Résumés
Summary
Trade unions in Britain have developed against a particular cultural background, and many of their attitudes and aims stem from this environment and its effect on their members. The last twenty or thirty years have seen great changes in political, social and economic backgrounds: this has led to certain strains and tensions in the union structure, and to the gradual abandonment of traditional symbols, beliefs and modes of action.
Sommaire
On a jusqu'ici étudié le syndicalisme surtout comme une institution économique, politique et juridique, à la suite des travaux, admirables mais d'allure un peu officielle et statique, de Sidney et Beatrice Webb ( Industrial Democracy, History of Trade Unionism ). Une telle perspective demeure partielle et quelque peu trompeuse. D'où l'importance d'études inspirées par l'anthropologie sociale et la sociologie sur le syndicalisme contemporain.
Traditionnellement, le syndicalisme anglais fut la réponse à l'exploitation et à l'arbitraire patronaux de la part de salariés vivant dans la pauvreté et l'encombrement. On commença par voir dans les syndicats des conspirations illégales, et dans les syndiqués des criminels à mettre au ban de la société. De cette période noire sont restés certains souvenirs, symboles et rituels, mais guère autre chose. Ces rituels, aujourd'hui, rendent compte moins d'une réalité sociale hostile que d'un besoin de mousser la loyauté et la solidarité des membres du syndicat. Et si le vocabulaire de l'exploitation est demeuré assez riche, les attitudes des chefs syndicaux surtout se sont modifiées considérablement.
Le syndicalisme vise des objectifs plus larges que le ventre plein et le porte-monnaie bien garni, comme en fait foi l'enthousiasme des syndiqués, il n'y a pas si longtemps, à s'efforcer de transformer le régime économique de concurrence en un régime de coopération, de propriété publique.
La plupart des travailleurs anglais ont le syndicalisme dans la peau. C'est la chose la plus normale du monde pour te jeune ouvrier de faire partie du syndicat; toutes sortes de pressions subtiles s'exercent d'ailleurs sur lui en ce sens. Toute la famille est pour le syndicat, et l'enfant en entend parler dès son plus jeune âge. Il comprend tôt le sens et la nécessité de la communauté d'action pour faire contrepoids à la force de l'employeur; cela est surtout vrai chez les enfants des familles moins fortunées, qui, faute d'espace au foyer, doivent s'amuser dans la rue où ils acquièrent vite le sens et la discipline du groupe.
Et quand le jeune homme entre à l'usine, son infériorité sentie devant ses supérieurs trouve un remède dans l'adhésion au syndicat, source de force et d'appui. La grève renforce la solidarité des syndiqués.
D'autre part, la diversité des industries entraîne la diversité des syndicats. Ainsi, les unions de métiers différeront en certaines matières des unions industrielles; les mineurs ne se comporteront pas nécessairement comme les électriciens, ni les métallos comme les tisserands. Mais au-delà des divergences, mineures au fond, subsistent les similitudes profondes qui elfes sont autrement importantes pour expliquer le phénomène syndical.
Peu à peu, le syndicat se développe comme une institution, distincte à certains égards de ses membres pris individuellement, et avide elle aussi de sécurité et de stabilité. Avec les années, le syndicat peut accumuler des fonds imposants qu'il placera dans toutes sortes d'entreprises (clubs, édifices publics tels que cinémas, etc.). Une bureaucratie s'installera pour en diriger les destinées.
Le syndicalisme, en somme, est le produit d'un arrière-plan culturel précis sur lequel, en retour, il influe d'une certaine façon. Mais depuis un quart de siècle, cet arrière-plan s'est modifié considérablement, et avec lui le visage même du syndicalisme anglais. Aujourd'hui, le syndicalisme en Angleterre est accepté comme pièce intégrante de l'économie industrielle, et a ses coudées franches auprès des gouvernements; le plein emploi est la réalité du jour; et surtout, le travailleur manuel a progressé dans l'échelle sociale en même temps que son revenu s'apparentait à celui de l'employé de la classe moyenne. Sans compter que la presse, la radio, la télévision et le football ont rapproché toutes les classes en comblant d'une façon anodine le vide idéologique des travailleurs.
Les changements technologiques ont également fait éclater les métiers traditionnels et les solidarités et défenses qu'ils provoquaient, tout en modifiant considérablement la structure de l'industrie elle-même. Les écarts de salaires ont été réduits peu à peu. Au lieu du front commun contre l'employeur, on commence à constater la rivalité intersyndicale (les fameux conflits de juridiction) et les tensions entre les travailleurs qualifiés et les moins qualifiés.
La campagne de productivité lancée en 1948 sous un gouvernement travailliste imposa au syndicalisme une politique de collaboration avec le patronat; et la politique du « wage restraint », de mesure dans les revendications économiques préconisée par le même gouvernement et suivie pendant quelques mois par le TUC, en édulcorant la fonction syndicale par excellence, provoqua de nombreux conflits non autorisés et dut être abandonnée après quelques mois.
Aujourd'hui, l'attitude du syndicalisme anglais à l'égard des nationalisations comme panacée est beaucoup plus pragmatique, ce qui a entraîné chez les syndiqués une désaffection partielle à l'égard de l'action politique, surtout depuis que le « Welfare State » a réussi à améliorer les niveaux de vie, l'habitation, la santé et l'emploi.
D'autre part, la concentration et l'intégration industrielles ont entraîné le gigantisme syndical, avec son cortège de bureaucratie et d'impersonnalité et l'affaiblissement de l'enthousiasme des syndiqués.
On peut toutefois noter, depuis l'arrivée du gouvernement conservateur au pouvoir (1951), un certain retour des attitudes syndicales traditionnelles. Un certain chômage, fortement ressenti en certaines régions, a créé du mécontentement. L'inflation a provoqué des batailles assez vives sur le plan des salaires. Et des luttes s'annoncent sur celui de la législation, un projet de loi se préparant pour prohiber certaines formes extrêmes de sécurité syndicale.
Bref, le syndicalisme anglais tend à se rapprocher de plus en plus des modèles américain et canadien; il a décidément perdu en radicalisme, en conscience de classe et en activité politique au cours du dernier quart de siècle.
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Parties annexes
Note biographique
BALFOUR, W. CAMPBELL, lecturer in Industrial Relations, University of South Wales and Monmouthshire, Cardiff; graduate of the London School of Economics; Fulbright Scholar at the University of Chicago; visiting associate professor, University of Texas.