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Le travail à l’épreuve des paradigmes sociologiques, Sous la direction de Jean-Pierre Durand et William Gasparini, Toulouse : Octarès Éditions, 2007, 358 p., ISBN 978-2-915346-51-0.[Notice]

  • Sid Ahmed Soussi

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  • Sid Ahmed Soussi
    UQAM

La fraîcheur de cet ouvrage collectif n’a d’égale que sa détermination à rendre compte du dynamisme qui caractérise ces dernières années la sociologie du travail et son renouvellement par des débats sans complexe, tant par leur audace épistémologique que par leur volonté à prendre en charge des objets ancrés dans les réalités quotidiennes des espaces du travail et des organisations. Cette publication consacre non seulement le « retour en force » de cette catégorie centrale de la sociologie qu’est le travail, mais y apporte une substantielle contribution par une série de perspectives analytiques portées toutes par une posture réflexive commune. Leur diversité théorique et leurs orientations paradigmatiques ont paradoxalement aidé cet ouvrage à échapper à cette « maladie infantile » des publications collectives : leur caractère hétéroclite. Il ne s’agit pas en effet d’une énième production écrite reprenant un de ces traditionnels débats de colloques thématiques par une mise en visibilité académique satisfaisant les seuls intérêts de ses intervenants, mais d’une véritable entreprise exploratoire des voies possibles en termes d’ouvertures épistémologique et paradigmatique susceptibles de repositionner le travail et ses sociologies au coeur des préoccupations de la recherche sociologique. Les cinq parties de cet ouvrage bénéficient d’une introduction de J.-P. Durand allant bien au-delà des exigences de l’exercice. Elle livre sans fioritures les substantielles pertinences scientifiques et sociales des contributions engagées dans ce projet sans craindre de souligner les problématiques délibérément écartées, à l’exemple des questions de rapports sociaux de sexe ou de l’emploi qui, même si elles sont par ailleurs « couvertes » par de nombreux autres regroupements thématiques de recherche, auraient gagné à voir leurs prolongements intégrés à cette grille paradigmatique du travail. Consacrée au débat holisme/individualisme, la première partie insiste sur la posture critique adoptée – à partir de postulats variés et distincts – par la sociologie du travail contemporaine autour de trois paradigmes dominants : le paradigme libéral, le paradigme national fonctionnaliste et le paradigme marxiste. Cette matrice tridimensionnelle est portée par une dynamique étroitement assujettie aux transformations qui ont affecté les modes de production, les rapports sociaux et les modèles théoriques : Nation, Production, Société ou Capitalisme apparaissent comme les principaux tenseurs – ou l’« existence suprême », selon l’heureuse expression de M.-C. Le Floch – de cette matrice. Le collectif chargé de cette partie s’est engagé dans un débat autour de trois points : le terrain, la posture critique et la subjectivité de l’acteur au travail. Les résultats de recherche qui alimentent ce débat mobilisent ici des objets comme la qualité de vie au travail, les discours d’acteurs – employeurs/employés – autour des conditions de travail, les impacts des logiques gestionnaires en matière de fragilisation des groupes professionnels ou encore l’écart croissant creusé par les nouvelles formes d’organisation du travail entre les identités individuelles et l’ensemble social. Une conclusion émerge de ce débat : les passerelles dégagées entre ces différentes dimensions de l’expérience sociale du travail apparaissent comme la contribution par excellence du sociologue qui, de ce fait, ne peut « parler vrai » (D. Linhart) que s’il se soustrait aux contraintes des paradigmes, grâce notamment à la puissance explicative de ses éléments monographiques. N’est-ce là que l’expression nostalgique d’un retour à la sociologie du travail autrefois portée par la démarche monographique valorisée par les pères fondateurs ou l’indicateur d’un véritable fléchissement méthodologique de la discipline ? Quoique distincte, la deuxième partie opère également un retour sur la remise en question des « paradigmes hégémoniques » des années 1960, mais sur la base d’une autre interrogation : la tension traditionnelle opposant, d’une part, holisme et tradition durkheimio-marxiste et, d’autre part, individualisme et tradition wébéro-interactionniste, …