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Santé et sécurité et transformation du travail : réflexions et recherches sur le risque professionnel sous la direction de Denis Harrisson et Camille Legendre, Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec, 2002, 261 p., ISBN 2-7605-1161-8.[Notice]

  • Geneviève Baril-Gingras

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  • Geneviève Baril-Gingras
    Université Laval

Le vieillissement de la population au travail et la montée de l’absentéisme ramènent à l’avant-plan certaines préoccupations pour la santé et la sécurité du travail (SST), montrant les limites et les effets pervers des stratégies des entreprises ayant misé sur la gestion de l’indemnisation pour en réduire les coûts, sans consentir les efforts nécessaires à la prévention. De plus, les risques industriels « classiques » ne sont pas disparus et les troubles musculo-squelettiques, la violence, de même que les problèmes de santé psychologique reliés au travail ne peuvent plus aujourd’hui être balayés sous le tapis. L’ouvrage dirigé par Denis Harrisson et Camille Legendre situe la problématique du risque professionnel dans le contexte des transformations du travail. Il faut saluer cette initiative qui, en regroupant les contributions de chercheurs québécois ayant en commun l’appartenance au monde des sciences humaines, rend accessible des travaux dont certains ne l’étaient autrement qu’à travers des actes de congrès ou des rapports de recherche. Le tout atteste de l’importance de la recherche en SST au Québec, de même que de son caractère original, à la croisée entre une tradition anglo-saxonne et des approches dont les origines proviennent plutôt de la France, comme pour la psychodynamique du travail. Un premier groupe de textes traite des facteurs sociaux et organisationnels structurant la SST. Celui signé par Lucie Laflamme est à la fois une revue de questions magistrale et une contribution théorique importante : il s’agit de comprendre le fondement des différences dans la distribution sociale des risques pour la SST, alors que ces écarts ont survécu à bien des « progrès » et que « les blessures par accidents ou intentionnelles représentent la cause de mortalité ayant le plus fort gradient social (soit la progression d’une classe sociale à l’autre) et la plus forte association avec la position sociale » (p. 28). L’auteure passe en revue les explications individuelles et contextuelles, et propose un modèle intégrant tant l’exposition aux risques que la position sociale, à l’échelle individuelle, que le contexte social, à l’échelle collective. Elle propose deux réflexions : l’une porte sur les défis méthodologiques de ce type d’étude, soit les risques de sophisme (attribuer les caractéristiques d’un groupe à un individu, ou l’inverse) et de simplification injustifiée de mécanismes sociaux complexes ; l’autre concerne les enjeux propres à la mesure de la position et du contexte socioéconomiques. Quatre autres contributions examinent les pratiques organisationnelles qui peuvent expliquer la production des lésions professionnelles. Michel Grant explore la relation entre un mode de gestion (l’orientation qualité) et la SST dans l’industrie de la construction. Les résultats renforcent la thèse générale qui se dégage de l’ouvrage, à savoir que la santé et la sécurité au travail sont largement le produit de choix organisationnels, plutôt que d’abord des problèmes techniques. C’est également ce qui ressort des études signées par Camille Legendre et Denis Harrisson, de même que par Normand Laplante. Les premiers établissent une relation entre le mode de gestion des changements technologiques et organisationnels et la performance en SST. Normand Laplante, s’appuyant sur une enquête dans des entreprises du secteur du textile, relie la performance en SST (mesurée par les lésions, y compris celles qui ne génèrent pas d’absence, donnant lieu à une assignation temporaire du travailleur) au mode de gestion de la SST (traditionnel ou moderne) et à l’intégration de la SST aux changements organisationnels qui traversent ce secteur. Dans le même sens, en s’appuyant sur la psychodynamique du travail, Jean-Pierre Dupuis illustre avec brio l’intérêt des études de cas en profondeur, ici pour comprendre l’influence de l’organisation du travail (la sous-traitance) sur les risques et sur les stratégies …