RecensionsBook Reviews

Unwrapping the European Social Model, sous la direction de Maria Jepsen et Amparo Serrano Pascual, Bristol, U.K. : The Policy Press, 2006, 272 p., ISBN 978-1-861347-98-5.[Notice]

  • Sylvie Morel

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  • Sylvie Morel
    Université Laval

Difficile, quand on referme cet ouvrage, de ne pas rester profondément perplexe quant à la capacité du « modèle social européen » (MSE) de s’imposer durablement comme voie de développement originale, en offrant une alternative au capitalisme à l’américaine. En effet, on peut s’interroger sur la robustesse du projet qu’il est censé incarner, où l’économique et le social devraient être articulés l’un à l’autre dans une perspective de complémentarité. À lire les auteurs réunis dans ce volume, on serait plutôt tenté de croire que le MSE est actuellement à la croisée des chemins, dans la délicate posture de devoir affronter, sur la base d’un bilan de réalisations pour le moins contrasté, des défis d’une envergure imposante. Dès l’introduction, conçue comme une synthèse de l’ouvrage, les responsables de l’édition tracent le portrait des principaux problèmes et enjeux soulevés par le MSE : la difficulté de cerner, en substance, le contenu de cette notion – ce « projet politique d’une forte ambiguïté normative » (p. 19) –, l’ambition de ses promoteurs de prouver sa supériorité par rapport au modèle de développement anglo-saxon, mais plus spécifiquement états-unien, les attentes qu’il génère par rapport à l’égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre l’exclusion et la cohésion sociale, l’incertitude face à l’impact d’un mode de gouvernance inédit, la méthode ouverte de coordination (MOC), le défi d’intégrer les différences et les appartenances multiples dans un projet politique dont la construction d’une identité commune n’est pas le moindre des objectifs, a fortiori dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne (UE), telles sont quelques-unes des questions auxquelles nous convie à réfléchir cet ouvrage. Les auteurs qui y ont collaboré proviennent d’horizons disciplinaires variés (économie, science politique, sociologie, management, droit) et de plusieurs pays (Australie, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Islande, Pays-Bas, Suisse). Cette collaboration est le fruit d’un projet de recherche mené à l’Institut syndical européen pour la recherche, la formation et la santé et sécurité (ETUI-REHS). Popularisée au milieu des années 1980 dans les cercles politiques, notamment par Jacques Delors, l’expression de MSE est, d’emblée, marquée du sceau de l’ambiguïté. En effet, les auteurs reconnaissent presque unanimement le caractère polysémique et fortement ambigu de la notion de MSE, qui, lorsqu’elle est définie en substance, ce qui est loin d’être fréquent, se présente selon des définitions qui ne sont pas nécessairement convergentes. Cela d’autant plus que la phraséologie communautaire entourant la notion se transforme au fil de l’évolution des priorités de l’UE en matière d’emploi et de protection sociale. Il n’empêche que la notion de MSE est progressivement devenue une notion clé dans les débats politiques et scientifiques, comme on peut le constater à la lecture du premier chapitre, signé également par M. Jepsen et A. Serrano Pascual. La notion de MSE sert à décrire « l’expérience européenne qui consiste à promouvoir simultanément une croissance économique soutenable et la cohésion sociale » (p. 25). L’idée fondamentale qui la sous-tend est que le progrès économique et le progrès social doivent aller de pair. Dans le monde académique, on retrouve différentes définitions du MSE, que les auteurs regroupent en trois catégories. Le MSE apparaît ainsi, premièrement, comme un modèle incorporant des traits communs aux États membres de l’UE (sur le plan, entre autres, des institutions et des valeurs), deuxièmement, comme un idéal-type, au sens wébérien du terme, dans la mesure où il opère comme un référent abstrait se superposant à ce qui, concrètement, est une variété de modèles nationaux, enfin, comme un projet européen orienté dans la perspective de la constitution d’un espace politique transnational (p. 26). Une idée phare développée dans ce chapitre, et dont l’ouvrage …