Corps de l’article

L’ouvrage intitulé Human Resource Management : A Critical Approach est le fruit de la collaboration de vingt-quatre professeurs-chercheurs intéressés par la gestion des ressources humaines (GRH). Alors que plusieurs des auteurs travaillent pour des établissements universitaires situés au Royaume-Uni, d’autres proviennent de Hollande, de Hongrie et d’Autriche. De façon un peu surprenante, aucun des auteurs ayant participé à cet ouvrage ne provient des États-Unis, endroit pourtant reconnu comme l’un des bastions les plus importants de la recherche en gestion des ressources humaines.

Comme son titre l’indique, cet ouvrage cherche à dresser un portrait critique de la GRH en analysant les différentes théories à la base de ce champ d’étude puis à répondre à quelques-unes des plus importantes questions auxquelles chercheurs et praticiens se trouvent confrontés depuis une vingtaine d’années. L’ambition de Collings et de Wood, les deux éditeurs de l’ouvrage, est plutôt grande. Comme ils l’écrivent eux-mêmes dans le chapitre d’introduction, leur ouvrage se veut dans la tradition des contributions désormais classiques de Legge (1995) et de Storey (2007). Malheureusement, si l’ouvrage est globalement intéressant, il lui manque plusieurs choses qui en auraient fait, autrement, une pièce réellement incontournable. Avant d’examiner plus en détail les points forts et faibles de cette publication, examinons sans plus tarder sa structure générale et les différents chapitres qui la composent.

Au total, l’ouvrage édité par Collings et Wood comprend un chapitre d’introduction puis seize chapitres de contenu regroupés sous trois rubriques : The context of HRM; The practice of HRM; The international context of HRM. Le chapitre introductif, écrit par les deux éditeurs, vise à présenter la pertinence de l’ouvrage et à expliquer son intention qui est de fournir aux étudiants gradués une vue d’ensemble critique des principaux enjeux entourant la gestion des ressources humaines, aussi bien dans une perspective théorique que dans une perspective pratique. Après une section très intéressante consacrée aux diverses définitions et approches de la GRH, les auteurs expliquent comment la GRH en est venue à occuper autant de place dans les discours sur la gestion des organisations et ils se demandent si le phénomène ne serait pas essentiellement américain. Après quelques lignes pendant lesquelles les éditeurs s’interrogent sur la crédibilité des praticiens de la GRH, ils exposent les fondements théoriques qui permettent alors de distinguer GRH et relations industrielles.

Les sept chapitres composant la première partie de l’ouvrage portent pour noms : HRM in changing organizational contexts; Strategic HRM : a critical review; HRM and organizational performance; HRM : an ethical perspective; Organizational outsourcing and the implications for HRM; The socio-cultural aspects of knowledge management and the links to HRM: a critical perspective et, finalement, HRM in small and medium-sized enterprises (SMEs). Comme on peut le constater, chacun de ces chapitres pose une question importante pour les praticiens et chercheurs préoccupés par la GRH. Si dans la plupart des cas ces chapitres sont généralement bien écrits et qu’ils reposent sur des recherches empiriques très récentes menées par des spécialistes, force est d’admettre que les liens tissés entre chacun d’eux sont plutôt tenus et difficiles à percevoir. Par moment, en plus, on a la désagréable impression de relire quelque chose dite auparavant dans un autre chapitre par un autre groupe d’auteurs.

La deuxième partie de l’ouvrage se compose quant à elle des six chapitres suivants : Recruitment and selection; HR planning : institutions, strategy, tools and techniques; Performance management; Reward management; Human resource development et, enfin, Industrial relations and human resource management. Alors que la première partie de l’ouvrage s’intéressait à certaines des grandes questions de l’heure dans le domaine de la GRH, cette deuxième partie se concentre sur quelques-unes des pratiques les plus importantes. À l’intérieur de chacun de ces chapitres les auteurs prennent la peine de définir la pratique en question, de mettre en évidence les résultats des plus récentes recherches empiriques la concernant et enfin, de situer quelques-uns des enjeux les plus importants.

De façon générale, ces divers chapitres sont intéressants et ils font convenablement le tour de la matière à l’étude. Ceci dit, de par leur présentation et les propos tenus par certains des auteurs, nous avons parfois l’impression d’être confrontés à un manuel de base et non à un ouvrage destiné à un public composé d’experts à la recherche de débats intellectuels en profondeur alimentés par de multiples résultats de recherches récentes.

La troisième partie de l’ouvrage édité par Collings et Wood comprend pour sa part trois chapitres : Human resource management in emerging markets; Comparative HRM : the debates and the evidence et, enfin, International human resource management. Cette troisième partie, curieusement, reprend un peu la structure générale de la première partie du livre en mettant l’accent sur l’environnement dans lequel prend place la GRH. Force est d’admettre qu’à notre avis cette troisième partie est la plus faible de toutes. En effet, contrairement aux parties précédentes qui regroupaient respectivement sept et six chapitres, cette dernière n’en compte que trois. Pire encore, bien que cette partie s’intitule The international context of HRM, il n’y est aucunement fait mention du rôle joué par divers organismes internationaux préoccupés par le travail et le sort des individus qui y consacrent une grande partie de leur vie À notre avis, bien que très informatifs, ces trois derniers chapitres auraient eu grandement avantage à être entourés de contributions portant, par exemple, sur les normes internationales en matière de travail ou encore sur le rôle d’organisations supranationales comme le Bureau international du Travail (BIT) ou la Confédération syndicale internationale (CSI).

Si nous devions identifier trois points forts à cet ouvrage nous dirions tout d’abord qu’il a le mérite de traiter plusieurs questions très importantes à l’heure actuelle. Que ce soit l’éthique en affaires, la sous-traitance ou la GRH dans les marchés en émergence, Collings et Wood ont eu la bonne idée de ratisser très large et de là, de couvrir un large spectre d’intérêts.

Deuxièmement, cet ouvrage a comme force d’être écrit par un nombre plutôt important de spécialistes de la GRH. Bien qu’aucun d’eux ne soient rattaché à un établissement universitaire états-unien, chacun démontre une excellente compréhension de son domaine d’étude et le souci d’ancrer sa réflexion dans un cadre théorique critique qui dépasse les perspectives parfois trop unitaristes de certains.

La troisième force de cet ouvrage, à notre avis, a trait à l’imposante quantité de références scientifiques récentes portant sur ces questions d’actualité. L’étudiant gradué en gestion des ressources humaines ou en relations industrielles pourra assurément y faire de belles trouvailles.

D’un point de vue un peu plus critique, ce livre comporte aussi ses faiblesses. Tout d’abord, nous ne pouvons passer sous silence l’inévitable hétérogénéité qui accompagne tout ouvrage collectif. Contrairement à d’autres contributions où nous pouvons clairement sentir les efforts faits par les éditeurs pour harmoniser le langage et éviter les redites, nous avons ici l’impression que chacun des auteurs des divers chapitres a été un peu laissé à lui-même.

La deuxième faiblesse, quant à nous, a trait à l’intégration théorique et empirique des diverses contributions composant cet ouvrage. Bien que les éditeurs aient pris soin de débuter leur livre par un chapitre introductif, nous ne pouvons que déplorer qu’ils n’aient pas pris le temps d’écrire quelques lignes introductives à chacune des parties et surtout, qu’ils aient complètement négligé de faire un chapitre de clôture résumant l’état de la situation et dégageant des pistes de recherches potentiellement intéressantes à poursuivre.

En dépit de ces limites, nous croyons que l’ouvrage édité par Collings et Wood mérite d’être lu par toute personne intéressée par l’étude de la GRH. Dressant un panorama plutôt riche de plusieurs des problématiques actuelles, il fournit une vue d’ensemble intéressante susceptible de stimuler le questionnement et de motiver les chercheurs à en savoir toujours plus sur ce champ d’étude si important pour le succès de nos organisations contemporaines.