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Travail, organisation et santé : le défi de la productivité dans le respect des personnes par Alain Vinet, Québec : Les Presses de l’Université Laval, 2004, 384 pages, ISBN 2-7637-8073-3.[Notice]

  • Denis Morin

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  • Denis Morin
    Université du Québec à Montréal

Nous observons depuis la dernière décennie que la demande de temps et la demande d’énergie dévolues au travail augmentent sans cesse. Les pressions nouvelles exercées par le travail dans la vie quotidienne se traduisent par des expressions comme « intensification du travail », « responsabilisation des employés », « engagement organisationnel » et « comportements discrétionnaires » (organizational citizenship behaviours). À l’aide de nombreuses mises en situation, l’auteur analyse l’évolution récente de l’organisation du travail et constate que certaines exigences des employeurs dépassent les capacités d’adaptation des salariés. Il signale les impacts d’une dérive dans le fonctionnement des organisations et dans la structuration des rapports sociaux. Tandis qu’il subsiste des bons milieux de travail ainsi que des employeurs renommés pour les qualités humaines de leur gestion, force est de constater que dans la majorité des cas, les pratiques actuelles de gestion ont une incidence négative sur la qualité de vie et le bien- être des salariés. Les problèmes de santé au travail, notamment de santé mentale, qui se manifestent sous la forme de dépression, d’épuisement professionnel, de détresse psychologique et d’absences pour maladie témoignent d’une crise réelle dans la relation entre la personne et son travail. Les coûts élevés des problèmes de santé au travail doivent inciter les acteurs sociaux à réviser l’organisation du travail et à valoriser la responsabilité sociale de l’entreprise de manière à infléchir cette évolution néfaste des milieux de travail. La première partie du volume est composée de trois chapitres. Elle explique les vecteurs de changements organisationnels qui ont produit un envahissement de la vie par le travail. Les salariés ont de moins en moins l’impression de profiter d’un enrichissement collectif tandis qu’ils partagent le sentiment de travailler toujours plus fort pour tenter de maintenir leur position sociale et leur pouvoir d’achat. Le chapitre 1 est dédié à l’organisation du travail, à la compréhension des enjeux et des règles qui la gouvernent, à la description des crises qui l’ont ébranlé et de certaines innovations qui permettent de tirer le maximum de chaque heure travaillée. L’auteur insiste sur les questions touchant la division et l’intensification du travail, le contrôle des travailleurs et la bonne exécution des tâches. En matière d’organisation du travail, le rapport de force entre les acteurs sociaux est inégal. Les entreprises sont bousculées par la concurrence, poussées par l’avidité des actionnaires et préoccupées par l’incertitude de leur survie. Par conséquent, elles accroissent leurs exigences en matière de normes de rendement et exercent une pression soutenue sur les salariés sans rien offrir d’autre en retour que des réductions d’effectifs, des restructurations brutales et des rumeurs de vente, d’acquisition ou de fermeture. Les entreprises s’engagent dans une démarche de flexibilité qui ne comporte aucune garantie quant à l’emploi des salariés. Le second chapitre aborde le fonctionnement des organisations, touche les relations entre les acteurs sociaux, les transformations organisationnelles et les exigences nouvelles des employeurs envers les salariés. Le développement technologique et les perturbations économiques ont déséquilibré les rapports sociaux et donné un avantage indéniable aux employeurs au moyen d’un resserrement des contrôles auprès des salariés. Alain Vinet souligne avec beaucoup de justesse que les organisations en mal de flexibilité ont réussi à transférer leur souci de performance à leurs employés et à obtenir de ceux-ci un engagement personnel à poursuivre la mission corporative. Conscient de la fragilité financière de son employeur, le salarié est dédié à la réussite de l’entreprise au point d’accepter de ne pas compter ses heures ou de ne pas trop mesurer ses efforts afin de préserver son emploi. Cet engagement organisationnel n’est pas obtenu grâce à une amélioration des conditions …