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Le syndicalisme québécois : deux siècles d’histoire par Jacques Rouillard, Montréal : Boréal, 2004, 329 pages, ISBN 2-76046-0307-X.[Notice]

  • Jean-Marc Piotte

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  • Jean-Marc Piotte
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Cet ouvrage n’est pas fondamentalement nouveau. Il reprend Histoire du syndicalisme québécois, publié en 1989, qu’il complète par un chapitre sur la période récente (1985-2003) et par une section fort éclairante ajoutée à chaque chapitre, hormis le premier, sur les résultats des négociations. L’ouvrage est découpé selon un ordre chronologique : 1818-1900, 1900-1940, 1940-1960, 1960-1985 et 1985-2003. Chaque chapitre comprend essentiellement trois sections : l’historique des principaux regroupements syndicaux; les rapports entretenus avec les gouvernements (remarquons que les deux derniers chapitres distinguent les rapports avec l’État provincial de ceux avec l’État fédéral : cette distinction est d’autant plus importante que les forces syndicales, comme beaucoup d’acteurs sociaux au Québec, ont tendance à minimiser les rapports avec ce dernier comme si elles vivaient déjà dans un Québec indépendant…); une analyse des activités de grève complétée maintenant par le résultat des négociations. Enfin, le dernier chapitre aborde le secteur des syndicats indépendants qui était ignoré dans les chapitres précédents. Je m’en tiendrai ici au chapitre nouveau qui aborde les deux dernières décennies marquées par l’affaiblissement du mouvement syndical. La récession économique de 1981-1982, amplifiée par les politiques monétaires américaines et canadiennes visant à juguler l’inflation, propulse le taux de chômage au Québec en 1982 à près de 14 %. Même si le chômage diminue par la suite, les centrales syndicales, dans le sillon tracé par la FTQ, tendent alors à privilégier une politique de l’emploi par rapport à une politique visant à améliorer les conditions de travail, les avantages sociaux et les salaires de leurs membres. La main-d’oeuvre se transforme, elle aussi, durant cette période. D’une part, les emplois à plein temps sont de plus en plus remplacés par des emplois atypiques difficilement syndicables (près de 17 % de travail à temps partiel, intérimaire ou autonome en 1976 pour un peu plus de 31 % en 2001). D’autre part, même si les femmes se retrouvent plus souvent parmi les emplois atypiques, leur taux d’emploi augmente (près de 35 % en 1981 à près de 47 % en 2000), ce qui entraîne des luttes pour l’équité sur le marché du travail. De plus, les politiques néolibérales, qui visent, en sabrant ce qui est perçu comme des rigidités, à adapter les entreprises au marché mondial dérégulé et qui cherchent à réduire l’État au profit de l’entreprise privée, placent les centrales syndicales sur la défensive et les orientent vers la concertation. Jacques Rouillard fait remarquer, avec raison, que la CSD est la première centrale syndicale à prôner la concertation au sein de l’entreprise, suite d’ailleurs à un séminaire qu’avait suivi son président Jean-Paul Hétu en Californie. Cette politique sera sévèrement évaluée dès le congrès de 1985, même si elle continuera d’être pratiquée avec des hauts et des bas par la suite. L’auteur affirme que les centrales syndicales prendraient de plus en plus de distance par rapport à une politique de concertation, mais il ne le démontre pas, d’autant plus qu’il ne distingue pas la concertation avec le gouvernement, à laquelle les centrales aspirent toujours, de la participation au sein de l’entreprise à laquelle elles ne vouent plus le culte pratiqué jadis par la CSD et la CSN. Enfin, le Sommet des peuples en Amérique tenu à Québec en 2001, auquel participe la CSD, marquerait la fin de l’isolement de la CSD dont la pratique et les positions la distinguent de moins en moins de ses rivales. En 1994, le gouvernement modifie le Code du travail, en rendant possible les conventions collectives de plus de trois ans, de sorte qu’en 1999 plus de 42 % des conventions collectives le sont. L’auteur mentionne que la CSN …