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Les droits fondamentaux au travail : origines, statut et impact en droit international, Par Claire La Hovary, Paris : PUF, 2009, 338 p., ISBN 978-2-13057-946-5.[Notice]

  • P. Martin Dumas

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  • P. Martin Dumas
    Université Laval

C’est largement en réaction à ce qu’on désigne communément par la « mondialisation des échanges » que l’Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté en 1998 la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi (ci-après « la Déclaration »). Il était entendu que la Déclaration devait fournir un socle social minimal à cette mondialisation. Or la mise en perspective et la reconnaissance officielle de tels droits fondamentaux au travail, forcément hiérarchisés, ne fait pas consensus et divise la communauté des analystes de la régulation internationale du travail. C’est dans ce contexte que Claire La Hovary s’est donnée pour tâche de brosser un tableau détaillé des origines, du statut et de l’impact de cette reconnaissance controversée en droit international. L’auteure y parvient avec brio. Elle porte en premier lieu son regard sur la question du choix – politique – des droits fondamentaux au travail et des motifs qui le soutiennent. Si Claire La Hovary développe cette section sans surprises, en discutant en outre des liens à établir entre droits fondamentaux au travail et droits de la personne, elle la conclut en avançant cette proposition intéressante : « peut-être faut-il entendre par “droits fondamentaux” au travail les droits qui sont fondamentaux pour l’OIT, c’est-à-dire les droits et principes autour desquels l’OIT doit graviter ». D’où la division du tout dernier bloc de l’oeuvre, dérivée d’une thèse de doctorat achevée en 2006, en chapitres traitant distinctement des effets de la Déclaration au sein de l’OIT et hors de l’OIT. Mais avant de traiter de ces questions, l’auteure examine d’abord le contenu obligationnel des droits fondamentaux au travail. Chacune des conventions dites fondamentales de l’OIT passe alors au crible : les conventions 87 et 98 sur la liberté d’association et le droit de négociation collective, les conventions 29 et 105 sur le travail forcé ou obligatoire, les conventions 138 et 182 sur le travail des enfants et les conventions 100 et 111 sur la discrimination dans l’emploi et la profession. D’autres conventions et instruments internationaux (de l’OIT et hors de l’OIT) qui traitent pareillement de ces objets particuliers sont judicieusement considérés lors de cet examen, bien que ce soit le traitement additionnel de la coutume comme source des droits fondamentaux au travail qui contribue ici à enrichir décisivement la doctrine en la matière. Outre ce fait que l’interdiction du travail forcé et des pires formes de travail des enfants « semble faire l’unanimité auprès des observateurs s’étant penchés sur cette question, et cela quelle que soit la méthodologie suivie », la hiérarchisation – voire la constitutionnalisation – des normes sous l’effet de la Déclaration pourrait en effet éclairer davantage, au cours des prochaines décennies, le processus vaguement tracé de développement du statut coutumier des droits fondamentaux au travail. L’auteure prend soin, avant d’entreprendre le dernier virage de son analyse, de bien distinguer entre la soft law de l’instrumentum (p. ex., un instrument de type déclaratoire) et la soft law du negotium (p. ex., des dispositions plutôt imprécises d’une convention ou d’un traité). Pour faire court, on ne doute pas que les dispositions précises d’un instrument de soft law se comparent malaisément, à tous égards, aux dispositions floues d’un traité dûment ratifié. Dans tous les cas, la question des effets directs et indirects de la Déclaration et du concept de droits fondamentaux au travail au sein de l’OIT et hors de l’OIT, via d’autres instruments juridiques ou para-juridiques, n’est pas moins polémique. Bonne joueuse, l’auteure prend soin de faire ressortir les principaux arguments développés au soutien et en opposition au virage essentialiste pourrait-on dire pris par l’OIT en 1998. …