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La crise des emplois non qualifiés, Dirigé par Samir Amine (2015) Montréal : Presses internationales Polytechnique, Collection Novathème, 190 pages. ISBN 978-2-553-01685-1[Notice]

  • Samantha Vila Masse

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  • Samantha Vila Masse
    Doctorante, Université de Montréal-LEST et Université d’Aix Marseille

Cet ouvrage collectif est l’aboutissement de réflexions pluridisciplinaires sur les emplois non qualifiés ou peu qualifiés. Comme le souligne Samir Amine, proposer une réflexion sur les emplois non qualifiés (ENQ) et les travailleurs non qualifiés (TNQ) revêt un caractère urgent compte tenu des transformations qui ont cours de nos jours. Les différentes crises économiques et le développement des nouvelles technologies ont engendré, dans les pays développés, d’importantes transformations, notamment une flexibilisation du travail et de ses normes, ce qui n’est pas sans conséquence sur les TNQ. L’objectif de l’ouvrage est d’effectuer une analyse critique de ces transformations économiques et structurelles qui ont une grande influence sur les ENQ. Ainsi, sous la forme de six chapitres, l’ouvrage réunit les contributions de chercheurs qui abordent cette question de manière pluridisciplinaire. Dans le premier chapitre, Amine et Rioual introduisent et définissent le travail non qualifié. Pour faire face aux crises économiques et à la mondialisation, les gouvernements occidentaux ont adopté de « nouvelles formes de gestion de la main-d’oeuvre » (p. 5), plus flexibles, mais, aussi, plus précaires telles que les contrats à durée déterminée, l’intérim et les emplois à temps partiel, des emplois dans lesquels on retrouve une majorité de TNQ. Les auteurs montrent les déterminants et les évolutions des TNQ, retraçant ainsi leur histoire et leurs caractéristiques (majoritairement des femmes et des employés du secteur tertiaire). De nos jours, de plus en plus de travailleurs qualifiés postulent à des ENQ de manière transitoire, excluant d’une part, les TNQ du marché du travail et complexifiant d’autre part, la notion de qualification. D’ailleurs, cette notion ne fait pas l’objet d’un consensus dans la littérature sociologique et économique. Une frontière se creuse entre un emploi non qualifié (correspondant au poste décrit) et un travail non qualifié (pouvant être occupé par des personnes qualifiées). Plusieurs raisons sont mobilisées pour expliquer cet écart. Parmi elles, citons l’arrivée des femmes sur le marché du travail et la tertiarisation de l’économie. Les auteurs insistent sur les maux dont souffrent les TNQ : précarisation des contrats de travail, insécurité d’emploi, hausse du chômage, baisse de la qualité de l’emploi. En somme, les TNQ sont exposés à des conditions de travail difficiles et à un manque de latitude décisionnelle important, ce qui peut avoir des conséquences multiples, tant en terme financier que sur leur santé physique et mentale. Dans le deuxième chapitre, Amine et Scrimger montrent les transformations et les évolutions de l’ENQ au Canada de 2000 à 2012, puis, ils comparent deux contextes provinciaux, soit le Québec et l’Ontario. Tout d’abord, de 2000 à 2012, la part des ENQ a diminué considérablement. Toutefois, si la part de TNQ dans les secteurs liés à l’industrie, à la transformation et à la fabrication baisse, en revanche, les TNQ se retrouvent majoritairement dans le secteur des ventes et des services (principalement des emplois temporaires, précaires et à temps partiel). Durant la décennie observée, « un Canadien sur cinq occupe un emploi à temps partiel » (p. 41). Or, le temps partiel est considéré, de nos jours, comme une forme de précarité. À ce sujet, les auteurs montrent qu’environ 64% des emplois occasionnels sont occupés par des femmes, et ce, indépendamment de leur volonté (p. 41). Si le travail non qualifié touche davantage les femmes, il concerne également les jeunes : en effet, 40% des TNQ ont moins de 34 ans. Pour ce qui est de la comparaison Québec-Ontario, de manière générale, le marché ontarien compte plus de TNQ, d’emplois temporaires et à temps partiel que le marché québécois, lequel disposait, jusqu’à ce jour, de meilleures politiques publiques en matière d’emploi. Dans le …