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La gestion environnementale représente aujourd’hui un enjeu majeur pour les entreprises, en particulier dans l’industrie où les pressions externes et les contraintes réglementaires ne sauraient être négligées sans hypothéquer la légitimité, voire la survie des activités économiques. Sociologue de formation et professeur à l’Université du Québec à Montréal, Corinne Gendron entend proposer dans cet ouvrage un tour d’horizon des principales facettes du management vert des entreprises, à partir notamment de la structure et des recommandations de la norme ISO 14001. Lancée en 1996, cette norme s’est en effet imposée comme le système de gestion environnementale de référence, au même titre que le référentiel ISO 9001 dans le domaine de la qualité. L’ouvrage s’articule autour de trois parties qui abordent des thèmes classiques sur la question.

La première partie s’attache à exposer les principaux enjeux environnementaux et les défis qu’ils soulèvent pour la gestion des entreprises. Dans le premier chapitre, quelques problèmes environnementaux majeurs, comme le réchauffement climatique, la déforestation, la désertification, l’urbanisation ou encore la croissance démographique sont abordés de façon très succincte. Le concept de développement durable et les principaux instruments des politiques publiques pour l’environnement sont également évoqués en des termes très généraux. Le second chapitre décrit les motivations des actions environnementales et les stratégies plus ou moins engagées dans ce domaine en reprenant ici encore des thèmes et des idées largement débattues dans la littérature.

La deuxième partie de l’ouvrage est centrée sur le système ISO 14001. Après avoir rappelé ce que sont les systèmes de gestion environnementale et avoir donné quelques exemples à ce sujet, l’auteure décrit de façon analytique et séquentielle les principales composantes de la norme : politique environnementale, planification, mise en oeuvre et fonctionnement, contrôle et actions correctives, revue de direction. Ces différents thèmes sont repris, plus en détails, mais de façon toujours très descriptive, dans le chapitre 4. Le chapitre 5 s’attache à montrer les enjeux de la certification ISO 14001 en reprenant des données aisément disponibles sur le sujet : nombre de certifications dans le monde, aspects commerciaux, etc. Le dernier chapitre de cette partie traite d’un sujet se prêtant a priori à des développements plus originaux et auxquels l’auteure, de formation juridique, n’est certainement pas insensible : la norme ISO 14001 et la loi. Ce sujet est cependant abordé de façon assez générale et simplifiée à partir de quelques thèmes bien balisés : les prescriptions de la norme par rapport aux exigences réglementaires, les infractions environnementales, la défense de diligence raisonnable, la responsabilité juridique.

La troisième et dernière partie de l’ouvrage traite des outils de la gestion environnementale. L’auteure reprend en fait trois thèmes déjà abordés dans les chapitres précédents à travers l’examen de la norme ISO 14001. Le premier est celui de la vérification environnementale. Après avoir défini le concept, les exigences des normes ISO par rapport à la vérification, de même que les intérêts et limites de cette démarche sont exposés de façon succincte. Le second est celui de la communication environnementale, pour laquelle la norme ISO s’avère très peu exigeante. Le troisième est celui de la gestion des risques. Si ce dernier thème est fort riche et complexe, il est très rapidement survolé dans l’ouvrage qui se limite à rappeler, en une dizaine de pages, la notion de risque, sa définition et ses enjeux.

En définitive, cet ouvrage représente une synthèse générale des principaux thèmes débattus dans la littérature sur la gestion environnementale, qui sont ici illustrés à partir de quelques exemples canadiens. Sa principale qualité est l’esprit de synthèse de l’auteure, la clarté de l’écriture et sa concision. L’objectif n’est pas de montrer, à partir d’une réflexion originale, approfondie, ou d’observations empiriques, la complexité de la gestion environnementale des entreprises mais de reprendre souvent à la lettre des concepts, des modèles, voire des lieux communs sur la question. L’approche est donc très descriptive et conventionnelle, tant dans la nature des thèmes abordés que dans leur analyse. Ainsi, l’ouvrage semble vouloir éviter tout recul critique à l’endroit des systèmes de gestion environnementale, de leur mise en oeuvre souvent superficielle, de leurs contradictions, ou encore de leur efficacité réelle. Comme dans les nombreux ouvrages sur la question, les systèmes de gestion environnementale, en particulier la norme ISO 14001 sont simplement décrits, voire compilés à travers de nombreux extraits. Même les exemples qui pourraient apporter des nuances, montrer les difficultés de mise en oeuvre, les résistances internes, les contradictions, sont classiques et proviennent généralement de documents d’entreprises ou d’associations professionnelles : le programme zéro déchet de Bell Canada, la politique environnementale de Stablex, le programme de vérification de Noranda, les principes directeurs du programme de gestion responsable de l’Association canadienne des fabricants de produits chimiques, les rapports environnementaux d’Hydro-Québec, etc.

Outre cette perspective très conventionnelle et souvent complaisante à l’endroit des entreprises ou des systèmes de gestion environnementale, les thèmes sont abordés de façon plutôt elliptique, en des termes beaucoup trop généraux pour donner lieu à des remises en cause, à des approfondissements, à des cri-tiques ou à des nuances. Par exemple, des questions on ne peut plus débattues comme le réchauffement climatique ou la déforestation sont résumées en une page environ sans que soient mentionnés la responsabilité des entreprises à ces phénomènes, leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre, les enjeux stratégiques de la signature du protocole de Kyoto, les implications des puits de carbone pour les entreprises forestières, etc. De même, les aspects historiques, qui auraient pu donner lieu à d’intéressantes réflexions sur l’évolution des préoccupations environnementales dans les entreprises sont survolés de façon évasive en moins de deux pages au début du troisième chapitre. La question essentielle de l’efficacité du système ISO 14001 sur l’amélioration des performances environnementales est pratiquement éludée. De fait, l’ouvrage manque de recul historique, critique et conceptuel. Si la synthèse proposée est limpide et bien articulée, elle n’apporte pas réellement de valeur ajoutée par rapport aux très nombreux écrits en français ou en anglais sur le sujet. La revue de littérature est elle-même peu étoffée et conventionnelle. Des ouvrages généraux et descriptifs d’introduction aux systèmes de gestion environnementale sont abondamment cités, alors que la très grande majorité des recherches plus empiriques, plus académiques ou plus critiques sur la question est ignorée. De fait, l’auteure laisse donc dans l’ombre des aspects fondamentaux de la gestion environnementale, pour se centrer principalement sur des aspects formels et généralement simplificateurs. Ainsi, la mobilisation des employés, leur participation à la mise en oeuvre du système ISO 14001, les aspects tayloriens de ce type de système, les différentes logiques de mise en oeuvre, ou encore les résistances au changement qu’ils soulèvent ne sont pas réellement abordés.

En définitive, cet ouvrage est surtout un guide d’introduction à la gestion environnementale qui reprend les principaux thèmes de la norme ISO 14001. Il intéressera certainement les lecteurs qui ne connaissent pas cette norme et qui souhaitent s’initier rapidement à quelques concepts de base dans une perspective descriptive, instrumentale et peu critique à l’endroit des pratiques environnementales réelles des organisations. Les consultants en environnement trouveront également des arguments pour inciter les entreprises à mettre en oeuvre un système de gestion environnementale de type ISO 14001 ainsi que quelques exemples intéressants à ce sujet, notamment dans les nombreuses annexes, qui occupent plus du quart de l’ouvrage.