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Le chômage des jeunes est un problème auquel nos sociétés occidentales sont depuis longtemps confrontées, au point qu’il est devenu une constante des systèmes économiques actuels. Ce phénomène apparaît comme le résultat d’une multitude de mécanismes économiques qui se conjuguent et se superposent. C’est la raison pour laquelle le chômage des jeunes est aujourd’hui au coeur des préoccupations des spécialistes des sciences sociales et économiques et les débats entourant son évolution, sa nature, ses causes et ses conséquences se sont multipliés, notamment au cours des deux dernières décennies.

L’objectif de cet article est de dégager les tendances qui ont marqué l’évolution du chômage des jeunes de 15 à 24 ans, au Québec et au Canada, depuis 1976, et d’offrir quelques propositions susceptibles de le caractériser. Après un bref aperçu de la situation des jeunes sur le marché du travail, nous présenterons les grandes lignes d’évolution du chômage des jeunes ainsi qu’une série de facteurs à la source de cette évolution. Nous comparerons ensuite le chômage des jeunes avec celui des adultes. Notre propos vise à montrer qu’en dépit de l’aggravation globale du chômage des jeunes, nous assistons, depuis 1976, à une amélioration relative de ses divers paramètres par rapport au chômage des adultes. Nous analyserons enfin le chômage des jeunes en fonction de la tranche d’âge, de la fréquentation scolaire et du niveau d’études. En conclusion, nous ferons quelques considérations sur les caractéristiques et les perspectives d’évolution du chômage des jeunes au Québec et au Canada.

Les jeunes et le marché du travail

Le suivi des tendances démographiques montre que la population des jeunes âgés de 15 à 24 ans a augmenté de façon massive dans les années 1960–1970, à la suite de l’effet baby-boom qui, dans l’ensemble du Canada, s’est amorcé en 1947 et s’est terminé en 1966 (Foot 1999). En 1976, la part des 15 à 24 ans dans la population de 15 ans ou plus s’élevait à 27,6 %. Trois personnes sur dix en âge de travailler (15 à 64 ans) avaient entre 15 et 24 ans. Dès le début des années 80 cependant, cette tendance s’est renversée. Le nombre de jeunes âgés de 15 à 19 ans a diminué considérablement, phénomène qui a touché également les 20 à 24 ans à partir de 1986. Depuis 1991, le nombre de jeunes s’est quelque peu redressé, mais exprimé en pourcentage de la population en âge de travailler, il est aujourd’hui nettement moins important que dans les années 70. Les données de Statistique Canada indiquent qu’en 2002, la proportion des 15 à 24 ans dans l’ensemble de la population des 15 ans ou plus était de 15,9 % au Québec et de 16,6 % au Canada (Statistique Canada 2002).

Ces tendances démographiques ont eu leur influence sur le marché du travail. La part des jeunes dans la population active a diminué parallèlement avec une modification des paramètres de leur activité. Tant au Québec qu’au Canada, les taux d’activité et d’emploi des jeunes sur le marché du travail ont enregistré une tendance à la hausse jusqu’à la fin des années 80 et une tendance à la baisse durant la plus grande partie de la décennie 1990. En 2002, dans l’ensemble de la population active, la proportion des 15 à 24 ans était de 16,1 % au Québec et de 16,6 % au Canada. Le taux d’activité des 15 à 24 ans était la même année de 66,2 % au Québec et de 66,3 % au Canada et le taux d’emploi de 57,2 % et 57,3 % respectivement (Statistique Canada 2002).

L’évolution du chômage des jeunes au Québec et au Canada

Au Québec, depuis 1976, le taux de chômage des jeunes a évolué de manière cyclique. Il a connu une hausse régulière jusqu’en 1982 (22,6 %) puis il a décliné jusqu’en 1989 (13,3 %), pour remonter de nouveau jusqu’en 1993 (18,8 %). Il a régressé ensuite jusqu’en 1995 et a de nouveau augmenté en 1997 (19,3 %). Au cours des dernières années, le taux de chômage des jeunes a diminué rapidement sur le fond d’une croissance solide des emplois pour atteindre une valeur de 13,5 % en 2002 (graphique 1). Si la vigueur de l’activité économique se maintient, ce taux pourrait reculer encore davantage. Au Canada, le taux de chômage chez les jeunes a suivi la même évolution mais les valeurs ont été moins prononcées (graphique 2). Globalement, dans les années 90, les jeunes ont été moins affectés par le chômage que dans les années 80 et ont profité, notamment dans la seconde moitié de la décennie, de la vigueur de l’économie canadienne (Langlois 2001).

Graphique 1

Taux de chômage en % selon le groupe d’âge, Québec, 1976-2002

Taux de chômage en % selon le groupe d’âge, Québec, 1976-2002
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002.

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Graphique 2

Taux de chômage en % selon le groupe d’âge, Canada, 1976-2002

Taux de chômage en % selon le groupe d’âge, Canada, 1976-2002
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002.

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Les graphiques 1 et 2 permettent de constater que, depuis 1976, au Québec et au Canada, le taux de chômage des jeunes a été constamment plus élevé que celui des adultes. Nous assistons également à un accroissement cyclique de l’écart entre les deux taux. S’il n’existe pas une réponse simple à offrir quant aux causes de l’ampleur du chômage des jeunes, la confrontation des faits et des thèses explicatives permet toutefois de dégager une série de facteurs à la source de ce phénomène.

Cette situation s’explique tout d’abord par les effets d’âge et de génération qui ont déterminé une arrivée sans précédent de jeunes sur le marché du travail au cours des années 70. Elle tient, en deuxième lieu, au contexte de la crise pétrolière qui a frappé les économies occidentales en 1975. La réforme de la loi de l’assurance-chômage de 1971 est un autre facteur qui a joué dans l’augmentation du taux de chômage des jeunes (Fortin 1984 ; Keil et Symons 1990). Le niveau de l’aide fournie et les conditions d’admissibilité prévues par cette réforme ont encouragé certains jeunes à accepter du chômage rémunéré plus souvent et plus longtemps (Kerr 1997) et ont contribué à la désincitation financière de cette catégorie de la population à la recherche effective d’un emploi. Il s’agit de ce qu’on peut appeler un « chômage de calcul » dont sont victimes les jeunes qui, par le jeu des dispositions fiscales et sociales, sont peu incités à chercher un emploi[1]. Les crises économiques de 1982 et 1992 ont eu également un impact considérable sur l’évolution à la hausse du taux de chômage des jeunes. Au Québec, elles ont entraîné la perte de 146 000 et de 105 000 emplois respectivement en 1982 et 1992 (Fortier 1999). L’émergence de l’impartition flexible[2] comme stratégie d’entreprise dans un contexte de plus en plus libéral (Mercure 2000) de même que la politique monétaire très restrictive du gouvernement fédéral (Tremblay 2000) constituent d’autres facteurs qui ont influencé les paramètres d’évolution du chômage des jeunes.

Le chômage des jeunes et le chômage des adultes

Nous avons constaté qu’au fil du temps, le taux de chômage des jeunes a été systématiquement plus élevé que celui des adultes, sous l’effet de divers facteurs structurels et des variations conjoncturelles de l’économie. L’ampleur de l’écart entre le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans et celui des adultes de 25 ans ou plus peut toutefois être relativisée. En effet, si nous analysons l’évolution de cet écart à l’aide de l’indicateur relatif du taux de chômage (IRTC)[3] nous pouvons constater que, depuis 1976, la situation relative de l’emploi des jeunes s’est, en quelque sorte, améliorée.

Tableau 1

Les indicateurs relatifs IRTC (15–24 ans et 25 ans ou plus), Québec et Canada, différentes années

Les indicateurs relatifs IRTC (15–24 ans et 25 ans ou plus), Québec et Canada, différentes années
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Données compilées par l’auteur.

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Les données du tableau 1 indiquent qu’en 1976, au Québec, le taux de chômage des 15 à 24 ans était 2,48 fois plus élevé que celui des 25 ans ou plus. Ce rapport a enregistré ensuite une diminution progressive jusqu’en 1989 alors que sa valeur n’était que de 1,51. Dans la dernière décennie, l’IRTC a eu une tendance à la hausse, atteignant 1,88 en 2000, mais à partir de cette date, il a commencé de nouveau à diminuer. Pour l’avenir, cette situation indique une évolution positive des perspectives d’emploi pour les jeunes. Au Canada, l’évolution de l’IRTC a été identique mais la diminution des écarts a été, dans certains cas, moins prononcée. Cette réduction de l’indice relatif du taux de chômage, tant au Québec qu’au Canada témoigne du fait que de 1976 jusqu’en 1990, le chômage a affecté de plus en plus les adultes et de moins en moins les jeunes. Les nouvelles dynamiques du marché du travail des années 90 et particulièrement la quête de la flexibilité tous azimuts ont renversé cette évolution. Toutefois, dans les dernières années, l’IRTC semble avoir retrouvé sa tendance à la baisse. En effet, nous pouvons en conclure une amélioration relative de la situation des jeunes au regard du chômage[4], amélioration soumise cependant à l’évolution de la conjoncture économique.

Dans ce contexte, il nous semble pertinent d’observer l’effet des taux de chômage élevés des 15–24 ans du début des années 80 sur l’avenir de cette cohorte. La position très mauvaise des 15–24 ans de 1982 s’est-elle améliorée ou leur situation précaire de ces années s’est-elle perpétuée ? Pour répondre à cette question, on peut comparer la situation des 35–44 ans d’aujourd’hui avec celle du même groupe d’âge dans les périodes antérieures. Si l’on observe l’évolution du chômage des 35–44 ans par rapport à la moyenne, on peut en déduire que la crise de 1982 continuerait d’avoir des effets négatifs sur ceux qui l’ont vécu. Les données du tableau 2 montrent qu’en 1976, au Québec, le taux de chômage des 35–44 ans était 0,64 fois plus élevé que celui des 15 ans ou plus. L’IRTC des 35–44 ans a augmenté à partir de 1980, s’est maintenu relativement stable pendant la décennie 1990 et a augmenté de nouveau dans les dernières années. On constate la même évolution pour le Canada.

Tableau 2

Les indicateurs relatifs IRTC (35–44 ans et 15 ans ou plus), Québec, Canada, différentes années

Les indicateurs relatifs IRTC (35–44 ans et 15 ans ou plus), Québec, Canada, différentes années
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Données compilées par l’auteur.

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Cette évolution semble indiquer que l’ampleur du chômage du début des années 80 a eu un effet de rémanence : pour une cohorte donnée, la situation sur le marché du travail à un certain âge influe sur les perspectives d’emploi à tout âge ultérieur. Il existe un effet à long terme de la période d’insertion. La génération de jeunes qui, au début des années 80, a subi les plus hauts taux de chômage depuis 1976, semble avoir été affectée par les mauvaises conditions d’insertion durant cette période de ralentissement économique. Il aurait été préférable d’avoir vingt ans en 1976, lorsque le taux de chômage des 15–24 ans était de 15,1 %, qu’en 1982, où ce taux culmine à 22,6 %. Cependant, il faut manier ces constats avec la plus grande des précautions. Fortin (1986) souligne qu’on ne peut pas établir une corrélation stricte entre les taux de chômage d’une même cohorte dans deux périodes différentes lorsqu’on a pris en compte l’effet de la conjoncture, de la démographie, du salaire minimum et de l’assurance-chômage. L’auteur constate également que « pour une situation donnée de caractéristiques personnelles et d’environnement économique, il n’y a pas de corrélation entre le taux de chômage à la sortie de l’école et l’intensité du chômage cinq ans plus tard » (Fortin 1986 : 200). Il faut donc relativiser la thèse de la « génération sacrifiée » (Deninger 1991) en prenant en compte « l’inscription sociale de l’âge » ainsi que les caractéristiques générale du système économique qui changent au fil du temps (Gauthier 1996).

Un constat positif relativement à la situation des jeunes sur le marché du travail ressort si l’on prend en compte la durée de la période de chômage. L’analyse des différences entre les 15–24 et les 25 ans ou plus selon la durée moyenne du chômage indique une tendance à la baisse de cet écart.

Cette évolution a été déterminée essentiellement par l’augmentation de la durée moyenne du chômage des adultes qui, au Québec, est passée de 17,8 semaines en 1976 à 28,8 semaines en 1986 et à 22,5 semaines en 2002. Pour les jeunes, au contraire, la durée moyenne du chômage a diminué progressivement, passant de 14,7 semaines en 1976 à 12,9 semaines en 1989 et à 9,9 semaines en 2002 (tableau 3). De même, dans la dernière décennie, pour le groupe d’âge des 15 à 24 ans, la proportion de chômeurs de longue durée[5] a peu augmenté, passant de 4,3 % en 1990 à 6,2 % en 2000, tandis que chez les chômeurs de 25 à 54 ans, cette proportion a augmenté de 11,7 % à 19,1 % (tableau 4).

Tableau 3

Durée moyenne du chômage en semaines, selon le groupe d’âge, Québec, différentes années

Durée moyenne du chômage en semaines, selon le groupe d’âge, Québec, différentes années
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Données compilées par l’auteur.

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Tableau 4

Proportion des chômeurs de longue durée, selon le groupe d’âge, Québec, 1990–2000

Proportion des chômeurs de longue durée, selon le groupe d’âge, Québec, 1990–2000
Source : Institut de la statistique du Québec, Portrait social du Québec. Données et analyses, Québec, 2001.

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La faible proportion de chômeurs de longue durée dans le groupe des 15–24 ans est le résultat d’un taux de rotation élevé qui caractérise le comportement de la main-d’oeuvre jeune. La très grande fréquence des mouvements des jeunes entre emploi, chômage et non-activité se traduit par une durée très brève, en moyenne, des périodes qu’ils passent dans chacune d’entre elles. La brièveté des périodes de chômage s’explique ainsi par une combinaison des deux facteurs, soit (1) un taux élevé de sortie du marché du travail et (2) la facilité avec laquelle les jeunes trouvent un nouvel emploi. Le taux de chômage élevé des jeunes par rapport à celui des adultes n’est donc pas lié à la durée nécessaire pour trouver un emploi. Elle s’explique plutôt par une plus forte probabilité pour les jeunes de tomber dans un chômage de courte durée. Si la menace du chômage est plus forte chez les jeunes, la probabilité de retrouver un emploi est également plus élevée et le risque de connaître le chômage de longue durée, en conséquence, plus faible. Selon une étude de la direction « Emploi, relations industrielles et affaires sociales » de la Commission européenne (1999), plusieurs raisons peuvent expliquer le fait que les jeunes risquent moins de connaître le chômage de longue durée que les adultes. Il s’agit, en premier lieu, du niveau de salaire qu’ils sont prêts à accepter et qui est généralement inférieur à celui des adultes. En second lieu, la mobilité professionnelle des jeunes est plus développée étant donné l’absence d’un investissement antérieur de longue durée dans une qualification particulière. En troisième lieu, les jeunes sont plus enclins que les adultes à accepter un emploi à temps partiel, ce qui augmente leurs chances de trouver un emploi. Quatrièmement, en cas de période prolongée de chômage, les jeunes ont des possibilités plus grandes que les adultes d’intégrer le système d’enseignement ou de formation.

L’analyse de l’indice de gravité du chômage (IGC)[6], depuis 1976, nous indique également que le chômage touche moins durement les jeunes âgés de 15 à 24 ans que les adultes de 25 ans ou plus.

Graphique 3

Indice de gravité du chômage chez les 15-24 ans et chez les 25 ans ou plus, Québec, 1976-2002

Indice de gravité du chômage chez les 15-24 ans et chez les 25 ans ou plus, Québec, 1976-2002
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Calculs de l’auteur.

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L’indice de gravité du chômage des jeunes a connu une baisse appréciable dans les années 80 tandis que celui des adultes a progressé continuellement et ce, même dans des périodes de reprise économique. L’IGC des adultes s’établit à un niveau supérieur à celui des jeunes à partir de 1993. Cette évolution a été déterminée notamment par une durée de chômage plus longue chez les adultes ainsi que par le fait que ceux-ci deviennent des chômeurs contre leur gré en plus grande proportion que les jeunes. Chez ces derniers, la décision de quitter volontairement un emploi est plus fréquente. Comme le graphique 3 le montre, la gravité du chômage des jeunes est aujourd’hui moins accentuée qu’auparavant et, dans les dernières années, l’évolution de son indicateur manifeste une tendance à la baisse.

Nous constatons donc qu’en dépit d’un certain désarroi intellectuel conduisant fréquemment à offrir une image sombre de la situation des jeunes par rapport à l’emploi, les résultats de leur activité sur le marché du travail sont, en fait, plus positifs qu’on tend à le rapporter. L’analyse comparative des indicateurs relatifs, de la durée et de l’indice de gravité du chômage des 15–24 ans et des 25 ans ou plus, montre que, depuis 1976, le chômage des jeunes a enregistré une amélioration relative par rapport au chômage des adultes. L’évolution de ces indicateurs dans les dernières années indique des perspectives favorables pour les jeunes et ne semble pas, du moins en partie, justifier le discours négatif entourant l’ampleur du chômage des jeunes qui sous-estime les caractéristiques particulières de l’offre de travail des jeunes et leurs capacités stratégiques d’adaptation aux transformations du marché du travail[7].

La géométrie variable du chômage des jeunes

Le chômage des jeunes est un phénomène à géométrie variable. Le groupe d’âge, la fréquentation scolaire et le niveau d’étude sont autant de facteurs qui influencent, à la fois, le niveau et la structure du chômage des jeunes.

L’analyse du chômage des jeunes selon le groupe d’âge indique une évolution différente pour les 15–19 ans et pour les 20–24 ans.

Graphique 4

Évolution du taux de chômage, des 15-19 ans et des 20-24 ans, Québec, 1976-2002

Évolution du taux de chômage, des 15-19 ans et des 20-24 ans, Québec, 1976-2002
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002.

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Le graphique 4 montre que le taux de chômage des plus jeunes (15–19 ans) a augmenté plus fortement dans les périodes de ralentissement économique. Alors que les taux de chômage des 15–19 ans et des 20–24 ans étaient à peu près les mêmes en 1988, ces taux se dispersent par la suite au détriment des plus jeunes. En 1997, le taux de chômage atteint au Québec le sommet de 26,5 % pour la tranche d’âge des 15–19 ans alors qu’il n’était que de 15,4 % pour la tranche supérieure des 20–24 ans. En 2002, le taux de chômage était de 19 % pour les 15–19 ans et de 10,4 % pour les 20–24 ans.

L’analyse de l’évolution de l’écart entre les taux de chômage des deux groupes à l’aide de l’IRTC indique une amélioration plus marquée de la situation sur le marché du travail des 15–19 ans par rapport à celle des 20–24 ans jusqu’à la fin de la décennie 1980.

Tableau 5

Les indicateurs relatifs IRTC (15–19 ans et 20–24 ans), Québec, Canada, différentes années

Les indicateurs relatifs IRTC (15–19 ans et 20–24 ans), Québec, Canada, différentes années
Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Données compilées par l’auteur.

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En 1976, au Québec, le taux de chômage des 15–19 ans était 1,39 fois plus élevé que celui des 20–24 ans. En 1990, ce rapport se situait à 1,15, pour s’accroître par la suite au cours de la décennie 1990 et atteindre 1,82 en 2002. Cette détérioration progressive de l’IRTC des 15–19 ans à partir de 1990 dans les conditions d’une croissance d’emplois peut être interprétée comme une indication des exigences élevées du marché du travail en matière de qualification et d’expérience professionnelle. Les jeunes de 15–19 ans, moins scolarisés en moyenne que les 20–24 ans, sont plus susceptibles d’être au chômage que leurs aînés, qui grâce aux études et à une plus grande expérience de travail, ont davantage de chances de trouver un emploi. À ces deux variables discriminantes en termes de chômage, à savoir le niveau de formation et l’ancienneté sur le marché du travail, s’ajoutent les caractéristiques particulières de l’activité des 15–19 ans (certains n’ont pas quitté les bancs de l’école, d’autres ont depuis longtemps déjà alterné emplois temporaires et périodes de chômage) ainsi que les modes de gestion de la main-d’oeuvre des entreprises.

Si l’on regarde l’évolution du chômage des 15–24 ans selon la fréquentation scolaire, on observe (1) que le taux de chômage des étudiants à temps plein a augmenté constamment par rapport à 1976 et (2) que les étudiants fréquentant l’école à temps plein ont généralement un taux de chômage plus bas que les étudiants à temps partiel et les non-étudiants (tableau 6).

La première situation s’explique notamment par le taux d’activité plus élevé des étudiants à temps plein dû au fait que, durant l’année scolaire, ils sont aujourd’hui beaucoup plus présents sur le marché du travail qu’ils ne l’étaient dans les années 70. La deuxième situation est la conséquence normale d’un plus faible taux d’activité des étudiants à temps plein par rapport aux autres catégories, dû à leur investissement au sein du système d’enseignement. Même si le taux d’activité des étudiants à temps plein a augmenté par rapport aux années 70, le marché du travail exerce toujours un attrait beaucoup plus grand sur les jeunes qui étudient à temps partiel et sur les non-étudiants que sur les étudiants à temps plein.

Tableau 6

Taux de chômage en % selon la fréquentation scolaire des 15–24 ans, Québec, différentes années*

Taux de chômage en % selon la fréquentation scolaire des 15–24 ans, Québec, différentes années*

* Moyenne calculée sur les huit mois de l’année scolaire.

Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Calculs de l’auteur.

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La fréquentation scolaire a par ailleurs augmenté constamment durant les années 80 et a connu une forte poussée au début des années 90. À partir de 1991, les étudiants à plein temps sont majoritaires parmi les jeunes.

Comme les données du tableau 7 l’indiquent, au Québec, en 1976, 38,6 % des jeunes de 15–24 ans étudiaient à temps plein. En 1991, cette proportion était de 52,9 % et elle a atteint un sommet de 60,9 % en 1997 pour s’établir, dans les dernières années, à une valeur voisinant les 56 %. Selon Desnoyers et Lirette (1999), la progression de la fréquentation scolaire a été particulièrement rapide chez les 20–24 ans, ce qui semble indiquer un engouement particulier pour les études postsecondaires. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette hausse de la fréquentation des établissements d’enseignement ne s’explique qu’en partie par la diminution des possibilités d’emploi sur le marché du travail. L’augmentation de la fréquentation scolaire n’est pas une réponse conjoncturelle à la dégradation des conditions d’emploi pour les jeunes puisque les fluctuations cycliques de l’économie n’ont pas eu un impact visible sur son évolution (tableau 7). Bien que son augmentation a été sensiblement plus forte en 1991, année où les conditions du marché du travail étaient les pires, elle n’a pas augmenté de façon considérable. Bowlby et Jennings (1999) ont montré, à partir de l’analyse des données sur les États-Unis, que la hausse de l’effectif scolaire est moins cyclique (influencée par le cycle économique) que structurelle et que ce sont les variations de la fréquentation scolaire qui influent sur la situation des jeunes sur le marché de l’emploi et non l’inverse. La progression de la fréquentation scolaire serait plutôt le résultat d’une forte demande d’éducation fondée sur le présupposé qu’un niveau de formation plus élevé est nécessaire pour être concurrentiel sur le marché du travail. Le désir des jeunes de hausser leur scolarité semble lié davantage aux exigences de la nouvelle économie, telles qu’ils les perçoivent, qu’aux disponibilités d’emploi. Une étude de Krahn et Lowe (1991) auprès des diplômés de l’école secondaire et d’universités du Canada montre effectivement que les raisons invoquées par les jeunes en faveur de la poursuite des études ne sont pas liées à l’absence d’emploi mais tiennent principalement à la mise en place d’une stratégie active en vue d’amorcer une carrière professionnelle. Nous sommes loin de la situation où l’offre du système éducatif constitue une alternative au chômage et l’idée encore répandue selon laquelle la fréquentation scolaire est due à une détérioration de l’emploi ne semble pas être validée par les faits.

Tableau 7

La fréquentation scolaire en % des 15–24 ans, Québec, différentes années*

La fréquentation scolaire en % des 15–24 ans, Québec, différentes années*

* Moyenne calculée sur les huit mois de l’année scolaire.

Source : Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002. Calculs de l’auteur.

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En ce qui a trait au niveau d’étude, les données du tableau 8 montrent que les jeunes sans diplôme du secondaire sont affectés par des taux plus élevés que ceux qui ont terminé leurs études avec un diplôme. Le taux de chômage des non-diplômés du secondaire était en 2002 de 22,9 % contre 11,3 % pour les diplômés. Par rapport à 1990, il s’était accru de 3,2 points alors qu’il avait reculé de 4,8 points pour les titulaires d’un diplôme. Parmi la population active des 15–24 ans, le taux de chômage des diplômés d’études post-secondaires[8] était en 2002 de 7,4 %, en diminution par rapport à 1990, alors qu’il était de 9,9 %. Par contre, les jeunes de la même catégorie d’âge ayant réalisé des études post-secondaires partielles[9] ont vu leur taux de chômage s’accroître, passant de 10,7 % en 1990 à 14,1 % en 2002.

Le taux de chômage plus élevé des jeunes non diplômés du secondaire et du collégial ainsi que des diplômés du secondaire par rapport à ceux du collégial et de l’université démontre que le Québec se caractérise par un modèle d’activité qui privilégie la main-d’oeuvre qualifiée au détriment des jeunes sans diplôme ou moins scolarisés. Cependant, divers secteurs de l’économie offrent des débouchés pour les jeunes faiblement scolarisés. L’analyse du taux d’emploi selon le niveau d’étude au Québec (Vultur, Trottier et Gauthier 2002) montre qu’une proportion non négligeable de jeunes sans diplôme parviennent à s’insérer avec succès sur le marché du travail. En 2000, par exemple, près d’un emploi sur cinq (18,6 %) était occupé par une personne n’ayant pas terminé son secondaire, et le quart des emplois était occupé par des personnes ayant réussi leur secondaire (17,6 %) ou entrepris des études postsecondaires partielles (8,2 %). Notons également que, selon une recherche réalisée par Bruce et Dulipovici (2001) pour le compte de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, dans les PME, les candidats les plus difficiles à recruter sont ceux destinés aux postes qui requièrent un faible niveau de scolarité ou d’expérience. Les auteurs constatent que 28,3 % des dirigeants des PME pensent que les candidats ayant une instruction de niveau secondaire ou inférieure sont les plus difficiles à trouver[10]. Ces données contrastent avec l’image que l’on se fait souvent d’un marché du travail dominé par les plus scolarisés et infirment la thèse largement répandue selon laquelle l’évolution vers la société postindustrielle entraînerait une diminution des emplois d’exécution au profit de professions requérant un dégrée élevé de savoir et d’information.

Tableau 8

Taux de chômage en % chez les jeunes de 15 à 24 ans selon le niveau de scolarité, Québec, 1990–2002

Taux de chômage en % chez les jeunes de 15 à 24 ans selon le niveau de scolarité, Québec, 1990–2002
Source: Statistique Canada, Revue chronologique de la population active, 2002.

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Par ailleurs, diverses études (Helliwell 2000 ; Krueger 2002) montrent que pour une personne atteignant un niveau de scolarité donné, le risque de chômage diminue ou reste stable si le niveau d’éducation moyen de la société environnante s’élève. « In Canada and the average OECD country, a male with tertiary education is likely to spend 1.8 fewer years in unemployment than someone who has not completed high school » (Helliwell 2000 : 33). Cependant, les données statistiques indiquent qu’au Québec, le chômage des diplômés a évolué à la baisse dans des proportions assez réduites et que, dans certains cas, il a même augmenté. De 1990 à 2002, le taux de chômage des détenteurs d’un grade universitaire de la catégorie des 15-24 ans est passé de 7,1 % à 8,4 % et celui des titulaires d’un baccalauréat, de 7,3 % à 8,9 %. En ce qui concerne les modalités d’accès à l’emploi, des évolutions analogues sont enregistrées au Québec par les recherches de Trottier, Laforce et Cloutier (1996) qui constatent que l’accès des diplômés à un emploi stable se fait de plus en plus de manière indirecte. La fragilisation des emplois de qualification élevée mesurée par le taux de chômage, le recours à l’intérim et à des contrats à durée déterminée est certes moins forte que la précarisation des emplois peu qualifiés, mais elle signale une érosion de l’invulnérabilité offerte jadis par les diplômes. Un niveau élevé de scolarité ne suffit pas, à lui seul, à garantir une bonne intégration en emploi et la relation négative entre niveau de formation et risque du chômage est moins nette pour les jeunes d’aujourd’hui que pour les générations précédentes. La prolongation de la scolarité ne protège plus les jeunes contre le chômage et les atouts liés à la détention du diplôme sont de moins en moins solides (Gamel 2000). Dans ces conditions, la course au diplôme, justifiée par la supposition que le capital scolaire est une protection contre le chômage induit des tensions sur le système de formation et provoque un effet de déclassement à l’embauche (un jeune devient surdiplômé par rapport au niveau de formation requis pour l’emploi occupé). Cette situation se répercute sur le plan de l’appréciation des compétences, où la production accrue de titres et l’hétérogénéité des diplômes au sein de chaque niveau de formation a réduit la confiance que les différents acteurs économiques portent dans le système de certifications scolaires (Dupray 2000). Si les diplômes ont pendant de longues années constitués des référentiels d’appréciation bien établis, la période actuelle est marquée par une remise en cause de ces références (Eymard-Duvernay et Marchal 1997). La flexibilité de l’économie et l’ouverture de plus en plus forte à la négociation ont favorisé l’émergence de modes d’évaluation diversifiés. Toutes les entreprises ne sont pas amenées à rechercher les jeunes les plus diplômés. Il existe un marché pour les jeunes moins scolarisés où l’acculturation à l’entreprise a plus de poids que la teneur des diplômes (Trottier, Vultur et Gauthier 2003).

Ces constats ne manquent pas de susciter des interrogations quant à la pertinence du diplôme pour l’accès à certaines catégories d’emploi. « La relation entre la scolarisation et la montée des taux de chômage remet en question la valeur actuelle des diplômes. Dans une population de plus en plus scolarisée, les diplômes perdent de leur valeur et la compétition pour obtenir un emploi s’exerce en conséquence sur d’autres plans » (Gauthier 1997 : 275). Dans certains cas, le diplôme est de plus en plus nécessaire et de moins en moins suffisant et, dans d’autres, il est en train de perdre sa fonction d’élément d’intégration stable en emploi. L’expérience professionnelle, les compétences acquises en dehors du système éducatif et les caractéristiques individuelles des jeunes semblent relativiser la valeur du diplôme et du niveau de scolarité atteint, les capacités nécessaires à l’exercice de l’emploi n’étant pas uniquement l’apanage de la formation scolaire. La qualification apparaît aujourd’hui comme un processus social d’articulation entre plusieurs dimensions dont la formation scolaire n’est qu’un élément.

Discussion

Nous avons d’abord présenté les grandes lignes d’évolution du chômage des jeunes au Québec et au Canada, depuis 1976, et dégagé une série de facteurs à la source de cette évolution. Nous avons comparé, en deuxième lieu, le chômage des jeunes avec celui des adultes. L’analyse comparative des indicateurs relatifs, de la durée et de l’indice de gravité du chômage des 15–24 ans et des 25 ans ou plus, depuis 1976, nous a montré qu’en dépit du fait que les taux de chômage des jeunes ont été systématiquement plus élevés et plus dépendants des fluctuations de l’économie, la situation des jeunes au regard du chômage a enregistré une amélioration par rapport à celle des adultes. Enfin, nous avons mis en évidence les variations du chômage en fonction de la tranche d’âge, de la fréquentation scolaire et du niveau d’étude.

Cet exercice d’évaluation comparative du chômage des jeunes nous permet de dégager quelques constatations. En premier lieu, le chômage des jeunes est un chômage de courte durée, le plus souvent une constituante de la trajectoire d’insertion[11]. Il a souvent un caractère frictionnel étant lié à la période entre deux emplois et apparaît, dans ce cas, comme le résultat des mouvements de la structure de l’emploi. Dans l’ensemble, nous sommes aujourd’hui loin de la situation dans laquelle les jeunes sortent du système d’éducation et s’insèrent rapidement et de manière stable sur le marché du travail. Les parcours se composent de micro-périodes au cours desquelles les jeunes sont soit inactifs, soit en formation, soit au chômage. Dans les conditions où « la transition école-travail semble être bien plus un processus qu’un événement portant une date précise » (Finnie 2001 : 41), la récurrence du chômage à travers la multiplication des expériences professionnelles ne constitue plus un élément de stigmatisation ou d’exclusion des jeunes du marché du travail. Par contre, si l’on met l’accent sur la valeur de la recherche de l’emploi, les allées et venues sur le marché du travail peuvent être bénéfiques pour les jeunes. Dans les conditions où le marché du travail des jeunes se caractérise par des insuffisances d’information aussi bien du côté des employeurs que du côté des demandeurs d’emploi, une période de recherche de travail pourrait constituer un investissement productif. Il faut noter cependant que les avis divergent quant aux conséquences du taux de rotation élevé générateur d’un chômage de courte durée pour les jeunes. La théorie du capital humain souligne ainsi les avantages d’un investissement précoce dans une formation et une expérience professionnelle continues. Si un individu n’effectue pas cet investissement au cours de sa jeunesse du fait qu’il multiplie les périodes de chômage, ses gains en seront réduits tout au long de sa vie. De leur côté, les théories de la segmentation du marché du travail insistent sur les effets négatifs que produisent les périodes de chômage et d’inactivité qui font perdre aux jeunes les habitudes de travail et les relèguent vers le marché d’emploi secondaire. Il ne faut pas toutefois perdre de vue que les conséquences du chômage dépendent aussi de la mesure dans laquelle les comportements des jeunes par rapport au marché du travail sont volontaires ou involontaires. Les périodes de chômage de courte durée et d’inactivité peuvent aussi bien correspondre à une consommation de loisirs ou d’expériences de vie considérées comme des préludes à une installation définitive dans la vie professionnelle qu’à l’absence d’emploi. Le lien entre le chômage et la trajectoire d’insertion professionnelle des jeunes n’apparaît ni massif, ni régulier et il ne semble pas y avoir un rapport direct à long terme entre le chômage de courte durée pendant les études ou à la sortie de l’école et la réussite socioprofessionnelle. Des études américaines (Ellowood 1982) ont d’ailleurs démontré qu’à niveau de scolarité, de rendement académique et d’autres caractéristiques individuelles identiques, le chômage de courte durée n’entraîne pas en lui-même des effets négatifs sur le parcours socioprofessionnel des jeunes dans les années qui suivent. C’est seulement le retard encouru dans l’acquisition de qualifications et d’expérience à la suite d’un chômage prolongé qui peut abaisser sensiblement la réussite socioprofessionnelle et le profil de carrière d’un jeune.

En deuxième lieu, le chômage structurel (la partie du chômage qui ne se résorbe pas d’elle-même en période de reprise économique) affecte également les jeunes, notamment à travers l’inadéquation entre les qualifications offertes et celles demandées par le système économique. Ce type de chômage résulte d’un processus que Schumpeter (1972) a appelé « destruction créatrice » qui modifie avec de plus en plus d’intensité le marché des compétences et rend problématique leur adaptation aux nouvelles réalités de l’économie contemporaine. Cette situation interpelle, en premier lieu, les institutions d’enseignement qui contribuent de façon déterminante à la formation des jeunes et à leur intégration dans la société. Le Québec se trouve actuellement dans une période de redéfinition des finalités de l’éducation et des orientations des programmes de la formation de la main-d’oeuvre, l’enjeu principal consistant à réformer le système d’éducation pour qu’il soit plus efficace dans son arrimage avec les exigences du marché du travail (Saint-Pierre 2000). De nombreux acteurs économiques misent sur l’école pour outiller les jeunes avec les compétences et les aptitudes nécessaires pour faire face aux nouvelles exigences du marché du travail d’autant plus que les mesures politiques appliquées notamment en Europe, telles que la réduction du temps de travail, l’abaissement de l’âge de la retraite ou les réglementations protectrices de l’emploi n’ont pas prouvé leur efficacité comme réponses réfléchies au problème du chômage des jeunes[12]. Éviter une situation où coïncident chômage et manque de main-d’oeuvre, dans certains secteurs, constitue une tâche importante du système de formation scolaire et professionnelle.

Pour palier l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail et atténuer les conséquences négatives du chômage pour les jeunes, tant au Québec qu’au Canada, des politiques d’insertion en emploi ont été mises en place afin de modifier les paramètres de l’offre de travail en fonction de l’évolution du marché et à transformer le comportement des entreprises en matière d’embauche et de formation. Ces politiques se manifestent soit sous la forme de programmes de perfectionnement des compétences et des qualifications des jeunes, soit sous celle d’incitations fiscales pour réduire le coût de la main-d’oeuvre jeune de façon à stimuler la demande de travail des entreprises. Tant le programme fédéral de création d’emplois adopté en 1985 que la réforme de l’aide sociale du gouvernement du Québec sont axés sur la réintégration des jeunes par le biais des programmes de formation et d’aide à l’employabilité. Ces programmes visent le développement des capacités professionnelles et des aptitudes sociales des jeunes ainsi qu’un accès plus facile à des stages en milieu de travail. Le développement de l’employabilité et de la formation est également un processus à l’oeuvre dans le secteur communautaire et privé[13]. Cependant, si les imperfections du marché du travail tendent à justifier l’intervention des diverses instances publiques et privées dans le but de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’en focalisant trop sur le chômage des jeunes, on risque d’oublier les autres types de chômage, notamment celui des 55 ans ou plus et le chômage de longue durée, lesquels s’avèrent parfois plus dramatiques. Malgré les apparences, il ne semble pas exister aujourd’hui une marginalisation économique des jeunes au profit des adultes actifs et des retraités. Nous nous trouvons plutôt devant un double mouvement consistant à retarder en amont la stabilisation des jeunes sur le marché du travail et à accélérer en aval la sortie des 55 ans ou plus par le biais de la mise à la retraite progressive et anticipée ou des licenciements. Les 55 ans ou plus sont ainsi beaucoup plus frappés par le chômage de longue durée, tandis que les jeunes finissent par accéder au monde du travail même s’ils le font plus tard que les générations précédentes. À notre avis, cette situation ne confirme pas la thèse selon laquelle « la concentration de la hausse du chômage parmi les jeunes plutôt que parmi les adultes entretient et accentue le conflit entre générations » (Fortin 1984 : 431). Il nous semble plutôt que nous avons affaire à une esquive du conflit des âges puisque chaque classe d’âge prend sa part des dysfonctionnements du marché du travail. Les jeunes attendent plus longtemps pour se stabiliser en emploi et acquérir leur autonomie mais ils bénéficient de diverses formes d’encadrement (famille, monde scolaire, programmes d’aide à l’insertion professionnelle). Les adultes, à leur tour, subissent d’une part une hyper-activation de leur vie professionnelle combinée avec une augmentation de la charge nécessaire pour soutenir les inactifs et, d’autre part, les aléas de l’impartition flexible. L’expérimentation par les jeunes des statuts intermédiaires s’étend aux classes d’âge supérieures et préfigurent une transformation du rapport de l’ensemble de la population active avec le marché du travail. Les relations entre les clases d’âge n’opposent donc pas un ensemble homogène de jeunes aux adultes mais des situations différentes et hétérogènes dont chacun de ces groupes tirent des avantages et des inconvénients.

Le chômage des jeunes correspond actuellement à une phase de mutation de l’économie, orientée vers la mondialisation généralisée des échanges et des investissements ainsi que vers l’accélération de l’innovation dans tous les domaines. Dans ce contexte, selon les prévisions des économistes (Grenier 2000), le Québec et le Canada connaîtront dans les prochaines années une croissance économique qui devrait assurer une création d’emplois de 1,7 % par année, soit plus de trois fois le taux de croissance de la population d’âge actif. Ce rythme de création d’emplois, conjugué à une désaffectation importante de certains secteurs du marché du travail des baby-boomers pourrait se traduire dans une diminution importante du taux de chômage des jeunes. L’accélération du progrès technique aura également des effets positifs sur le chômage des jeunes au détriment de celui des adultes. Ce phénomène tendra à accroître le taux de destruction des emplois anciens, augmentant ainsi le chômage des adultes et favorisera la création d’emplois nouveaux qui visent notamment le segment de la population jeune.

Bien que ces perspectives tendent à montrer que les jeunes seront moins nombreux à subir le chômage dans les années à venir, on ne peut pas espérer la disparition ou la résolution définitive du problème. L’amélioration de l’intégration des jeunes sur le marché du travail et la réduction de leur taux de chômage supposent des interventions dans plusieurs domaines et à plusieurs niveaux, qu’il convient de combiner et d’adapter aux caractéristiques de l’offre de travail de ce segment de la population. Une meilleure considération de la situation très différente des groupes de jeunes sur le marché du travail permettra de rendre plus efficaces les politiques actives de lutte contre le chômage. Il importe ainsi de prendre en considération l’ensemble des variables individuelles, scolaires ainsi que celles liées à la dynamique du marché du travail qui influencent l’insertion professionnelle des jeunes. De même, afin d’améliorer les liens entre la formation et le monde du travail, la diversification des parcours de qualifications scolaires et des possibilités de retour aux études doit être complétée par des mesures visant la promotion de méthodes de validation et de reconnaissance des compétences acquises hors du système régulier d’éducation. La mise en oeuvre de ces mesures implique l’ensemble des acteurs du système économique et de l’éducation et suppose qu’ils coopèrent en vue de combiner des expertises et des ressources qui sont complémentaires.