La citoyenneté au travail ?Une introductionTowards Citizenship at Work?An Introduction[Notice]

  • Michel Coutu et
  • Gregor Murray

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  • Michel Coutu
    École de relations industrielles,
    Université de Montréal
    et Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT – Université de Montréal, Université Laval, HEC Montréal).

  • Gregor Murray
    École de relations industrielles,
    Université de Montréal
    et Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT – Université de Montréal, Université Laval, HEC Montréal).

Dans son étude fondatrice « Developping Industrial Citizenship : A Challenge for Canada’s Second Century », Harry Arthurs (1967) célébrait avec optimisme la longue marche des travailleurs vers la pleine jouissance des droits civils, politiques et sociaux dans les sociétés industrielles avancées. Sa lecture des événements fournissait un récit hautement stimulant de l’évolution passée et présente du droit du travail au Canada, culminant dans l’affirmation graduelle mais inévitable de la citoyenneté industrielle. T.H. Marshall (1949) avait déjà analysé le développement des différentes dimensions de la citoyenneté dans son étude, devenue depuis incontournable, des rapports entre la structure économique de l’Angleterre et les droits fondamentaux reconnus à ses citoyens à partir du 18e siècle. Bien que la citoyenneté n’avait pas encore atteint son plein épanouissement, ses traits principaux apparaissaient manifestes, du fait à la fois de l’émergence de l’État-providence dans l’après-guerre et, suivant la formule de Otto Kahn-Freund (1954), de la maturité croissante de « l’autonomie collective » en droit collectif du travail. Arthurs assuma une vision similaire et se fit l’écho de l’optimisme ambiant de l’époque en anticipant le développement apparemment inévitable et nécessaire des droits collectifs dans la sphère économique, ce qu’il qualifia de « citoyenneté industrielle ». Kerr, Dunlop, Harbison et Myers (1960) envisageaient alors le pluralisme industriel comme forme de stabilisation des sociétés industrielles du point de vue de la sphère du travail, les revendications légitimes en conflit se transformant en normes consensuelles fondées sur les droits collectifs reconnus aux travailleurs : c’est bien de manière similaire que Arthurs concevait la trajectoire future des politiques publiques canadiennes en matière d’emploi et de droit des rapports collectifs du travail. Cette vision demeurait fonction d’une cristallisation des droits collectifs du travail. Sous-tendue par le pluralisme des acteurs collectifs sur les lieux (industriels) de travail, elle s’intégrait au cadre plus large de l’ensemble des droits économiques et sociaux vers lequel les sociétés industrialisées devaient, et allaient en toute hypothèse, évoluer. De fait, cette vision traditionnelle de la citoyenneté industrielle reposait sur une perspective univoque : celle de l’extension graduelle de la sphère des droits et libertés des travailleurs, d’abord via la reconnaissance des droits politiques, avec l’octroi du suffrage universel vers le début du 20e siècle ; ensuite, par l’affirmation des droits collectifs du travail comme contrepoids au droit de propriété, par exemple de la liberté positive d’association aux fins de la négociation collective des conditions de travail et de la promotion de la syndicalisation ; enfin, par la garantie des droits sociaux (sécurité sociale, assurance-maladie, droit à l’éducation) liés à l’émergence de l’État social dans l’immédiat après-guerre. Dans le domaine des relations industrielles, l’essor d’une citoyenneté effective pour les travailleurs fut le produit tant de la négociation collective que de l’intervention de l’État en matière de droits individuels et collectifs. Après coup, on ne peut qu’être frappé du caractère paradigmatique de cette vision du futur résumée par la notion de « citoyenneté industrielle » pour le champ des relations industrielles, du droit du travail et des politiques publiques en matière de travail. De ce paradigme formant consensus dans la communauté scientifique découlaient les prémisses suivantes : le travail ne constitue pas une commodité, il demeure le fruit de l’activité humaine et cette caractéristique, au besoin en opposition aux opérations marchandes, doit être reconnue par le biais des normes, règles et procédures édictées par les acteurs sociaux légitimes du champ des rapports collectifs de travail. Non seulement l’idée de citoyenneté industrielle devint l’étalon normatif jaugeant les avancées des rapports de travail dans les différents systèmes industriels, mais encore elle influença de manière croissante les instruments internationaux relatifs aux …

Parties annexes