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Syndicats : lendemains de crise ? par Jean-Marie Pernot, Paris : Gallimard (collection « Folio actuel »), 2005, 395 p., ISBN : 2-07-030914-2.[Notice]

  • Mona-Josée Gagnon

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  • Mona-Josée Gagnon
    Université de Montréal

L’ouvrage de Jean-Marie Pernot se détache heureusement dans l’abondante documentation relative aux relations professionnelles. L’auteur, politologue et chercheur, nous propose une réflexion documentée sur le syndicalisme français en contexte européen. L’approche intéressera le lecteur nord-américain qui apprécie les ancrages socio-historiques et voit le syndicalisme comme un acteur et un produit politiques. Nous sommes donc loin de nombre d’écrits dans lesquels le syndicalisme se trouve réduit à son rôle dans le champ des relations professionnelles. L’ouvrage est de portée générale et ne pèche pas par une accumulation d’histoires de cas qui trop souvent remplacent la réflexion. Systématique, d’écriture plus qu’agréable, l’ouvrage de Pernot sera d’une grande utilité pour ceux et celles chargés d’enseigner dans les champs de la théorie du syndicalisme et des modèles de relations professionnelles, qu’ils soient en relations industrielles, science politique ou sociologie. Il n’est toutefois pas d’accès facile pour qui n’est pas déjà minimalement familier des systèmes de relations professionnelles européens. La « crise du syndicalisme » est devenue un leitmotiv au début des années quatre-vingt-dix, puis l’attention des chercheurs s’est détournée vers les effets de la mondialisation sur le syndicalisme. Mais le syndicalisme est, encore plus qu’alors, bel et bien en crise, tellement en fait que les chercheurs sympathiques au fait syndical tendent à occulter cette dernière pour plutôt mettre en évidence quelques success stories. La contribution de Pernot se divise en cinq chapitres. Le premier s’intitule « À l’épreuve du mouvement social », et rappelle l’épisode « à caractère emblématique » (p. 24) que fut la bataille (perdue par les syndicats français) contre la réforme des retraites en 2003. Ce chapitre, intéressant en soi, souffre forcément d’un décalage historique, après l’épisode allant en sens contraire de la lutte au CPE (contrat première embauche) et de la lutte (encore en cours ?) au sujet du CNE (contrat nouvelle embauche) (2005-2006), et ne joue donc plus le rôle de socle analytique qui devait être le sien. L’intitulé du deuxième chapitre parle de lui-même : « Héritages : histoire du syndicalisme français ». La nomenclature des événements est au rendez-vous, mais il s’agit bien d’histoire sociale, les contextes transversaux et diachroniques étant sollicités pour donner sens aux faits, de même que pour expliquer la singularité française : un rapport étroit entre la constitution de la classe ouvrière et du syndicalisme, une extériorité à l’égard de la fonction de service aux adhérents, la pérennité d’une « culture de la confrontation » (p. 108), bémols étant par la suite apportés sur la dite singularité. Le chapitre trois, intitulé « Le déclin syndical en Europe », offre un panorama très utile sur les syndicalismes européens tels que regroupés par affinités, avec toujours un accent sur la situation française. L’auteur propose à ce sujet une analyse critique d’un mouvement de décentralisation (de la branche vers l’entreprise) peu encadré par les syndicats mais plutôt encadré par un État qui, loin de se retirer selon l’auteur, se déploie autrement. Sur cette lancée, le chapitre quatre poursuit l’histoire du syndicalisme français (« Familles désunies, familles regroupées »). Sont passés en revue les destins récents des confédérations, l’histoire des schismes et fusions, de même que la « jeune histoire » des syndicats non confédérés. Quant au chapitre cinq, il est essentiellement analytique, et confère un intérêt particulier à l’ouvrage. Intitulé « Syndicats et représentation », ce chapitre propose une analyse centrée sur la tension, mais aussi la complémentarité entre l’autonomie et l’intégration (du syndicalisme). Une proposition analytique sur le rôle du syndicalisme, schématisée graphiquement (p. 269), permet à l’auteur de situer les éléments constitutifs du paysage syndical français par rapport à ce schéma idéal typique …