RecensionsBook Reviews

Hidden Knowledge : Organized Labour in the Information Age, par D. W. Livingstone et Peter H. Sawchuk, Aurora, Ont. : Garamond Press, 2003, 320 p., ISBN 1-55193-045-5.[Notice]

  • Danièle Linhart

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  • Danièle Linhart
    CNRS-Université Paris X Nanterre

Les auteurs de cet ouvrage proposent une approche spécifique de la question des formes d’apprentissage de la classe ouvrière. Il s’agit de comprendre par quels processus, et dans quelles conditions, au-delà de leur formation initiale, les travailleurs élaborent les savoirs qui leur sont nécessaires dans le cadre de leur vie professionnelle, domestique et citoyenne. Pour étayer une analyse contextualisée et historicisée de l’apprentissage, les auteurs s’appuient sur une série de cinq études de cas, avec le parti pris de se placer du point de vue des travailleurs. C’est un parti pris épistémologique et méthodologique : il faut, pour faire sortir ces savoirs de l’ombre, solliciter l’expérience et le vécu des travailleurs eux-mêmes, qui ne sont d’ailleurs pas toujours conscients de ce qu’ils apprennent et savent. L’objectif est d’invalider les affirmations selon lesquelles les travailleurs souffrent d’un déficit de connaissances dommageables pour la performance des entreprises et de faire la démonstration que les travailleurs en savent plus que ce qu’on exige officiellement d’eux, et qu’ils ne trouvent pas matière à utiliser leurs savoirs dans le cadre de la division du travail. Il faut donc qu’émergent des organisations du travail qui permettent à la fois la production et la mobilisation officielle de ces savoirs. Le livre se décompose en trois parties. La première présente la problématique développée ainsi que ses fondements théoriques. La deuxième (nettement la plus longue) est une présentation fouillée de chacune des cinq études de cas. La dernière synthétise et compare les résultats. L’approche que les auteurs développent s’insère dans le « CHAT » (Cultural Historical Activity Theory) dans la lignée de Lev Vygostsky qui relativise la logique cognitive par rapport aux relations entre pensée et action, à l’importance de la pratique et de l’implication des personnes. L’apprentissage est avant tout un processus socio-culturel qui a une historicité. C’est, pourrait-on dire, un construit social, en rapport avec la concurrence entre entreprises, la lutte des classes et les modifications incessantes des forces de production. Ce livre est passionnant par la qualité des enquêtes et par le parti pris qu’il prend : celui de l’expérience, du vécu des travailleurs pour dévoiler l’importance, mais aussi l’inégalité de leur capacité d’action. Même si sur le plan théorique, on n’a pas le sentiment d’un apport spectaculaire, il mérite d’être lu et discuté pour la force de son travail empirique et l’importance des questions qu’il soulève.