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Introduction

L’analyse des enquêtes Emploi du temps depuis 1974 montre que la répartition du temps de travail a changé : en 1998, ce sont les plus diplômés qui travaillent le plus et consacrent le moins de temps au loisir, à l’inverse de ce qui se passait en 1974 (Chenu et Herpin, 2002); en 2010, cette tendance se vérifie, avec des cadres surreprésentés parmi les personnes ayant des « semaines longues » de travail (Sautory et Zilloniz, 2015) avec des horaires importants (Brousse, 2015).

Des enquêtes en sciences de gestion et en sociologie ont montré qu’un investissement temporel extensible au-delà des horaires légaux et une porosité entre les sphères professionnelle et privée constituent des caractéristiques distinctives des cadres, en France (Dietrich, 2001; Delteil et Genin, 2004; Genin, 2014) comme à l’international (Hobson et Beach, 2000). Ce temps de travail allongé des cadres, avec parfois du travail réalisé à domicile le soir ou les fins de semaines (le weekend), est en partie compensé par l’autonomie des horaires (DARES, 2014; Brousse, 2015) et l’intérêt du travail, fortement affirmé chez les cadres (Bouffartigue et Bocchino, 1998; DARES, 2015). Cette norme de la « disponibilité extensive » s’accentue dans les contextes de réorganisations, de privatisations et de restructurations avec pression sur les coûts et les effectifs (Pochic, 2004; Zeytinoglu et al., 2007; Bourgeois, Ohana et Renault, 2016; Gangloff et Malleh, 2017) et peut constituer un facteur d’absentéisme (Randon, Baret et Prioul, 2011; Fournier, Montreuil et Villa, 2013) ou de risques psychosociaux (Zeytinoglu et al., 2007).

En France, depuis la fin des années 1990, on constate l’apparition d’entrepreneurs de cause autour du thème de la souffrance au travail (Loriol, 2010). L’accent mis sur la dégradation de la santé mentale des salariés, et plus particulièrement sur le « stress » et la « souffrance au travail », a été alors relayé entre autres par les syndicats, notamment, pour les cadres, par la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) (Loriol, 2011; Delmas, 2012).

C’est une alerte syndicale chez DISTRI, un établissement public confronté à des réorganisations importantes, qui a constitué le point de départ de notre étude de cas (Yin, [1984] 1989). Ces réorganisations constituent des facteurs externes d’augmentation de la charge de travail des cadres : plusieurs cas (3 au moins) d’épuisement professionnel (burn-out) ont été déclarés au cours de l’année de l’étude et l’année précédente. De plus, quelques cadres étaient dans des situations de souffrance psychologique manifeste (pleurs en réunion, au téléphone).

La littérature mobilise des approches variées, et pluridisciplinaires, comme on le verra, pour appréhender la notion de charge de travail. Notre article vise à illustrer, grâce à cette étude de cas, la possibilité d’appréhender la charge de travail en combinant une approche qualitative et quantitative et en mobilisant l’analyse systémique des organisations : nous partons donc du postulat d’une structuration systémique de la charge de travail des cadres.

La première partie de cet article consiste en une synthèse de la littérature sur la charge de travail, appréhendée sous différents angles. La seconde partie présente le cadre théorique retenu, la troisième, le cas étudié, et la quatrième, les principaux résultats. Nous montrons ainsi en quoi la charge de travail est un reflet des relations de pouvoir dans l’établissement : dans ce système corporatiste, le poids de la charge de travail, notamment le travail qualifié de « inintéressant », va croissant lorsque l’on s’élève dans la hiérarchie; l’analyse quantitative conduit à identifier quatre stratégies de gestion de cette charge de travail, que l’analyse systémique permet de comprendre à l’aune du système organisationnel.

La charge de travail, une notion appréhendée sous différents angles

Afin de positionner notre travail dans un cadre plus large, nous présentons, dans le cadre de cette revue de littérature, différentes approches méthodologiques et disciplinaires de la charge de travail. Nous sommes loin de prétendre dresser une liste exhaustive de la littérature foisonnante et multidisciplinaire (sociologie, gestion, psychologie, économie, …) sur la charge de travail. Ici, nous nous intéressons plutôt à divers types de mesure de la charge de travail, puis aux différents angles théoriques relatifs à ce sujet.

Mesurer la charge de travail

Les premières études sur la charge de travail sont apparues dans les années 1970 (Cazabat, Barthe et Cascino, 2008). Dès cette époque, des mesures et enquêtes quantitatives sont régulièrement mobilisées pour appréhender la charge de travail et les risques psycho-sociaux[1](RPS). Les questionnaires NASA-TLX (National Aeronautics and Space Administration - Task Load Index, voir Hart et Staveland, 1988, pour sa construction, et DiDomenico et Nussbaum, 2008 pour son utilisation), SWAT (Subjective Workload Assessment Technique), dédiés spécifiquement à la mesure de la charge de travail perçue (Galy, Cariou et Mélan, 2012), Karasek (voir Machado, Desrumaux et Lancry, 2014, pour des précisions sur ce modèle), ou encore Siegrist, en constituent un bon exemple : il s’agit d’administrer un questionnaire construit ex-ante, identique quelle que soit la situation, ce qui a le mérite de la comparabilité et de la généralisation, mais a l’inconvénient de la non-prise en compte des spécificités du système et de l’environnement (Fournier, Montreuil et Villa, 2013). Les enquêtes Emploi du temps ou Conditions de travail en constituent une autre illustration : elles permettent de disposer de statistiques sur le temps de travail dans la population française.

En-dehors de ces grandes enquêtes, d’autres types de mesure sont également possibles : Hobson et Beach (2000) ont, par exemple, bâti un questionnaire spécifique dans une enquête sur la charge de travail des managers, comme Bakker, Demerouti et Verbeke (2004) sur le burnout et la performance.

Ces mesures sont précieuses pour évaluer des phénomènes comme l’intensification du travail (Gollac, 2011) ou l’effet de contraintes, comme les horaires atypiques sur la pénibilité du travail (Poilpot-Rocaboy et al., 2017). De plus, elles permettent de modéliser certains liens : par exemple, Coutrot et Wolff (2006) comparent des modèles économétriques de complexité variée évaluant l’impact des conditions de travail sur la santé; Zeytinoglu et al. (2007) mesurent le lien entre satisfaction vis-à-vis du travail, charge de travail et stress.

Dans cette étude, pour mesurer la charge de travail perçue, nous mobilisons une enquête par questionnaire que nous présentons en troisième partie. Cependant, au-delà de la façon de mesurer la charge de travail, se pose la question de l’approche théorique adoptée pour l’appréhender.

Trois grandes approches : psychologique, ergonomique et organisationnelle

La psychologie du travail s’intéresse notamment aux psychopathologies du travail et à l’engagement d’une subjectivité dans l’activité de travail (Molinier, 2011). Ainsi, Dejours (2006) identifie deux principaux types de pathologies du travail : pathologies de surcharge et pathologies de harcèlement. Selon lui, cela renvoie à une forme d’aliénation sociale, où l’aliénation, au sens psychopathologique du terme, implique un ensemble d’acteurs. Clot (2010) se penche sur les freins au « travail bien fait » (conflits sur les critères de qualité, management de la performance éloigné du réel…). Lhuilier (2010) explique que les facteurs de pénibilité, surcharge ou stress au travail proviennent en grande partie de « l’invisibilité croissante du travail réel » (p. 32).

Cette notion de travail réel renvoie à la distinction entre travail prescrit et travail réel, qui a irrigué de nombreux travaux en ergonomie. L’ergonomie cherche à appréhender la charge de travail dans sa globalité, en tenant compte à la fois de l’activité de l’individu divisée en tâches et du contexte (Rusnock et Borghetti, 2018). Les ergonomes s’intéressent surtout à la charge de travail perçue (Galy, Cariou et Mélan, 2012), aux liens entre la charge perçue et les réponses physiologiques (Orlandi et Brooks, 2018), mais également à la différence entre la charge réelle et perçue. Ainsi, certains travaux en ergonomie modélisent la charge de travail sous forme de trois composantes : charge prescrite, charge réelle et charge vécue (Cazabat, Barthe et Cascino, 2008), tout en intégrant les ressources du travailleur et les conséquences de la charge de travail (Fournier, Montreuil et Villa, 2013).

Linhart (2009) voit, quant à elle, dans ce décalage entre travail réel et travail prescrit un espace de résistance pour les salariés, ce qui renvoie à une approche organisationnelle. En effet, le niveau organisationnel peut être mobilisé pour appréhender la charge de travail, comme le préconisent Livian, Baret et Falcoz (2004). Ainsi, Cadin et Pralong (2015), dans leur étude sur la charge cognitive, expliquent que l’organisation nécessite de la part des travailleurs un certain volume de ressources attentionnelles. Lallement, Lehndorff et Voss-Dahm (2004), tout comme De Gaulejac (2011), soulignent aussi l’influence des modèles de gestion et des modes d’organisation sur le travail et sa régulation. Herreros (2012) pointe, quant à lui, le rôle de l’encadrement et du management, et plaide en faveur d’un nouveau mode d’organisation, l’organisation réflexive, favorisant un climat et des relations de travail apaisés.

Nous situons notre travail dans l’approche organisationnelle. Plus précisément, nous mobilisons le cadre théorique de l’analyse systémique des organisations.

Étudier la charge de travail comme un enjeu organisationnel

Si le modèle de Karasek se fonde sur une approche quantitative et ne tient pas compte des spécificités des contextes organisationnels, il souligne cependant l’importance de l’organisation : selon ce modèle, les « contraintes d’emploi » proviennent à la fois des demandes de l’emploi et de la latitude décisionnelle (Gintrac, 2011).

Cette notion de latitude décisionnelle incite à s’interroger sur les ressources dont les acteurs disposent dans l’organisation, dans une approche d’analyse systémique (ou stratégique) des organisations. Dans cette approche, théorisée notamment par Crozier et Friedberg (Crozier, [1964], 2001; Crozier et Friedberg, [1977] 1981; Friedberg, [1993] 1997), une organisation est considérée comme un système dans lequel chaque acteur a certaines ressources (expertise, réseau professionnel, maîtrise de l’information, …) lui permettant, le cas échéant, de maîtriser des éléments importants pour l’organisation. Cette approche se fonde, en partie, sur le concept de rationalité limitée développé par Simon (1972). Crozier et Friedberg invitent à s’intéresser aux stratégies des acteurs pour comprendre comment fonctionnent les organisations : ces stratégies ne sont jamais données à l’avance, car elles dépendent des ressources des acteurs et, surtout, de la manière dont ces derniers les mobilisent.

Nous avons choisi de transposer ce cadre théorique à la question de la charge de travail, comme le fait Tirmarche (2010). À partir de ce cadre, on peut, en effet, supposer que plus un acteur a du pouvoir dans l’organisation, plus il a de marges de manoeuvre pour négocier le travail qu’il doit fournir, et ainsi sa charge de travail. La charge de travail, réelle ou perçue, serait alors le produit de la rencontre entre le contexte et l’organisation, qui définissent la charge de travail prescrite, mais également les ressources et les stratégies des acteurs pour gérer et négocier cette charge de travail. On peut alors parler d’une structuration systémique de la charge de travail, et s’intéresser aux stratégies adoptées par les acteurs pour y faire face (Gangloff et Malleh, 2017).

Finalement, l’enjeu de ce travail consiste à mobiliser, d’une part, une enquête quantitative cherchant à mesurer la charge de travail perçue et déclarée et à dresser une typologie des charges de travail perçues, et, d’autre part, une analyse systémique à partir d’un matériau qualitatif permettant de comprendre cette typologie à l’aune des stratégies adoptées par les acteurs en fonction du système organisationnel.

Cas étudié et méthodologie

Le cas étudié : alerte sur la charge de travail des cadres dans la direction régionale d’une administration

DISTRI est une administration ayant une activité de distribution dans le secteur de l’énergie, créée en 2008. En effet, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, il a fallu séparer, au sein d’une ancienne administration de ce secteur, les activités de production (ouvertes à la concurrence) et les activités de distribution (DISTRI : activité régulée). Avant 2010, DISTRI était organisée en 8 inter-régions, peu implantées localement. Depuis 2010, DISTRI a voulu régionaliser son activité et a, donc, créé des Directions régionales (DR). Pour l’entreprise, il s’agit de responsabiliser financièrement les unités régionales, notamment en leur conférant une autonomie budgétaire. L’établissement étudié est une de ces DR. En 2012, à la suite d’une alerte de la CFE-CGC[2] sur la « charge de travail des cadres », le Directeur régional (Directeur dans la suite du texte) a commandité une intervention d’un cabinet de conseil, sous la forme d’un diagnostic sur la charge de travail[3].

Cette DR (voir Figure 1) est divisée en sites dirigés par des chefs de pôle (et leur adjoint). Les 49 chefs de pôle et adjoints sont des managers de proximité, en charge des agents et de la planification de leur travail. Ces sites sont regroupés en agences, dirigés par 16 chefs d’agence (et adjoints), chargés du pilotage global de leur agence. La DR emploie également 23 chefs de projet, peu dépendants fonctionnellement de leur chef, car ils travaillent dans une grande autonomie. Enfin, les 10 cadres dirigeants, membres du Codir (Comité de Direction), sont en charge chacun d’un univers métier (Exploitation, Ingénierie, Patrimoine, Direction territoriale, État-major : Gestion, RH, Communication).

En 2012-13, le Directeur insiste sur la possible ouverture à la concurrence, ce qui pouvait toucher DISTRI dès 2015. Dans ce cadre, il insiste sur la nécessité d’augmenter la satisfaction des clients, ce qui passe, entre autres, par une augmentation de la fréquence des enquêtes de satisfaction. De plus, dans le cadre de la responsabilisation des DR, la DIR (Direction interrégionale, qui regroupe 3 DR) insiste sur l’importance du respect du budget par chacune des DR, compare les DR entre elles, et souligne la mauvaise performance de la DR étudiée par rapport aux autres.

Pour faire face à ces enjeux, la direction de l’établissement ne dispose que de faibles marges de manoeuvre. En effet, cette administration est caractérisée par une identité de métier propre au modèle corporatiste, où le climat social est marqué par la prépondérance du syndicat (CGT) des très nombreux agents (1500 pour 95 cadres). La CGT est un syndicat puissant dans cet établissement, du fait de l’importance numérique des agents, mais, aussi, du fait qu’il faut éviter les grèves pour garantir la satisfaction des clients. Le Directeur parle, d’ailleurs, d’un modèle historique de « cogestion » avec la CGT, qu’il semble perpétuer.

Figure 1

Organigramme de la Direction générale étudiée

Organigramme de la Direction générale étudiée

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[Le Directeur] vient de débarquer un cadre à T*** suite à un différend avec un des gars; il y a une telle crainte des syndicats qu’on fait n’importe quoi parfois pour ne pas les contrarier. Là, les syndicats lui ont dit après : ‘Tu as vu, on a eu ta peau’. Une Direction ça ne vire pas un de ses cadres.

- Chef d’agence

On est donc dans une forme de dépendance inversée (Terssac, 2012), propre au modèle corporatiste. Finalement, pour répondre aux enjeux évoqués dans ce contexte contraint, le Directeur a mis en place un pilotage par indicateurs, avec une multiplication des rapports à remplir par les cadres de tous les niveaux, ce qui crée un surcroît de travail pour eux. Par ailleurs, il s’est constitué des leviers managériaux auprès de l’encadrement en durcissant la règle de mobilité (mobilité obligatoire tous les trois ans) et en s’arrangeant directement avec les personnes concernées sur les affectations lors des mobilités, tout en détectant lui-même les « hauts potentiels ».

La méthodologie mobilisée : des entretiens de cadrage et une enquête quantitative

La collecte des données primaires a donc eu lieu en 2012 et 2013.

L’enquête a commencé par une série de 16 entretiens de cadrage, ouverts, avec les membres du Codir et du comité de pilotage de l’étude, puis a continué avec 22 entretiens semi-directifs avec des cadres non dirigeants, sélectionnés selon une logique de grappe hiérarchique (Friedberg, 1999)[4]. Le Tableau 1 récapitule les caractéristiques sociodémographiques des interviewés. Le guide d’entretien portait sur le contenu du travail (de la personne et de ses équipes, le cas échéant), les relations de travail, la vision du statut de cadre, le rythme et la charge de travail et leurs éventuelles évolutions.

Tableau 1

Caractéristiques sociodémographiques des personnes interviewées

Caractéristiques sociodémographiques des personnes interviewées

Note : Les caractéristiques sociodémographiques n’ont pas pu être toutes recueillies lors des entretiens exploratoires. La très grande majorité d’hommes s’explique par le faible taux de féminisation de la population étudiée : 16 % (15 sur 94 cadres).

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Tableau 2

Les objectifs ayant guidé la construction du questionnaire

Les objectifs ayant guidé la construction du questionnaire

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Après une première synthèse très descriptive du contenu des entretiens par grande thématique, un questionnaire a été construit et nous l’avons administré nous-même par téléphone aux 95 cadres de l’établissement, dirigeants et non dirigeants. Sur ce nombre, il y a eu 90 répondants. Plus précisément, nous avions, lors de la construction du questionnaire, plusieurs objectifs qui ont guidé la définition des questions (Tableau 2).

Le matériau utilisé comprend donc les entretiens, la base de données issue de l’administration du questionnaire, ainsi que les nombreux commentaires émis par les répondants au moment de répondre au questionnaire par téléphone. Ces différents matériaux nous renseignent donc sur la charge de travail perçue, et pas sur la charge de travail réelle, ou encore prescrite (Livian, Baret et Falcoz, 2004; Rousseau, 2006). À l’instar de Hatzfeld (2004), il nous semble, en effet, que les perceptions sont intéressantes pour appréhender plus concrètement la question de la charge de travail.

Pour analyser ce matériau mixte, nous avons mobilisé plusieurs étapes et méthodes.

Après des premières statistiques descriptives, nous avons réalisé une ACM (Analyse factorielle des correspondances multiples)[5] sur le matériau quantitatif pour caractériser l’espace de la charge de travail (Cibois, 2009). Les 12 variables actives concernaient la charge de travail et les stratégies mises en place pour y faire face, alors que les 11 variables supplémentaires caractérisaient les individus (caractéristiques sociodémographiques et professionnelles). Cela a permis de mettre au jour la façon dont différents facteurs interagissent pour définir la perception de la « charge de travail » et produire des situations où certains cadres se déclarent surchargés.

Nous avons, ensuite, effectué une CAH (classification ascendante hiérarchique), cela afin d’identifier des « profils » de cadres ayant une charge de travail à peu près homogène.

Enfin, nous avons cherché à expliquer ces profils et la répartition de la charge de travail dans l’établissement grâce à l’analyse systémique des organisations, menée à partir des entretiens semi-directifs. Pour cette étape, nous avons mobilisé un codage thématique des entretiens et effectué une analyse systémique par « grappe hiérarchique », c’est-à-dire en replaçant autant que possible les interviewés dans leurs relations de travail, verticales comme horizontales (Friedberg, 1999). Cela implique, notamment, de mener une première analyse des relations et, ici, de la charge de travail pour chaque équipe, puis de confronter les différentes analyses ainsi produites afin d’en tirer une analyse globale.

La charge de travail des cadres, reflet du système organisationnel ?

La charge de travail perçue, une variable multidimensionnelle

Les horaires de travail déclarés peuvent constituer un premier moyen pour appréhender la charge de travail perçue ou déclarée. Ainsi, 19 % des répondants estiment leur présence quotidienne au bureau à 8 ou 9h, 56 % l’estiment à 10 ou 11h, et 25 % l’estiment à 12h et plus. Or, les horaires de présence sont corrélés avec la position dans la hiérarchie (chi carré significatif à 5 %[6]) : plus on monte dans la hiérarchie, plus on a des horaires importants. De plus, des horaires importants en semaine sont également liés au fait de travailler le week-end (Graphique 1).

Cependant, les horaires et le travail les fins de semaine (weekend) ne suffisent pas à rendre compte d’une charge de travail multidimensionnelle. Par exemple, alors que les horaires sont liés à la variable de la fréquence perçue des moments de saturation (« Vous arrive-t-il d’avoir des moments de surcharge ou de saturation de l’activité ? » Résultats : -C’est permanent = 15%; -C’est régulier = 37%; -Cela arrive parfois = 41%; -Cela n’arrive jamais =7%), des tests du chi carré montrent qu’ils ne sont pas liés à l’impression que le répondant retire de sa charge de travail (« Globalement, sur votre charge de travail, vous vous dites plutôt… ? » Résultats : -Je suis débordé et c’est vrai que j’ai du mal à y arriver = 26%; -J’ai beaucoup de travail, mais c’est normal vu mon poste = 67%; -J’ai du travail que j’ai le temps de mener à bien = 7%; -J’ai trop peu de travail et les journées sont longues =0%).

De plus, au cours des entretiens, la plupart des cadres établissent une distinction entre leur « travail normal », quotidien (gestion des équipes, chefferie de projet, …), et qui pour la plupart les intéresse, et ce qu’ils qualifient de « travail en plus », constitué de réponses à des demandes de rapports, de réunions, de courriels (emails), considéré fréquemment comme un travail inintéressant. Ce « travail en plus » se rapproche de la notion de « travail invisible » qu’Alter (2010) définit comme l’ensemble des ajustements à mettre en oeuvre pour traiter les « dyschronies », et dans lequel il range, par exemple, le traitement des courriels ou mails et des sollicitations. Alors que le travail « normal » est différent selon les univers métiers et le niveau de responsabilité, le « travail en plus » est commun à tous (courriels, réunions, sollicitations et rapports), avec une insistance mise sur la dimension « urgente » de ce travail. Plus précisément, au sein des urgences, les interviewés opposent les urgences hiérarchiques (demandes de rapports et de statistiques), qui constituent l’essentiel du « travail en plus », aux autres urgences, notamment les urgences terrain ou les urgences client, comme une panne sur le réseau, qui sont considérées comme faisant partie du « travail normal ».

Graphique 1

Répartition des horaires de présence quotidienne au bureau en fonction du fait de travailler le week-end (en %)

Répartition des horaires de présence quotidienne au bureau en fonction du fait de travailler le week-end (en %)

Note : Parmi les cadres qui travaillent le week-end, 30% déclarent une présence quotidienne moyenne au bureau de 12h et plus.

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Parfois, tout tombe en même temps, on a plein de mails, il faut faire plein de choses, et puis à côté on doit continuer l’activité quotidienne, et, parfois, c’est plus calme, on a le temps de travailler sur plein de choses.

- Chef de pôle Ingénierie

Enfin, ces urgences hiérarchiques sont attribuées à la hiérarchie supérieure (Directeur régional le plus souvent, ou interrégional parfois), même si elles passent par les échelons hiérarchiques intermédiaires avant d’arriver à un salarié donné.

Cette distinction renvoie à la notion de qualité du travail (Clot, 2010). En effet, la majorité des interviewés s’accordent pour dire que la mission première de DISTRI est d’assurer le bon fonctionnement du réseau de distribution. Dans ce cas, répondre à un courriel ou remplir un tableau pour un rapport est vu comme contribuant moins à la qualité du travail que de gérer un problème sur le réseau. Cependant, comme on le verra, tous les cadres n’ont pas la même liberté de laisser de côté les urgences hiérarchiques.

Face à cette notion multidimensionnelle de la charge de travail, nous avons mobilisé une ACM (analyse factorielle des correspondances multiples) afin de mieux comprendre comment est constituée la perception de la charge de travail.

Le premier plan factoriel (axes 1 et 2[7]) permet de définir l’espace de la perception de la charge de travail. Le premier axe oppose :

  • à gauche du plan factoriel, les cadres qui déclarent avoir beaucoup de travail, et qui ont l’impression que leur charge de travail est due à de « mauvaises raisons », renvoyant ainsi au « travail en plus » des entretiens;

  • à droite du plan factoriel, des cadres qui estiment que leur charge de travail est satisfaisante, et qui se déclarent globalement plus satisfaits, tant de leur hiérarchie que de l’utilité de leur travail.

Il est intéressant de constater que cet axe se construit à partir de la charge de travail exogène (nombreux déplacements par exemple), de choix effectués par les cadres (choisir de travailler « au-delà des limites » par exemple), et du sentiment du répondant sur des phénomènes connexes à la charge de travail (messagerie stressante, manque de méthode, hiérarchie pas attentive notamment) : la perception de la charge de travail est donc bien multidimensionnelle, avec à la fois un donné, un construit, et un ressenti.

L’axe 2 oppose quant à lui des cadres qui ont une charge d’encadrement (en bas dans le plan factoriel) aux cadres qui n’ont pas de charge d’encadrement (en haut dans le plan factoriel).

La répartition de la charge de travail et des strategies: une typologie

La réalisation d’une CAH (classification ascendante hiérarchique) à partir des deux premiers axes de l’ACM permet, ensuite, de définir quatre groupes de cadres caractérisés par une perception homogène de la charge de travail et des stratégies identiques de gestion de cette charge (Graphique 2). Ces stratégies se jouent envers la hiérarchie (docilité envers la hiérarchie, c’est-à-dire acceptation du travail, ou résistance) et envers les équipes (déléguer ou filtrer le travail). L’analyse systémique des organisations à partir du matériau qualitatif permet de mieux caractériser ces stratégies.

Graphique 2

Classification ascendante hiérarchique sur le premier plan factoriel : groupes et stratégies identifiés

Classification ascendante hiérarchique sur le premier plan factoriel : groupes et stratégies identifiés

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Les « surchargés » : stratégie de docilité avec filtrage

Le premier groupe (cercle : 23 individus) est constitué par les « surchargés », qui considèrent que leur charge de travail est très importante, et que leur équilibre entre vie privée et vie professionnelle pose problème. Ils forment des « goulots d’étranglement » (Codir Gestion), car ils déclarent ne pas négocier avec leur hiérarchie et ne pas déléguer. Le cas de la déléguée à la Gestion du Codir est un cas-type : alors qu’elle a une charge de travail déjà importante du fait de sa position spécifique dans le système de « reporting » et le suivi des budgets, elle fait attention à ses équipes, ce qu’elle relie directement à sa charge de travail.

Ma collaboratrice, quand elle travaille plus tard, je lui dis : ‘Pars une heure avant’. […] Le goulot d’étranglement, comme je veille sur tout le monde, c’est moi; je bosse tout le temps le soir, le week-end.

- Codir Gestion

Les membres du Codir sont surreprésentés dans ce groupe. Cela semble contradictoire avec les représentations que l’on peut avoir d’acteurs qui, situés en haut de la hiérarchie, disposent des ressources nécessaires pour déléguer et se décharger d’une partie de leurs tâches — surtout les tâches perçues comme inintéressantes, à savoir le « travail en plus » évoqué précédemment. Cependant, les réorganisations ont induit, pour le Codir, une multiplication des réunions, et un dédoublement des rapports à produire (pour la DR, mais aussi pour la DIR). Or, il leur est difficile de refuser certaines tâches, notamment du fait de la compétition implicite qui règne entre eux et de leur souci de se faire « bien voir » par le Directeur, dans un contexte où il détient un pouvoir sur leur carrière.

« Il faudrait pouvoir dire non en amont, de manière collective »

- Codir Patrimoine

« S***, elle ne joue pas le jeu : elle part à 17h30, mais elle envoie des mails à 22h. »

- Codir Communication

De plus, les membres du Codir ne disposent plus de leviers managériaux : comme on l’a vu, le Directeur a, en effet, mis en place un système de relation directe avec les chefs d’agence et les chefs de pôle (N-1 et N-2 du Codir), notamment en attribuant directement des postes lors des mobilités, ou en identifiant des « hauts potentiels » sans passer par l’échelon managérial. Un cadre dirigeant estime ainsi que le Codir se fait « court-circuiter » dans sa relation managériale avec les cadres non dirigeants. Finalement, les membres du Codir sont majoritairement dans une stratégie de docilité (du fait de la compétition implicite), avec filtrage (du fait du manque de leviers managériaux).

Les « mécontents » : stratégie de docilité avec délégation

Le deuxième groupe (losange : 25 individus) est constitué des cadres qui se présentent comme ayant beaucoup de travail alors qu’ils délèguent en partie à leurs équipes : ce sont des « mécontents », notamment vis-à-vis de leur hiérarchie et de l’organisation. Ils adhèrent d’ailleurs peu au discours selon lequel il est « nécessaire pour l’activité » de travailler beaucoup.

Les chefs d’agence sont surreprésentés dans ce groupe. Ils se plaignent d’une charge de travail très importante, constituée notamment de sollicitations venant de la hiérarchie et tout particulièrement du Directeur. Les réorganisations évoquées précédemment ont touché directement leur travail, en renforçant le poids des questions budgétaires et des rapports à produire. Ils sont donc majoritairement dans une stratégie de docilité (avec l’optique de se faire remarquer par le Directeur), accompagnée, pour certains, de délégation et, pour d’autres, de filtrage (afin de respecter les urgences terrain, mais aussi par peur que les chefs de pôle ne puissent pas répondre correctement aux demandes).

J’ai un encadrement [l’échelon inférieur, les chefs de pôle notamment] pas assez professionnalisé. J’absorbe déjà pas mal, je ne peux pas transmettre plus de toute façon parce que mon encadrement a déjà beaucoup de travail. Mais aussi parce qu’on a des exigences de résultat, donc je ne peux pas transmettre à mon encadrement parce qu’ils ne pourront pas répondre aux exigences.

- Chef d’agence Ingénierie

Les « négociateurs » : stratégie de résistance

Le troisième groupe (triangle : 27 individus) est constitué des « négociateurs », qui négocient avec leur hiérarchie, ne se rendent pas à toutes les réunions, ne répondent pas à tous les courriels, mais qui, en retour, sont plutôt satisfaits de leur hiérarchie et de l’organisation, et dont la charge de travail est limitée par cette forme de négociation. Il s’agit donc de personnes qui estiment que la qualité du travail (Davezies, 2004) ou le « travail bien fait » (Clot, 2010) passent par une sélection et une hiérarchisation de leurs tâches.

Les chefs de pôle et les cadres de la Direction territoriale sont surreprésentés dans ce groupe, comme dans le suivant, en fonction du comportement de délégation de leur supérieur hiérarchique (chef d’agence).

Cela s’explique par le fait qu’une source de négociation dans le système est le contrôle de la performance finale, qui passe par la relation avec la base d’agents et le contrôle de la relation avec le client. Cela crée, pour les chefs de pôle (en contact direct avec les agents) et les cadres de la Direction territoriale (en contact direct avec le client), un pouvoir de négociation source d’autonomie. Ainsi, les chefs de pôle, tout comme les chefs d’agence, estiment que les urgences venues du terrain (une tempête, par exemple, ou toute autre raison de panne) sont plus importantes que les contraintes venues de la hiérarchie.

On a des mails du jour pour le lendemain, de l’adjoint au directeur, pour des enquêtes, savoir ce qui s’est passé. On pourrait donner quelques jours pour la réponse, pourquoi est-ce que c’est si urgent que ça ? Avec une tempête, c’est urgent. On fait notre boulot.

- Adjoint chef d’agence Ingénierie

Les « protégés » : stratégie de passivité

Le quatrième groupe (carré : 15 individus) est constitué par les « protégés », qui considèrent qu’ils ont peu de travail et n’ont donc pas besoin de négocier, soit parce que leur charge de travail « donnée » n’est pas importante, soit parce que leur hiérarchie les protège en formant justement un « goulot d’étranglement » — on y retrouve notamment la collaboratrice directe de la déléguée à la Gestion. Ils sont donc dans une stratégie qualifiée de passivité, au sens où ils n’ont pas besoin de stratégie particulière pour faire face à leur charge de travail.

En résumé, les chefs de pôle sont donc majoritairement dans une stratégie de résistance quand leur chef d’agence leur délègue du travail, et dans une stratégie de passivité lorsque leur chef d’agence filtre le travail.

Discussion

L’analyse quantitative a donc contribué à souligner la distribution inégale de la charge de travail perçue, mais également à identifier quatre profils de cadres ayant une perception homogène de cette charge. L’analyse qualitative, fondée sur l’analyse systémique des organisations, a permis, quant à elle, de mieux comprendre le système de l’établissement et finalement, la structuration systémique des stratégies des cadres pour gérer leur charge de travail, et donc de cerner la charge de travail perçue. Nous avons ainsi pu constater que, comme nous l’avions pressenti, plus un acteur a de pouvoir (pouvoir réel et non officiel) dans l’organisation, plus il a de marges de manoeuvre pour négocier sa charge de travail, que ce soit en délégant à ses équipes, voire même en refusant de fournir certains types de tâches.

Ces différents éléments ouvrent des possibilités de discussion avec la littérature.

Sur le plan théorique, les résultats obtenus montrent en quoi la charge de travail est structurée systémiquement. Ils soulignent aussi la nécessité, dans certains cas, de trier le travail et de laisser de côté certains éléments (ici, les urgences hiérarchiques) pour se concentrer sur le coeur du travail (ici, les urgences terrain). Cela souligne l’importance de la prise en compte de la notion de « qualité du travail » (Clot, 2010), qui peut prendre un sens différent selon les niveaux hiérarchiques (Davezies, 2004). Dans notre cas, les différents acteurs opèrent les mêmes distinctions entre urgences hiérarchiques et terrain, mais les cadres de plus haut niveau ont plus de difficultés à mettre de côté les urgences hiérarchiques, car ils disposent de peu de ressources pour négocier leur travail.

Sur le plan méthodologique, notre travail s’inscrit dans une approche mixte entre méthodologies qualitative et quantitative et, donc, dans un entre-deux entre une approche quantifiée (Brousse, 2015; DARES, 2015; Sautory et Zilloniz, 2015) et une approche plus individualisée de la charge de travail ou des RPS (Dumond, 2007; Molinier et Flottes, 2012; Rossano, Abord de Chatillon et Desmarais, 2015). De plus, ce matériau mixte constitue une triangulation des données qui doit permettre d’appréhender un phénomène sous différents aspects (Groulx, 1997; Roupnel-Fuentes, 2011). Rappelons que les personnes interviewées dans le cadre des entretiens semi-directifs ont également répondu au questionnaire, contrairement à d’autres approches mixtes où l’analyse quantitative se fait sur un échantillon totalement différent (Weber, 1995). Cela a permis un rapprochement entre les deux types de matériaux et d’analyse : nous avons ainsi pu comprendre et interpréter les quatre segments de la classification ascendante hiérarchique à l’aune des entretiens.

D’un point de vue managérial, montrer que la charge de travail dépend en grande partie des stratégies des acteurs en fonction du système organisationnel nous paraît enrichissant pour les Directions des ressources humaines souhaitant mieux comprendre la question de la charge de travail et les leviers permettant d’agir dans ce domaine, au profit d’une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée. Ainsi, notre travail semble indiquer qu’une bonne compréhension du système relationnel d’un établissement s’avère utile pour appréhender la charge de travail, ce qui rejoint des résultats de travaux en ergonomie montrant l’importance des relations de travail (Fournier, Montreuil et Villa, 2013). Par ailleurs, nos résultats invitent à ne pas considérer les cadres comme une catégorie homogène : au sein d’un même établissement, les cadres n’ont pas tous les mêmes enjeux, les mêmes ressources et, donc, les mêmes stratégies de gestion de la charge de travail. Cela invite les entreprises à se détacher de la segmentation usuelle entre cadres et non-cadres, au profit d’une segmentation plus proche de la réalité du travail lors de la définition de politiques sur la charge de travail. Enfin, notre recherche souligne aussi l’importance de la prise en compte du contenu du travail et pas seulement de sa quantité pour évaluer la charge de travail d’une personne. Finalement, les seuls indicateurs d’horaires deviennent insuffisants et, au-delà de « l’intensification du travail » (Gollac, 2011) et de sa « densité » (Hatzfeld, 2004), se pose aussi la question de son contenu, mais également des stratégies des acteurs.

Conclusion

Dans ce travail, nous avons cherché à analyser la répartition de la charge de travail perçue à l’aune du système d’un établissement. Nous avons identifié quatre groupes de cadres ayant des perceptions homogènes de la charge de travail et des stratégies identiques pour y faire face. Cela contribue à souligner l’importance des relations de pouvoir, mais aussi des stratégies et des marges de manoeuvre des acteurs comme déterminants de la charge de travail perçue. Enfin, cela montre que les cadres ne constituent pas une catégorie tout à fait homogène en matière de charge de travail perçue.

Cependant, ce travail présente des limites qui ouvrent sur de nouvelles perspectives de recherche. Ainsi, il s’agit d’une étude de cas unique, avec un potentiel de généralisation faible. De plus, ce travail se concentre sur la charge de travail perçue et sur les déclarations des acteurs, mais donne peu d’information sur la charge de travail prescrite, ou réelle. Enfin, cette recherche ne s’intéresse pas au poids de variables individuelles telles que le genre ou l’âge sur les stratégies mises en oeuvre par les acteurs. Ce choix est dû au cadre théorique de l’analyse systémique des organisations qui suppose de considérer les individus en tant qu’acteurs, éclipsant ainsi leurs caractéristiques individuelles (Friedberg, [1993] 1997). Pourtant, comme le soulignent les travaux quantitatifs mentionnés précédemment (notamment Brousse, 2015; Sautory et Zilloniz, 2015), des variables individuelles comme le genre ou l’âge peuvent influer sur la charge de travail ou, encore, sur la perception de l’équilibre vie privée — vie professionnelle (Gordon, 2014; Beghiti-Mahut, 2015; Wils et Rhnima, 2015). Cela nous semble constituer une perspective de recherche intéressante.