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Fondée en 1972, à la suite d’une scission au sein de l’International Brotherhood of Electrical Workers (IBEW), la Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité (FIPOE), affiliée à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), est aujourd’hui l’un des plus importants syndicats de la construction au Québec, regroupant près 84,5% des 17 758 électriciens de l’industrie québécoise de la construction[1], ainsi que de nombreux monteurs de lignes, installateurs de systèmes de sécurité et salariés d’usine. Dans une province comme le Québec, où l’hydroélectricité a joué un rôle si important dans le développement des communautés locales et de l’économie provinciale, nul ne se surprendra que cette organisation soit l’une des premières à faire l’objet d’un tel récit[2].

L’ouvrage, paru l’an dernier chez un éditeur québécois spécialisé en histoire du Québec et du Canada, répond à une commande de la direction du syndicat qui souhaite ainsi célébrer son histoire et la faire connaître de ses membres et du grand public. Il est le fruit du travail d’une économiste qui a oeuvré pendant plus de trente ans au sein du mouvement syndical. Il ne s’agit donc pas d’un ouvrage d’histoire professionnelle, ce qui explique, et justifie, son caractère descriptif (plutôt qu’analytique) et partisan.

Pour retracer le parcours de la FIPOE, l’auteure remonte à la fin du dix-neuvième siècle, avec le développement de l’éclairage électrique et de l’industrie à laquelle il donne naissance. Elle relate ensuite la naissance du syndicat américain (NBEW, qui deviendra IBEW en 1900) et ses premiers pas au Canada et au Québec. En plus des difficultés de syndicalisation, l’enjeu linguistique associé à la situation particulière des travailleurs québécois au sein d’un syndicat nord-américain est mis en évidence dès le chapitre 2 et abordé à plusieurs reprises en cours d’ouvrage. En plus du fait français, c’est de la question des cotisations des membres québécois au régime de retraite américain que naît le litige entre la section locale 568 et la direction internationale de l’IBEW, dont il est question aux chapitres 5 à 7. L’ouvrage permet de suivre, pas à pas, le déroulement de ce conflit, alimenté par la concurrence intersyndicale dans la construction québécoise, qui mènera à la tutelle de la section locale et à la fondation de la FIPOE, ainsi qu’à son expulsion du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (chapitre 9) et à la fondation de la FTQ-Construction telle qu’on la connaît aujourd’hui (chapitre 10). Le chapitre 8 porte, quant à lui, sur les premiers remous vécus par la nouvelle organisation : le saccage de la Baie-James, la Commission Cliche et la mise en tutelle de la FIPOE jusqu’en 1978. Les chapitres 11 et 12 couvrent enfin les décennies 1990, 2000 et 2010, une période plus paisible, mais ponctuée d’évènements néanmoins importants, telle que la réunion éphémère (1999-2006) des syndicats internationaux du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction-International (CPQMCI) et des syndicats nationaux de la FTQ-Construction au sein d’un Conseil conjoint.

Au fil des quelque 150 pages que compte l’ouvrage, c’est donc l’organisation syndicale qui se raconte, rigoureusement mais avec quelques partis pris évidents. Compte tenu du faible volume de littérature sur le syndicalisme dans la construction au Québec et au Canada, cette contribution est la bienvenue, car elle constitue un matériau de recherche intéressant mais qui doit toutefois être traité avec les précautions qui s’imposent compte tenu de la partialité du récit. Malgré ces réserves, et l’intérêt peut-être limité de l’ouvrage pour une partie du lectorat de RI/IR, il faut saluer cette initiative de représentants syndicaux souhaitant doter les membres de leur organisation d’un moyen d’accéder à l’histoire de leur syndicat. À cet égard, nous espérons que la qualité de la rédaction, ainsi que l’excellente facture visuelle de l’ouvrage contribueront à attirer de nombreux lecteurs et lectrices.