d’une Trisomie 21 ne sont pas comparables à ceux de la population sans DI et que de manière générale la déficience intellectuelle ne se distingue pas de la norme sur des aspects qualitatifs du raisonnement analogique, même dans des groupes dont l’étiologie est organique comme le syndrome de Williams-Beuren. Il semble donc qu’une difficulté particulière propre aux personnes porteuses de Trisomie 21 génère ce pattern spécifique. Compte tenu du profil cognitif particulier de la Trisomie 21, on peut émettre l’hypothèse que le trouble de la Mémoire de Travail verbale en soit la cause (Jarrold & Baddeley, 2001 ; Jarrold, Baddeley, & Hewes, 1999 ; Vicari, Bellucci, & Carlesimo, 2006). En effet, plusieurs études ont démontré que la mémoire de travail verbale est primordiale pour la réussite aux épreuves de types MPRC (Kyllonen & Christal, 1990). Au-delà de la découverte des règles qui régissent les liens entre les éléments de la matrice, le participant doit maintenir en mémoire à court terme les résultats de ses réflexions et les règles ainsi trouvées tout en cherchant les autres règles (Carpenter, Just, & Shell, 1990). En l’absence de bonnes capacités de stockage des informations en mémoire de travail, la résolution de problèmes complexes nécessitant la manipulation de plusieurs règles est impossible. Une étude ultérieure visant clairement à analyser le type d’erreurs en fonction des capacités en mémoire de travail est nécessaire pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Sur ces deux premiers paramètres concernant la répartition des scores aux sous-échelles et les types d’erreurs, les résultats permettent de conforter l’intérêt de l’utilisation du test MPRC dans le domaine de la déficience intellectuelle. Cependant, un troisième paramètre fut évalué à savoir l’analyse des types de problèmes résolus. La méthode d’analyse des réussites aux items proposés dans les études de Facon et al. (2010 et 2011), nous semble peu appropriée à une analyse des aptitudes des participants dans le cadre d’une pratique clinique de la neuropsychologie. L’analyse des types de problèmes est plus intéressante pour le clinicien, car elle permet de mettre en exergue la nature des capacités, mais également la nature des difficultés à un test de raisonnement analogique. Les résultats de la présente étude démontrent que les enfants présentant une DI réussissent les mêmes types de problèmes que les enfants sans DI. Ces résultats sont bien sûr comparables à ceux de l’analyse par items de Facon et al. (2010 et 2011), mais apportent d’autres types d’information. En effet, nous pouvons constater que les enfants, qu’ils présentent une DI ou non, réussissent relativement facilement les problèmes de type II et IV (réussite pour plus de 90% des problèmes proposés, pour chacun des deux groupes). Ces types de problèmes sont relativement simples à résoudre et correspondent aux premiers items des trois sous-échelles. Les problèmes de types Ib sont également réussis dans plus de 70 % des cas. Ces problèmes correspondent à une reconstruction d’une figure incomplète relativement simple et peuvent correspondre à une activité de type puzzle qui est maitrisé relativement tôt dans le développement normal de l’enfant. Les problèmes les moins réussis sont ceux qui correspondent réellement au raisonnement par analogie (problème III). En effet, ils ne sont réussis que dans 20 % des cas, et ce pour les deux groupes. Mais cela démontre tout de même que certains enfants présentant une déficience intellectuelle sont capables de raisonner par analogie (Denaes, 2012). Concernant l’évolution des résolutions de problèmes selon le niveau global, on constate des similarités importantes entre le groupe GN et le groupe DI. En effet, pour les deux groupes le taux de résolution des problèmes Ia, Ib, Ic et III s’améliore avec le niveau global des participants des deux groupes, alors que le taux de résolution des problèmes IV ne varie pas. Cela peut s’expliquer par le taux de réussite très important pour ces problèmes, et ce dès le plus jeune âge. En effet, les problèmes de type IV correspondent aux six premières planches de test de la sous-échelle A et s’avèrent donc relativement faciles à résoudre.

L’analyse qualitative des MPRC est une procédure qui peut intéresser le psychologue qui tente de comprendre le fonctionnement cognitif de son patient. Cela peut également l’aider dans sa recherche de stratégie de compensation des difficultés ou dans la mise en place de remédiation cognitive. Denaes Bruttin, Büchel, Berger et Borel (2010) ont mis en évidence l’intérêt de l’apport d’une mémoire externe pour soutenir le raisonnement analogique d’enfants présentant une déficience intellectuelle. Ces auteurs sont partis du constat que la mémoire de travail était nécessaire pour résoudre les MPRC, mais qu’elle était bien souvent défaillante dans la déficience intellectuelle (Hulme & Mackensie, 1992). Ils ont ainsi proposé à des enfants présentant une déficience intellectuelle de résoudre des matrices comparables à celles des MPRC, mais en leur fournissant l’assistance de la mémoire d’ordinateur pour maintenir les règles d’un problème posé. Par ce procédé, ces auteurs ont pu montrer une amélioration des performances des enfants présentant une DI. Ceci confirme donc bien la part de la mémoire de travail dans le raisonnement analogique, mais également l’intérêt de proposer des aides pour compenser certains processus cognitifs défaillants dans la déficience intellectuelle. Certains de ces processus peuvent également être améliorés en rééducation cognitive. Plusieurs études portant sur l’entrainement de la mémoire de travail ont ainsi démontré un transfert des gains observés au niveau du raisonnement sur des populations sans DI. Jaeggi, Buschkuehl, Jonides et Perrig (2008) ont ainsi démontré une amélioration des capacités intellectuelles d’adultes suite à un entrainement de la mémoire de travail (voir également Jaeggi et al.). D’autres études sont nécessaires pour vérifier que le transfert d’un entrainement de la mémoire de travail sur l’intelligence peut également être observé dans la déficience intellectuelle comme le pensent Perrig, Hoolenstein et Oelhafen (2009).

Conclusion

En conclusion, le test des MPRC semble être un test neuropsychologique pertinent pour étudier les capacités de raisonnement des enfants présentant une déficience intellectuelle. Notre analyse qualitative démontre clairement des similarités entre une population de personnes présentant une déficience intellectuelle et une population d’enfants normotypiques. Ainsi, au-delà de la simple analyse quantitative des performances d’une personne à ce test, l’analyse qualitative nous semble pertinente pour comprendre plus précisément le fonctionnement cognitif en situation de résolution de problèmes.