Résumés
Résumé
Le développement des emplois « atypiques » au Québec donne lieu à la mise en évidence de nouveaux enjeux sociaux et politiques dans un contexte de flexibilité de la main-d’oeuvre. La segmentation du marché du travail qui en découle se caractérise par une précarisation du salariat, définie comme un processus structurel de détérioration des conditions de travail et d’emploi. La sociologie s’intéresse particulièrement aux conséquences de ces mutations sur les conditions de vie à travers l’analyse des perceptions subjectives des acteurs concernés. Ainsi, le rapport au travail incluant les conditions matérielles, l’accomplissement des tâches et la socialisation comporte une dichotomie articulée autour de la satisfaction du salarié, source de valorisation ou de la non-satisfaction, entraînant un mal-être. Les transformations récentes du monde du travail construisent des parcours professionnels morcelés et incertains et nécessitent une réévaluation de leurs impacts sur ce rapport, encore peu documentée. Que signifie occuper un emploi atypique pour ces travailleurs ? La valeur associée au travail est-elle remise en cause ? Les indices contenus dans leurs parcours professionnels constituent-ils une réalité nouvelle ? Basé sur les résultats d’une recherche qualitative menée en 2009 auprès de résidents d’un quartier défavorisé du centre-ville de Montréal, ayant occupé des emplois « atypiques », cet article permet d’entrer au coeur des dynamiques relationnelles des milieux de travail québécois, de comprendre en quoi elles participent à la construction de parcours professionnels spécifiques et d’identifier leurs conséquences sur le rapport au travail et à l’emploi de ces travailleurs. Les différentes expériences étudiées apportent un éclairage sur le phénomène de la précarisation du travail et suggèrent des perspectives tant scientifiques que politiques.
Mots-clés:
- précarisation du travail,
- inégalités sociales,
- sociologie compréhensive,
- parcours de vie
Summary
The emergence of “atypical” jobs in Quebec raises new social and political issues concerning labour flexibility. The labour market segmentation which results is characterized by increasing job insecurity for the employee and represents a structural deterioration in working and employment conditions. Sociology is particularly interested in the consequences of these changes on living conditions as seen through the subjective perceptions of the actors involved. Hence, the relationship to work, which includes the physical conditions, the accomplishment of tasks and socialization, involves a dichotomy that revolves around the employee’s satisfaction and sources of validation on the one hand, and, on the other, dissatisfaction, which leads to discomfort. Recent changes in the world of work mean that fragmented and uncertain careers are emerging and consequently a reassessment is required concerning the impact of this upon the work relationship, something which to date has been poorly documented. What does atypical employment mean for these workers? Does it affect the value that they place on work? Does this type of career path constitute a new reality? Based on the results of qualitative research conducted in 2009 amongst residents of a deprived area of Montreal who were working in atypical employment, this article goes to the heart of relational dynamics in the Quebec workplace, to understand how they contribute to the construction of specific career paths and to identify the implications for the relationship to work and employment of these workers. The various cases studied provide an insight into the phenomenon of job insecurity from both scientific and policy perspectives.
Keywords:
- work precariousness,
- social inequality,
- sociology,
- life course
Resumen
El desarrollo de empleos “atípicos” en Quebec pone en evidencia nuevas cuestiones sociales y políticas en un contexto de flexibilidad de la mano de obra. La segmentación del mercado de trabajo que esto conlleva se caracteriza por un incremento de la inseguridad del empleo asalariado y representa un deterioro estructural de las condiciones de trabajo y del empleo. La sociología se interesa particularmente a las consecuencias de estas mutaciones sobre las condiciones de vida a través de un análisis de las percepciones subjetivas de los actores involucrados. Así, la relación al trabajo incluyendo las condiciones materiales, la realización de tareas y la socialización conlleva una dicotomía articulada en torno a la satisfacción del asalariado, fuente de valorización o de no satisfacción, motivo de pesadumbre. Las transformaciones recientes del mundo del trabajo construyen trayectorias profesionales fraccionadas e inciertas y que necesitan una re-evaluación de sus impactos sobre esta relación, todavía poco documentada. ¿Qué significa para estos trabajadores ocupar un empleo atípico? ¿Se está re-cuestionando el valor asociado al trabajo? ¿Los índices contenidos en las trayectorias profesionales constituyen une nueva realidad? Basado en los resultados de una investigación cualitativa llevada a cabo en 2009 con residentes de un barrio desfavorecido del centro de la ciudad de Montreal que han ocupado empleos «atípicos», este artículo permite de entrar al centro de la dinámicas relacionales de los medios de trabajo quebequenses, de comprender cómo éstas participan a la construcción de trayectorias profesionales específicas y de identificar sus consecuencias sobre la relación al trabajo y al empleo de parte de esos trabajadores. Las diferentes experiencias estudiadas aportan un esclarecimiento sobre el fenómeno de la precarización del trabajo y sugieren perspectivas tanto científicas que políticas.
Palabras claves:
- precarización del trabajo,
- desigualdades sociales,
- sociología comprensiva,
- trayectorias de vida
Parties annexes
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