RecensionsBook Reviews

Le travail dans l’histoire de la pensée occidentale sous la direction de Daniel Mercure et Jan Spurk, Québec : Les Presses de l’Université Laval, 2003, 310 pages, ISBN 2-7637-7943-3.[Notice]

  • François Vatin

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  • François Vatin
    Université Paris X

Cet ouvrage se compose d’un ensemble de onze études introduites par un exposé synthétique des coordinateurs. À l’exception de deux textes portant respectivement sur la philosophie grecque et sur les différents courants de la Réforme protestante, chaque étude est consacrée à un auteur en particulier. L’ouvrage se compose de trois grandes rubriques : « Philosophie et théologie » (la philosophie grecque, Saint-Augustin, la Réforme, Hegel) ; « L’économie politique et sa critique » (Smith, Saint-Simon, Proudhon, Marx) ; « La sociologie » (Durkheim, Weber, Habermas). Un tel choix d’auteurs et une telle construction du livre peut bien sûr prêter le flan à la critique. Hegel, avant Marx, discute l’économie politique, et, réciproquement, Marx est, au même titre qu’Hegel, un philosophe. Sur la voie qui mène de Saint-Simon à Durkheim, Comte fait défaut, mais aussi par exemple Espinas. Pourquoi Smith seul parmi les économistes « orthodoxes » et pas, par exemple, Say ou Jevons ? Pourquoi Saint-Augustin et pas Saint-Thomas ? Pourquoi Proudhon et non Fourier ou Leroux ? Habermas et non Arendt ? Pourquoi pas Halbwachs ou Simiand ? Pourquoi surtout s’arrêter au seuil de la sociologie du travail et ne pas évoquer, par exemple, les oeuvres fondatrices de Friedmann et de Naville, mais aussi celle de Lewis Mumford ? Mais ce ne sont là que quelques exemples parmi de nombreux autres possibles, ce qui fait d’emblée tomber la critique. Car tout autre choix aurait pu être soumis à des remarques similaires. Respecter, même partiellement, le titre de l’ouvrage (qui pourtant prend la précaution de limiter le propos à la pensée « occidentale ») aurait nécessité la réalisation d’une véritable encyclopédie. L’approche ne pouvait donc être que partielle, comme une série de sondages dans un terrain trop vaste pour faire l’objet d’une investigation exhaustive. Saluons plutôt à cet égard le travail fait par les contributeurs et les éditeurs pour respecter les règles du jeu d’un ouvrage collectif : les textes sont d’un volume comparable, chacun répond à la question posée : « le travail chez… » et fait la pédagogie de l’auteur ou du groupe d’auteurs qu’il traite (À l’exception du texte de Jean-Marie Vincent sur Habermas qui constitue plutôt une défense de Marx contre les critiques d’Habermas et qui n’est d’ailleurs pas à proprement centré sur la notion de travail.). Soulignons aussi la complémentarité des compétences réunies : les contributeurs sont historiens, sociologues, philosophes, mais aussi Allemands, Français et Québécois. Un des mérites non négligeables à cet égard de cet ouvrage est d’offrir au lecteur francophone des commentaires de Hegel, de Marx et de Weber par des spécialistes qui ont accès aux textes originaux. Ainsi Hans-Peter Müller alimente son analyse des notions de travail et de profession chez Weber par l’étude des textes plus sociographiques de cet auteur sur la paysannerie d’Allemagne orientale ou sur la psychophysique du travail industriel, qui sont malheureusement encore indisponibles en français. Jan Spurk de son côté souligne la difficulté qu’il y a encore aujourd’hui à accéder à l’oeuvre complète de Marx, même en allemand et a fortiori en français (Soulignons toutefois le paradoxe qu’il y a à cet égard à citer en allemand la Philosophie de la misère, ce pamphlet contre Proudhon que Marx a écrit directement en français.). Qui en a eu l’expérience sait à quel point la réalisation d’un ouvrage collectif est semée d’embûches. À cet égard, on ne saurait trop souligner la réussite méritoire de la présente entreprise. Toutefois, dans sa conception même, cet ouvrage laisse un peu interrogatif. On se demande en effet la nature du public escompté. Comme on l’a vu, la liste des auteurs traités se …