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Organisation pathogène du travail et maintien durable en emploi : une question antinomique ?, Sous la direction de Marie-France Maranda et Geneviève Fournier, Québec : Presses de l’Université Laval, collection Trajectoires professionnelles et marché du travail contemporain, 2009, 228 p., ISBN 978-2-7637-8777-0.[Notice]

  • Marie Bellemare

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  • Marie Bellemare
    Université Laval

Cet ouvrage présente les contributions de différents chercheurs, regroupés autour du CRIEVAT (Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail) qui s’intéressent aux liens entre l’organisation du travail et la santé mentale. En introduction, Maranda et Fournier nous montrent que cette problématique est bien sur la place publique. En effet, en s’appuyant sur des statistiques rapportées dans les médias, elles attestent de la fragilisation des personnes et la présente, d’entrée de jeu, comme étant liée aux grandes tendances du marché du travail et de l’emploi, en particulier à l’intensification du travail. Les entreprises de service sont particulièrement touchées par ce phénomène qui se traduit par des coûts importants pour les individus, par exemple une hausse de la consommation des psychotropes, et pour les entreprises, des hausses d’absentéisme et des baisses de productivité. Les auteurs nous rappellent également l’importance de l’enjeu de la santé mentale, puisque l’OMS prévoit qu’en 2020, la dépression sera la cause première d’incapacité. La première partie de l’ouvrage comprend quatre chapitres qui décrivent des stratégies défensives mises en oeuvre en réaction aux difficultés vécues dans le travail et qui peuvent contribuer à propulser ceux qui les adoptent dans la maladie. Ainsi, Molinier nous brosse un tableau des conséquences des nouvelles formes d’organisation du travail du point de vue de la psycho-dynamique du travail (PDT). Alors qu’elles prétendent générer une grande autonomie chez les personnes au travail, les nouvelles organisations exercent en fait une domination fondée sur l’assujettissement des cadres et la destruction des collectifs. On constate chez les personnes touchées des cas d’isolement dont l’issue la plus dramatique est le suicide. Des pressions importantes sont exercées à différents niveaux, le client, le marché et le flux de l’activité lui-même, alors qu’aucune marge de manoeuvre n’est disponible pour y faire face. Les critères d’évaluation du travail se resserrent autour de l’utilité économique, autour de ce qui se compte, alors que d’autres dimensions, telles l’utilité sociale du travail, sont évacuées. L’auteure tire plusieurs illustrations de ses travaux dans le domaine des soins : on peut, par exemple, comptabiliser les infections nosocomiales dans les hôpitaux alors que les chiffres peuvent difficilement rendre compte de toute la dimension du « care ». L’auteure indique que l’impact de ces tendances se traduit par des conduites délictueuses (par exemple, sentir que l’on participe à de sales boulots) et que les pathologies post- traumatiques ne sont plus le résultat d’événements tels les agressions dans les banques, mais peuvent survenir par suite de l’insatisfaction du client face aux promesses non tenues de l’entreprise. L’une des stratégies observées est celle de l’activisme : pour protéger le sens du travail, les infirmières, par exemple, vont se lancer dans l’hyperactivité avec des conséquences graves pour leur santé, telles des lésions musculo-squelettiques. Une telle stratégie peut aussi être source de division du collectif : d’un côté, celles qui se surinvestissent et de l’autre, celles qui se refusent de le faire. Par ailleurs, la financiarisation fait en sorte aussi que chacun n’est plus apte à juger de la qualité de son propre travail : si l’on fait trop bien, on devient « vendable » avec ce que cela comporte comme insécurité possible. Maranda et coll. s’intéressent pour leur part aux médecins ayant vécu un épuisement professionnel. En s’appuyant sur une enquête auprès de 13 médecins, hommes et femmes, les auteurs ont dégagé des situations à risque pour leur santé mentale. L’augmentation de la charge de travail, de la responsabilité, de la demande de performance en parallèle avec la diminution des ressources, de l’autonomie, de la latitude décisionnelle, des relations avec les collègues composent ainsi des situations …