À l’heure où les mutations de l’économie amènent une prolifération de recherches sur les travailleurs du savoir, la publication de ce livre sur le thème du travail non qualifié nous ramène à une réalité encore bien présente dans les milieux de travail. Issus d’un programme de recherche de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), les travaux de ce livre ont été alimentés par cinq laboratoires de recherche français. Le programme voulait faire le point sur cette catégorie d’emploi caractérisée par sa recrudescence en France depuis le milieu des années 90 et dont l’évolution était aussi marquée par un fort taux de chômage. Un autre objectif était de questionner le rééquilibrage des interventions publiques françaises en faveur d’un allègement de cotisations sociales pour cette catégorie d’emplois. Ça ne serait pas chose facile que de résumer, dans l’espace alloué, les vingt-cinq contributions de cet ouvrage tant le contenu en est dense; un tel résumé autour des quatre grands thèmes de l’ouvrage (perspectives historiques, évolutions de l’emploi non qualifié, paradoxes du travail non qualifié et politiques de l’emploi non qualifié) fait d’ailleurs l’objet du texte d’introduction du livre qui reprend bien, en une vingtaine de pages, l’essentiel des contributions. Pour nous, ce peut être l’occasion de nous demander si la parution de cet ouvrage fait état d’un renouveau dans le débat sur les qualifications. En effet, sans que c’en soit l’objectif, c’est à une relecture de ce débat que nous convie la parution de cet ouvrage, quelque vingt ans après la parution du livre phare sur le sujet qu’avait été L’introuvable relation formation/emploi sous la direction de Lucie Tanguy. La thèse de la requalification générale du travail ou de la fin du travail non qualifié peut en effet être questionnée à partir de l’évolution récente de l’emploi peu qualifié. Ainsi, après une chute d’effectifs de l’emploi peu qualifié, visible durant une décennie jusqu’au milieu des années 90 en France, ce type d’emploi reprend une progression pour représenter près du quart de l’emploi total au début des années 2000. Bien que le livre n’aborde pas directement le débat sur la requalification/déqualification du travail, plusieurs contributions s’y rapportent dont une qui fait état de « faits résistants » concernant cette rupture de tendance. Une autre contribution s’attarde notamment sur les mouvements de sens contraires, entre rationalisation et professionnalisation, qui traversent les figures de l’emploi non qualifié. Si on met en évidence l’existence d’emplois d’exécution du tertiaire « rebelles » à une classification claire, on remarque aussi que la dynamique de professionnalisation dépend de l’action des associations professionnelles pour créer des segments du marché protégés, notamment à partir des critères de diplômes et de certification. Bref, si les contributions du livre ne permettent pas directement de reprendre ce débat classique en sociologie entre requalification et déqualification du travail, il a au moins le mérite d’asseoir de façon empirique de nouvelles données concernant la recrudescence du travail non qualifié et de rouvrir le débat. Mais, de quoi parle-t-on ? Parler du travail non qualifié (catégorie résiduelle définie par la négative) oblige les auteurs à reprendre la réflexion sur la notion de qualification. On ne peut alors que constater que les auteurs, de concert, reviennent à une acception maintenant classique de la qualification mise en évidence aussi tôt qu’en 1956 par Naville et qui définissait les qualifications autour des trois moments clés de leur constitution : leur production dans les systèmes de formation, leur utilisation dans les systèmes de production et leur évaluation ou reconnaissance dans les systèmes de classification et de salaires. Partant du principe que la notion de qualification …
Le travail non qualifié : permanences et paradoxes, sous la direction de Dominique Méda et Francis Vennat, Paris : La Découverte, Collection « Recherches », 2004, 426 p., ISBN 2-7071-4468-1.[Notice]
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Colette Bernier
Université Laval