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Introduction

De manière croissante, le travail contemporain s’effectue, non plus dans le cadre de la relation d’emploi classique entre un salarié et un employeur, mais au sein de nouvelles configurations organisationnelles, souvent qualifiées d’atypiques ou de non traditionnelles (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Ces nouvelles configurations organisationnelles, qui transforment les rapports sociaux du travail et de l’emploi, s’inscrivent ainsi dans une dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail (Durand, 2004), s’appuyant sur une stratégie d’externalisation des tâches hors de l’entreprise, dont les contours mêmes deviennent de plus en plus flous.

Pour répondre aux injonctions contemporaines du capitalisme financier, la mondialisation des systèmes productifs (Plihon, 2006) se déploie en différentes stratégies d’entreprises : des opérations de fusions-acquisitions visant des gains de productivité et une baisse des coûts du travail grâce à une réduction des effectifs salariés; des délocalisations par le biais de réseaux de filiales et de sous-traitants des entreprises transnationales vers des pays où la main-d’oeuvre est bon marché et moins protégée; un « re-engineering » des chaînes de valeur et un recentrage sur les métiers de base de l’entreprise, ce qui conduit à délaisser les activités dont la rentabilité est inférieure aux normes internationales exigées par les investisseurs et à externaliser la production de certains produits ou services susceptibles d’être fabriqués d’une manière plus compétitive par des entreprises sous-traitantes (Weil, 2014).

Ces nouvelles configurations organisationnelles impliquent, notamment, le recours à la sous-traitance et au franchisage, au travail en intérim — souvent obtenu par l’entremise d’une agence de location de personnel —, ou encore au travail indépendant ou « faussement indépendant », voire même par l’octroi de micro-contrats de durée extrêmement courte dans ce que l’on convient désormais d’appeler la « gig-économie » (Scholz, 2016). On a pu, par exemple, observer ainsi le développement de l’externalisation de la gestion des ressources humaines vers des agences de location de personnel qui peuvent même devenir dans certains secteurs d’activités industrielles « le canal exclusif de recrutement pour tout emploi d’opérateur » (Gorgeu et Mathieu, 2009 : 42; de Tonnancour et Vallée, 2009; Papinot, 2013). Dans ces nouvelles configurations, il est fréquent que les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants, subissent les effets du contrôle d’une organisation qui n’a pas à leur égard le statut juridique et les responsabilités de l’employeur (Rubery et al., 2002). On assiste, dès lors, à un éclatement de la figure de l’employeur : l’employeur « de fait », qui exerce un contrôle sur le contenu et les conditions de travail, n’est plus nécessairement l’employeur juridique de qui relèvent la responsabilité de la protection sociale et le rôle de vis-à-vis patronal dans le cadre de la négociation collective. Ces configurations organisationnelles ont ainsi pour effet de modifier la relation d’emploi « classique » et bipartite qui, telle qu’elle s’est consolidée dans la deuxième moitié du 20e siècle, du moins en Occident, est caractérisée par un échange entre acceptation d’une subordination préalablement définie et circonscrite et assurance d’un filet de sécurité fondé sur les mécanismes de la solidarité collective (qu’il s’agisse de l’assurance sociale, des règles de protection du travail et de l’emploi), où l’instance qui contrôle le travail assume également le risque économique et la responsabilité de la protection (Supiot, 2004 : 70).

Ces nouvelles configurations organisationnelles s’accompagnent de transformations dans la mobilisation du travail. La multiplication d’emplois dits « atypiques » — emplois à temps partiel, temporaires ou occasionnels, parfois hors des lieux physiques de l’entreprise, souvent cumulés — génère des disparités de traitement suivant le statut d’emploi sur le marché du travail, mais aussi au sein des entreprises, ce qui met à mal la solidarité du collectif de travail, tout comme les coopérations productives. Les nouvelles technologies des communications favorisent aussi une mobilisation du travail à la demande, en juste-à-temps, qui exige des travailleurs une disponibilité temporelle beaucoup plus étendue que le temps qu’ils consacrent au travail, disponibilité la plupart du temps non rémunérée qui génère une imprévisibilité des horaires et des heures de travail atteignant toutes les formes d’emploi et un large éventail d’occupations (Coiquaud, 2016; Boivin, 2016; Vallée et Gesualdi-Fecteau, 2016).

Or, tant la prévalence que les effets délétères associés à ces nouvelles configurations tendent à affecter différemment les travailleurs et les travailleuses en fonction de leur âge, de leur genre et de leur ethnicité (Noiseux, 2014; D’Amours, 2015). Plus encore, sur les marges les plus précarisées des marchés du travail, on voit se déployer toute une série de pratiques d’embauche et de mise au travail faites ‘sur mesure’ pour ceux et celles que Guy Standing (2011) appelle les « denizen », dont le statut juridique (sans-papiers, réfugiés sans permis de travail, etc.) les place en situation d’extrême vulnérabilité[1]. La rupture du pacte liant la subordination à l’octroi de droits sociaux est totale et sont ainsi réouvertes de nouvelles voies de subsomption du travail au capital.

Ces transformations de la relation d’emploi opèrent — et s’insèrent dans — toute une série de brouillages qui posent des défis particuliers, tant à la formalisation théorique, à la compréhension des situations concrètes de travail, qu’aux dispositifs juridiques et sociaux visant à assurer la protection sociale et la représentation des travailleurs et elles interrogent les conditions de déploiement de l’action collective.

Brouillage des frontières entre salariat et travail indépendant (Supiot, 1999) et multiplication de formes « hybrides » de mobilisation du travail (Dupuy et Larré, 1998; Morin, 1999; D’Amours, 2013), de « zones grises de l’emploi » (Bison-Rapp et Coiquaud, 2017) et de situations « d’autonomie contrôlée », une expression proposée par Appay (1993) et reprise, notamment par Piotet (2007) et Morin (2005), pour décrire les situations « où les sujétions passent moins par la dépendance économique exclusive d’un sous-traitant vis-à-vis de son donneur d’ordre que par des exigences de qualité, de délai, de formation, etc., qui peuvent avoir des conséquences très directes sur les conditions de travail, sans que le donneur d’ordre n’ait à assumer une quelconque responsabilité » (Morin, 2005 :12-13).

Brouillage des frontières entre le travail rémunéré, exercé dans la sphère publique et celui, gratuit, exercé dans la sphère privée visible, notamment, dans le travail de garde d’enfants ou de soins à domicile de personnes vulnérables (Taylor, 2004) et multiplication de zones hybrides construites par des processus d’invisibilisation du travail (Krinsky et Simonet, 2012), comme en font foi, notamment, les pratiques de production participative (en anglais, crowdsourcing, voir Bergvall-Kåreborn, 2014), échappant le plus souvent pour l’heure à toute forme de régulation étatique.

Brouillage, enfin, des frontières entre le travail formel et le travail informel (Lesemann, 2015; De la Garza, 2015) de plus en plus ténues à mesure qu’on décentre le focus de l’analyse, traditionnellement pensé depuis les pays occidentaux, pour embrasser les continents latino-américain, africain et asiatique. Où commence et où s’arrête l’informalité lorsqu’un travailleur peut ne pas être déclaré alors qu’il accomplit les mêmes tâches qu’un autre dont le statut est régularisé, ou lorsqu’un travailleur n’est officiellement salarié de l’entreprise que pour une part de son temps de travail au cours d’une semaine ? Ou lorsque le travail n’est qu’en partie « formalisé », comme c’est le cas, par exemple, de bon nombre de travailleuses procurant des services d’assistance aux personnes (en anglais, care-workers) dont une partie du travail s’accomplit à la périphérie des tâches assignées et rémunérées ?

Dans ce numéro, il s’agira d’explorer ces « nouvelles » frontières de la relation d’emploi. En réponse aux critiques émises à l’endroit des courants de recherche mettant trop exclusivement l’accent sur les emplois dits atypiques, ayant pour effet d’occulter le fait que les transformations du travail « déstabilisent des stables » (Castel, 2009) ou étendent la précarité et le risque aux emplois typiques (Vosko, 2007), il s’agira d’étudier les caractéristiques associées à diverses figures de la relation d’emploi ou les incidences de la cohabitation de travailleurs ayant des statuts et/ou des employeurs ou donneurs d’ordre différents dans des situations concrètes de travail. En effet, si dans les espaces de travail, des solidarités naissent d’une commune condition et d’une subordination partagée (Castel, 2003), la coexistence dans un même espace de travail sur des postes identiques de statuts d’emploi distincts pose clairement la question des conditions d’émergence de ces solidarités au travail. Sous la menace du chômage et de la précarisation de l’emploi, les salariés sont conduits à jouer le jeu d’une « concurrence entre égaux », contribuant à fragiliser les homogénéités intra-catégorielles. On le voit, c’est la question de la représentation collective et de la solidarité de classe qui est posée d’une part, mais celle aussi, particulièrement en Amérique, de l’accès à la protection sociale.

Parce que ce brouillage des frontières de la relation d’emploi se déploie maintenant depuis plus d’une trentaine d’années, les études présentées dans ce numéro sont en mesure : 1- de débusquer certaines caractéristiques des relations d’emploi qui existent au sein de nouvelles configurations organisationnelles et d’identifier les types d’acteurs qui y prennent part et qui peuvent intervenir dans leur régulation; et 2- de prendre la mesure des avancées et des limites des luttes collectives qui ont été menées au sein de ces nouvelles configurations.

Les nouvelles configurations organisationnelles et la relation d’emploi

Les trois premiers textes de ce numéro proposent une analyse de nouvelles configurations organisationnelles et de leurs conséquences en termes de protection des travailleurs. L’article d’ouverture propose une grille de lecture des transformations de la relation d’emploi dans la globalisation à partir d’une discussion de la notion de « zone grise d’emploi » forgée par le juriste Alain Supiot, pour désigner une convergence de situation entre « l’état de subordination » des salariés et des travailleurs indépendants. La notion est reprise et discutée par Christian Azaïs, Patrick Dieuaide et Donna Kesselman dans le cadre élargi d’une « relation d’emploi avec tiers » qui propose une définition de la zone grise d’emploi comme « espace public », entendu comme un espace de délibération où les jeux d’intérêt et les relations de pouvoir se coordonnent ou se confrontent pour la constitution d’un ordre de régulation hybride, public et privé, formel et informel. Elle permet pour les auteurs de désenclaver l’analyse d’une lecture stato-centrée de la relation d’emploi et de s’affranchir d’une approche systémique, héritée du triptyque « employeur, syndicat, gouvernement », élaboré initialement par Dunlop (1993 [1958]). En prenant la firme Uber comme exemple, l’article montre ensuite que l’on ne peut réduire la question de l’emploi des chauffeurs à des arguments exclusivement juridiques qui limiteraient le débat entre choisir le statut de travailleur indépendant ou celui de salarié. La diversité, mais aussi la fragilité des jugements prononcés par les tribunaux, leurs caractères partiels et toujours provisoires, laissent deviner que la situation socio-professionnelle des chauffeurs, si elle relève de « l’indécidable » au plan du droit, ne peut être comprise sans prendre en considération l’action des États, des territoires et de la société civile, ainsi que des rapports sociaux préalablement existants qui interviennent dans le jeu complexe de la régulation — formelle et informelle — de l’emploi.

L’action des États et des acteurs locaux est aussi au coeur de l’analyse que font Maude Choko et Bridget Conor de la situation des travailleurs culturels oeuvrant dans l’industrie de la production cinématographique. Travaillant généralement par projets, pour de courtes durées et pour des producteurs différents, ces travailleurs culturels peuvent s’insérer dans des réseaux de production cinématographique locaux ou régionaux, mais aussi dans des productions d’envergure mondiale que différents États cherchent à attirer sur leurs territoires. Dans ce contexte de production mondialisée, les travailleurs culturels peuvent-ils accéder à la représentation collective et à une protection de leurs conditions de travail ? Pour répondre à cette question, les auteures comparent la situation existant au Québec et en Nouvelle-Zélande. Si, dans ces deux États, la réponse à cette question s’est d’abord posée en fonction de la qualification juridique des travailleurs culturels comme salariés ou entrepreneurs indépendants, suivant la conception binaire classique, les solutions qui ont finalement été retenues sont fort différentes. En s’appuyant sur une analyse juridique et sur les études portant sur le travail culturel (cultural labour studies) qu’elles ont appliquées à deux cas précis, les auteures identifient les facteurs expliquant les caractéristiques différentes de la représentation collective et de la protection des travailleurs culturels dans les deux systèmes. La comparaison de deux cas présentant plusieurs similitudes — il s’agissait de deux projets de films devant être tournés, l’un au Québec, l’autre en Nouvelle Zélande, qui impliquaient des producteurs américains — montre que la dynamique des acteurs locaux peut infléchir les configurations institutionnelles aujourd’hui applicables aux travailleurs culturels oeuvrant dans les réseaux mondialisés de production cinématographique.

L’invisibilité de la relation d’emploi dans une configuration organisationnelle inter-entreprises est illustrée dans l’article d’Urwana Coiquaud et Isabelle Martin. Les auteures examinent une relation contractuelle peu étudiée dans le champ des relations industrielles, mais courante au sein des nouvelles configurations organisationnelles : celle qui se noue entre un franchiseur et un franchisé, entités juridiquement indépendantes, autour d’un savoir-faire ou d’un concept que le franchiseur transmet au franchisé moyennant une contrepartie financière. Le franchisé est juridiquement considéré comme un entrepreneur, parfois même aussi comme un employeur lorsqu’il recrute lui-même des salariés. En inscrivant l’analyse de la relation entre le franchiseur et le franchisé dans la théorie relationnelle du contrat, les auteures montrent que la relation continue entre le franchiseur et le franchisé établit, au-delà de la nécessaire collaboration entre eux, une relation juridique de contrôle du franchiseur sur le franchisé, ainsi qu’une relation marquée par l’inégalité de puissance qui génère une forte dépendance économique du franchisé. Les multiples exemples tirés de la jurisprudence illustrent concrètement ces rapports de contrôle et de dépendance qui s’apparentent, à plusieurs égards, à une relation entre un salarié et un employeur, ce qui justifierait l’élaboration de mesures de nature à reconnaître cette relation de dépendance qui se déploie hors du salariat. Grâce à une utilisation judicieuse des circonstances factuelles rapportées dans la jurisprudence portant sur la franchise, ce texte montre l’importance d’examiner la réalité des rapports qui se nouent entre les différentes entités composant les réseaux de production, au-delà de leur qualification juridique, pour débusquer les nouvelles frontières de la relation d’emploi.

Ces trois textes illustrent la difficulté de cerner les nouvelles relations d’emploi, l’impossibilité de « pré-identifier » les acteurs qui y prennent part et le caractère indéterminé des voies de régulation à construire.

La représentation collective des travailleurs dans les nouvelles configurations organisationnelles

Dans quelle mesure les nouvelles frontières de la relation d’emploi peuvent-elles modeler des formes de résistance et d’action collective capables de faire émerger une protection sociale renouvelée? Les trois derniers textes de notre thématique traitent de cette question. Ils ont en commun d’examiner en quoi ce « précariat » oeuvrant dans les interstices des relations d’emploi instituées dans la « société salariale » peut, par la représentation collective, lui-même devenir un agent de changement. Ce faisant, ils nous invitent à sortir d’une lecture « consistant à présenter les changements dans la morphologie du salariat — et des relations d’emploi — comme explication suffisante des freins à la syndicalisation » (Fribourg, 2003).

Les salariés oeuvrant au sein des segments externalisés d’une entreprise bénéficient-ils d’une représentation collective pouvant leur permettre d’améliorer leurs conditions de travail ? Louise Boivin examine la représentation collective des salariés, en majorité des femmes occupant des emplois précaires, oeuvrant pour trois catégories de prestataires privés intégrés à des réseaux publics d’aide à domicile au Québec. Étudiant les rapports entre les entités composant ces réseaux à l’aide de travaux s’inscrivant dans le courant de l’économie politique critique et de la théorie du processus de travail (en anglais, labour process), l’auteure rappelle que malgré le mouvement d’externalisation des services publics d’aide à domicile à ces prestataires privés, ce sont toujours les autorités publiques qui détiennent le pouvoir stratégique de détermination des conditions d’exercice du travail des salariées de ces prestataires, même si elles n’en sont pas les employeurs au plan juridique. L’objectif du texte est de déterminer, à l’aide de trois études de cas réalisées auprès de catégories différentes de prestataires privés, si ces salariées bénéficient d’une représentation collective capable d’atteindre les détenteurs du pouvoir stratégique au sein de ces réseaux et d’établir une solidarité entre les salariées des différentes entités qui les composent. Des trois types de pratiques de représentation collective observés dans les études de cas, aucun ne correspond à une représentation réticulaire capable de prendre en compte la dynamique de pouvoir et de segmentation au coeur de ces réseaux, même si l’auteure constate les retombées positives, quoique partielles, d’une mobilisation menée par les usagers de ces services. Cette lacune altère la capacité des salariées de contrer la précarisation et la dévaluation sexuée de leur travail. L’auteure plaide pour une institutionnalisation de nouvelles formes de représentation collective dans les services d’aide à domicile au Québec allant au-delà d’une représentation d’entreprise et elle suggère des pistes de solution pertinentes à cet égard.

Pour leur part, Byoung-Hoon Lee et Sophia Seung-Yoon Lee cherchent également à contribuer au renouvellement de la théorisation du syndicalisme en mettant en avant-plan les luttes portées par les travailleurs et les travailleuses du précariat sud-coréen. En s’appuyant sur la méthode dite fs/QCA[2], ces auteurs proposent une analyse comparative qualitative d’une trentaine de cas portant sur des luttes menées par des travailleurs « non réguliers » entre 1998 et 2013 en s’intéressant à trois de leurs caractéristiques centrales : 1- l’étendue de la solidarité « interne » entre les travailleurs réguliers et non réguliers; 2- l’importance de la solidarité externe engagée avec d’autres acteurs du mouvement syndical et de la société civile; 3- l’ampleur et la diversité du « répertoire de protestation » mobilisé dans le cadre de ces mouvements de contestation. L’objectif du texte est d’identifier les combinaisons de ces caractéristiques qui permettent, non seulement de négocier de meilleures conditions de travail, mais également de pérenniser l’organisation collective instituée par ces luttes. Il ressort du texte que la présence d’une forte solidarité, autant interne qu’externe, peut être significativement associée aux succès des luttes portées par les travailleurs non réguliers, — et ce premier constat tend à appuyer les résultats d’autres travaux sur la nécessité de créer des « ponts » entre les différents groupes de travailleurs et la communauté. Le second constat découlant de leur analyse est davantage contre-intuitif : les probabilités de succès sont d’autant plus importantes que ces deux premières configurations sont combinées avec un répertoire d’actions limité.

Le recours à différents répertoires d’action non traditionnels peut être entravé par le cadre institutionnel dans lequel se meuvent les acteurs, ainsi que le montre le texte de Carole Yerochewski et Diane Gagné. Rappelant que les emplois atypiques affectent de manière disproportionnée les femmes, ainsi que les populations immigrantes ou racisées, ce qui témoigne de la discrimination systémique qui existe sur le marché du travail, les auteures se demandent si les syndicats tiennent compte de cette discrimination dans l’élaboration de leurs stratégies de représentation de ces travailleurs. Le texte aborde cette question à l’aide de l’étude longitudinale d’un cas qui met en évidence l’éventail de stratégies déployées par les syndicats. Ce cas concerne des salariées — en majorité des femmes noires d’origine haïtienne — affectées par les deux agences de location de personnel qui les employaient pour travailler auprès des personnes présentant des déficiences intellectuelles, hébergées dans des résidences gérées par un organisme parapublic en santé et services sociaux. Cet organisme était l’unique client des deux agences en cause. Ces salariées étaient représentées par deux syndicats accrédités et couvertes par des conventions collectives négociées avec les agences en cause qui prévoyaient des conditions de travail largement inférieures à celles des personnes embauchées directement par l’organisme parapublic pour faire le même travail. S’appuyant sur une approche institutionnaliste historique, les auteures abordent les stratégies syndicales mises en oeuvre dans ce cas en tenant compte du cadre institutionnel qui conditionne la représentation que les syndicats ont des problèmes de discrimination systémique. La stratégie syndicale dominante, dans ce cas, a consisté à gérer la négociation collective avec l’employeur dans une relation bipartite, laissant dans l’ombre tant les relations tripartites que la division sexuée et racisée du travail qui caractérisaient les frontières de la relation d’emploi de ces travailleuses.

En somme, le bilan que font les auteurs des trois derniers articles de notre thématique est plus que mitigé quant à la capacité des acteurs collectifs, du moins dans le cadre institutionnel actuel, d’agir comme des agents de changement capables de réguler les nouvelles relations d’emploi.

Conclusion

Plusieurs des textes réunis dans ce numéro thématique rendent compte de modalités de mise au travail qui mettent en relation diverses catégories de travailleurs avec des entreprises qui, sans avoir à leur égard le statut juridique et les responsabilités d’un employeur, exercent un pouvoir certain sur la détermination du contenu et des conditions de leur travail, ainsi qu’un certain contrôle, direct ou indirect, sur son exécution. Étaient concernés tant des travailleurs indépendants, comme les franchisés (Coiquaud et Martin) ou les travailleurs culturels (Choko et Conor), que des travailleuses et des travailleurs salariés oeuvrant dans des entreprises insérées dans des réseaux (Boivin, Yerochewski et Gagné, Choko et Conor). Dans certains cas, la protection sociale et la représentation collective étaient inapplicables à la relation d’emploi étudiée (Coiquaud et Martin; Azaïs, Dieuaide et Kesselman); dans d’autres, elles étaient inadéquates, car elles n’étaient pas à la mesure des réseaux dans lesquels ces travailleurs étaient impliqués (Choko et Conor, Boivin, Yerochewski et Gagné) et avaient même pour effet de limiter les représentations que l’acteur syndical pouvait avoir de la nature du problème et des voies d’action possibles (Yerochewski et Gagné). Les expériences ayant eu des effets positifs sur les conditions de travail recensées dans les textes se caractérisent par l’implication d’une constellation plus large d’acteurs (Choko et Conor, Boivin, Lee et Lee) et par une limitation des répertoires d’action des syndicats (Lee et Lee).

Le brouillage des frontières qui opère dans ces modalités de mise au travail vient mettre à mal la notion même de citoyenneté au et par le travail (Fudge, 2010). Une telle lecture est convergente avec l’imbrication des rapports sociaux de travail et d’emploi, de genre et d’ethnicité qui caractérise les nouvelles relations d’emploi (Yerochewski et Gagné, Boivin) et en font des vecteurs d’inégalité et d’exclusion sociale. Le cadre institutionnel actuel de la protection sociale et de la représentation collective est inadéquat en ce qu’il ne capte qu’une portion de ces rapports sociaux complexes, privant les acteurs des ressources, notamment juridiques, nécessaires pour agir sur l’ensemble du phénomène.

En ce sens, la proposition d’Azais, Dieuaide et Kesselman qui invite à comprendre la « zone grise d’emploi » mise en évidence par les nouvelles configurations organisationnelles comme un espace public dans lequel se meuvent des acteurs qui sont usuellement laissés en marge des analyses sur le travail et le syndicalisme semble porteuse. Elle permet, en outre, de rappeler que la normativité privée issue de l’action collective est une voie par laquelle la régulation du travail peut se renouveler, comme cela a été le cas, historiquement, de l’élaboration du droit du travail (Verge, 2011 : 166). En ce sens, la régulation hybride en construction pourrait bien fournir les fondements d’un cadre institutionnel mieux apte à régir les nouvelles relations d’emploi et à conférer des ressources de pouvoir aux acteurs.

Cela ne signifie pas, toutefois, que l’État doive rester passif dans l’élaboration d’un nouveau cadre institutionnel, en réagissant a posteriori aux transformations du travail et aux expériences menées par les autres acteurs. Comme l’illustre en particulier le texte de Choko et Conor, l’État peut avoir un rôle actif dans la mise en place de solutions aux enjeux que soulèvent les nouvelles configurations organisationnelles et les nouvelles figures de la relation d’emploi.

Quant à l’acteur syndical, plusieurs textes illustrent la nécessité qu’il déploie des stratégies allant au-delà du modèle institutionnel décentralisé dominant, à tout le moins en Amérique du Nord. Pour être efficaces, ces stratégies doivent être à la mesure des nouvelles configurations organisationnelles dans lesquelles les travailleurs se trouvent maintenant intégrés, ne pas se confiner aux seuls employeurs juridiquement reconnus (Boivin, Yerochewski et Gagné) ou aux seuls travailleurs salariés (Coiquaud et Martin, Choko et Conor) et avoir pour objectif de reconstruire des solidarités qui tiennent compte de l’hétérogénéité des situations de travail (Lee et Lee, Yerochewski et Gagné). À la diversité des situations de travail et des configurations organisationnelles doit correspondre une pluralité de formes d’action, afin que ne soient pas relégués dans l’ombre les besoins — autant en termes de protection sociale que de représentation — des travailleurs et des travailleuses repoussés à la marge du salariat classique.

Introduction

Increasingly, contemporary work is no longer carried out within a framework responding to the classical employment relationship between an employee and an employer, but, instead, within new organizational configurations often labelled as atypical or non-traditional (Bernier, Vallée and Jobin, 2003). These new organizational configurations, which transform the social relations of work and employment, are thus part of the dynamic that contributes to the centrifugation of employment towards peripheral labour markets (Durand, 2004), largely based on a strategy of outsourcing tasks outside of the company, the contours of which are becoming increasingly blurred.

To respond to the contemporary demands of financial capitalism, the globalization of productive systems (Plihon, 2006) is deployed using a variety of different corporate strategies : mergers and acquisitions aimed at productivity gains and lower labour costs through a reduction in the workforce ; offshoring through networks of subsidiaries and subcontractors of transnational companies to countries where labour is cheap and less protected ; the ‘re-engineering’ of value chains, and a refocusing on the core businesses of the company. This leads to a move away from activities whose profitability is lower than the international standards required by investors towards the outsourcing of certain products or services that can be manufactured more competitively by subcontracting companies (Weil, 2014).

These new organizational configurations include the use of subcontracting and franchising, temporary work—often obtained through an employment agency—or self-employment or employment that is ‘falsely independent’, and even micro-contracts of extremely short duration in what is now called the ‘gig-economy’ (Scholz, 2016). For example, we observe the evolution of the outsourcing of human resource management to employment agencies that, even in certain industrial sectors, may become “the exclusive channel of recruitment for all operator jobs” (our translation) (Gorgeu and Mathieu, 2009 : 42 ; de Tonnancour and Vallée, 2009 ; Papinot, 2013). In these new configurations, workers, whether they work as employees or as independent contractors, are often subjected to the control of an organization that does not in fact have the legal status or the responsibilities of an employer (Rubery et al., 2002). There is, therefore, a split in the role of the employer : the ‘de facto’ employer, which exercises control over the content and conditions of work, is no longer necessarily the legal employer that is responsible for social protection and carrying out a role, as employer, in the framework of collective bargaining. Thus, these organizational configurations have the effect of modifying the ‘classical’ and bipartite employment relationship that, having been consolidated in the second half of the 20th century, at least in the West, is characterized by an exchange between the acceptance of a predefined and circumscribed subordination and the assurance of a safety net based on the mechanisms of collective solidarity (including social insurance and rules relating to work and employment protection). In this case, the entity that controls the work also assumes the economic risk and the responsibility for protection (Supiot, 2004 : 70).

These new organizational configurations are accompanied by transformations in the mobilization of work. The increase in so-called ‘atypical’ jobs—part-time, temporary or occasional jobs, sometimes carried out outside the company’s physical premises and often carried out concurrently—generates disparities in treatment depending on the employment status in the labour market. Such disparities also occur within companies, undermining the solidarity of collective labour and productive cooperation. New communication technologies also promote on-demand, just-in-time labour mobilization, which requires workers to have much more time available than just the time they spend at work, availability that, for most of the time, is unpaid and generates unpredictable schedules and hours of work that affect all forms of employment and a wide range of occupations (Coiquaud, 2016 ; Boivin, 2016 ; Vallée and Gesualdi-Fecteau, 2016).

Both the prevalence and deleterious effects associated with these new configurations tend to affect workers differently according to their age, gender and ethnicity (Noiseux, 2014 ; D’Amours, 2015). Moreover, at the most precarious margins of the labour market, we observe a series of ‘tailor-made’ hiring and working practices for those Guy Standing (2011) calls denizens, whose legal status (undocumented, refugees without work permits, etc.) places them in situations of extreme vulnerability[1]. The complete breakdown of the pact linking subordination to the granting of social rights thus reopens new avenues through which labour is subsumed to capital.

These employment relations transformations cause—and form part of—a whole series of interferences that pose particular challenges for theoretical formalization, for the understanding of concrete situations of work, and for the legal and social measures that aim to ensure the social protection and representation of workers and to examine conditions for the deployment of collective action.

Blurring of the boundaries between a salaried and self-employed worker (Supiot, 1999) and the increase in ‘hybrid’ forms of labour mobilization (Dupuy and Larré, 1998 ; Morin, 1999 ; D’Amours, 2013), of ‘grey zones of employment’ (Bison-Rapp and Coiquaud, 2017), and of situations of ‘controlled autonomy’, an expression coined by Appay (1993) and taken up by Piotet (2007) and Morin (2005) to describe situations “where subjection is less due to the exclusive economic dependence of a subcontractor on its principal customer than to requirements of quality, time and training etc., which can have very direct consequences on working conditions without the client having to assume any responsibility” (Morin, 2005 :12-13) (our translation).

Blurring of the boundaries between paid work conducted in the public sphere and work that is carried out for free in the visible private sphere, in particular in the areas of childcare or home care work for vulnerable people (Taylor, 2004), and the increase in hybrid zones constructed through the process of the invisibilization of work (Krinsky et Simonet, 2012), as evidenced notably by crowdsourcing practices (Bergvall-Kåreborn, 2014) that, for the time being, escape all forms of state regulation.

Finally, the blurring of the boundaries between formal and informal work (Lesemann, 2015 ; De la Garza, 2015) becomes more and more tenuous as the focus of analysis, traditionally upon thought emanating from western countries, is decentred to embrace the Latin American, African and Asia continents. Where does informality begin and end when a non-documented worker is performing the same tasks as another whose status is formalized, or when a worker is officially employed by a company for only part of the working week ? Or when the work is only partly ‘formalized’, as is the case, for example, of a large number of care workers for whom part of the work is carried out on the periphery of assigned and remunerated tasks ?

In this issue we will explore these ‘new’ employment relationship boundaries. In response to criticism of research trends that focus too narrowly on so-called atypical jobs, which mask the fact that labour transformations ‘destabilize stables’ (Castel, 2009) or extend precariousness and risk to typical jobs (Vosko, 2007), it is necessary to study the characteristics associated with diversity in the employment relationship or, in other words, the effects stemming from the cohabitation of workers having different statuses and/or employers or parties giving the order in concrete work situations. Indeed, if solidarities arise in workplaces based on a common condition and a shared subordination (Castel, 2003), the coexistence of identical positions that have distinct employment statuses in the same work space clearly raises the question of the conditions for the emergence of these solidarities at work. Under the threat of unemployment and the precariousness of jobs, employees are driven to play a game of ‘competition between equals’, which contributes to the weakening of intra-categorical homogeneities. We see that it is a question of collective representation and class solidarity on the one hand, but on the other, and particularly in America, it is also about access to social protection.

As this blurring of the employment relationship boundaries has been spreading over a period of more than thirty years, the studies presented in this issue are able to: 1- flesh out certain employment relationship features that exist within organizational configurations and identify the type of actors who are involved and can intervene in their regulation ; and 2- take stock of the advances and the limitations of collective struggles that have been played out within these new configurations.

New organizational configurations and the employment relationship

The first three texts of this issue put forward an analysis of new organizational configurations and their consequences in terms of the protection of workers. The opening article is a study of employment relations transformations in a context of globalization using the notion of the ‘grey zone of employment’, forged by the jurist Alain Supiot, to explore convergence between ‘the state of subordination’ of employees and the self-employed. The notion is taken up and discussed by Christian Azaïs, Patrick Dieuaide and Donna Kesselman in an expanded framework that includes an ‘employment relationship with third parties’ that suggests that the grey zone of employment can be defined as a ‘public space’, understood to be a deliberation space where games of interest and power relations are coordinated and confront each other to constitute a hybrid regulation, public and private, formal and informal. It allows the authors to disentangle a stato-centric reading of the employment relationship and to free themselves from a systemic approach, inherited from the ‘employer, union, government’ triad originally developed by Dunlop (1993 [1958]). Taking the firm Uber as an example, the article goes on to show that the question of the employment of drivers cannot be reduced exclusively to legal arguments that would limit the debate to the choice between the status of being self-employed or employed. The diversity, but also the fragility of the judgments pronounced by the courts, with their partial and always provisional characteristics, suggest that the socio-professional situation of drivers, if it falls within the ‘undecidable’ area of law, cannot be understood without taking into account the action of states, territories and civil society, as well as the pre-existing social relations involved in the complex interplay of formal and informal regulation.

The action of states and local actors is also at the heart of Maude Choko’s and Bridget Conor’s analysis of the situation relating to cultural workers working in the film production industry. Generally working on projects, for short periods and for different producers, these cultural workers can fit into local or regional film production, as well as into production with a global scope that various states try to attract to their territories. In this context of globalized production, can cultural workers access collective representation and protection of their working conditions ? To answer this question, the authors compare the situation in Quebec and New Zealand. If, in these two states, the answer to this question was originally based on the legal characterization of cultural workers as employees or self-employed entrepreneurs, according to the classical binary conception, the solutions that have finally been adopted are very different. Based on a legal analysis and research focusing on cultural labour studies that they have applied in two specific cases, the authors identify the factors explaining the different characteristics of collective representation and protection of cultural workers in both systems. The comparison of two similar cases—two films to be shot, one in Quebec, the other in New Zealand, involving American producers—shows that the dynamics of local actors can change the institutional configurations currently applicable to cultural workers working in globalized film production networks.

The invisibility of the employment relationship in an inter-firm organizational configuration is illustrated in the article by Urwana Coiquaud and Isabelle Martin. The authors examine a contractual relationship that is little studied in the field of industrial relations, but is commonly found in the heart of new organizational configurations : the relationship between a franchisor and franchisee, legally independent entities, that is based around know-how or a concept that the franchisor transmits to the franchisee for financial consideration. The franchisee is legally considered to be an entrepreneur, sometimes even as an employer when he himself hires employees. By analyzing the relationship between the franchisor and the franchisee in the context of the relational contract theory, the authors show that this ongoing relationship establishes, beyond the collaboration that is necessary between them, a legal relationship of control of the franchisor over the franchisee, as well as a relationship marked by an imbalance of power that generates an economic dependence on the part of the franchisee. Many case-law examples illustrate these control and dependency relationships that are related, in a number of respects, to a relationship between an employer and an employee, which would justify the development of measures to recognize this dependence relationship when it exists outside of the wage-earning system. By making judicious use of the factual circumstances reported in the case-law relating to franchising, this text shows the importance of examining the reality of the relationships between different entities that make up the production networks, going beyond their legal characterization, in order to reveal the new frontiers of the employment relationship.

These three texts illustrate the difficulty of identifying new employment relationships, the impossibility of ‘pre-identifying’ the actors involved, and the indeterminate character of the regulatory channels to be constructed.

Collective worker representation in new organizational configurations

To what extent can new employment relationship boundaries shape new forms of resistance and collective action capable of bringing about new forms of social protection ? The last three texts in this special issue deal with this question. Taking a common theme, they all examine how the ‘precariat’ working in the interstices of employment relationships established in the ‘wage society’ can, through collective representation, itself become an agent of change. In doing so, they invite us to go beyond a reading that “presents changes in the morphology of wage-earners—and employment relationships—as a sufficient enough explanation of the obstacles to unionization” (Fribourg, 2003) (our translation).

Do employees working in the outsourced segments of a company benefit from collective representation that enables them to improve their working conditions ? Louise Boivin examines the collective representation of employees, mostly women occupying precarious jobs, working for three different categories of private providers integrated into public networks of home help services in Quebec. Studying the relationship between the entities making up these networks by using research in the critical political economy and labour process fields, the author notes that, despite the move towards the outsourcing of public home help services to private providers, it is always the public authorities that have the strategic power to determine the working conditions of these providers’ employees, even if they are not the legal employer. Using three case studies from different categories of private providers, the objective of this paper is to determine whether these employees benefit from collective representation that is capable of reaching the holders of strategic power within these networks and establishing solidarity between the employees of the various entities of which these networks are comprised. Of the three types of collective representation practices observed in the case studies, none corresponds to a reticular representation capable of taking into account the dynamics of power and segmentation at the heart of these networks, even if the author finds some positive, albeit partial effects, of mobilization carried out by the users of these services. This gap alters the ability of employees to counter the precariousness and the gendered devaluation of their work. The author argues for the institutionalization of new forms of collective representation in the home help services sector in Quebec that goes beyond firm-level representation and suggests possible solutions in this regard.

Byoung-Hoon Lee and Sophia Seung-Yoon Lee also seek to contribute to the renewal of trade unionism theorization by highlighting the struggles waged by precarious workers in South Korea. Drawing on the fs/QCA[2] method, these authors put forward a qualitative comparative analysis of thirty cases involving struggles carried out by ‘non-regular’ workers between 1998 and 2013, focusing on three principal characteristics : 1- the extent of ‘internal’ solidarity between regular and non-regular workers ; 2- the importance of external solidarity with other players in the trade union movement and civil society ; 3- the scope and diversity of the ‘repertoire of protest’ mobilized in the context of the protest movements. The aim of the text is to identify the combinations of these characteristics that not only enable the negotiation of better working conditions, but also perpetuate the collective organization established by these struggles. It is clear from the paper that the presence of strong internal as well as external solidarity can be positively associated with the success of struggles fought by non-regular workers—and this first observation tends to support the results of other work on the need to create ‘bridges’ between different groups of workers and the community. The second observation arising from the analysis is more counter-intuitive : the probabilities of success are all the more significant when the first two configurations are combined with a limited repertoire of actions.

The use of different, non-traditional repertoires of action can be hampered by the institutional framework in which actors find themselves, as the paper by Carole Yerochewski and Diane Gagné shows. Recalling that atypical jobs disproportionately affect women, as well as immigrant and racialized populations, thus reflecting the systemic discrimination that exists in the labour market, the authors ask whether trade unions take this discrimination into account when developing their worker representation strategies. The paper addresses this issue through a longitudinal case study that highlights the range of strategies employed by unions. The case involves employees—mostly black women of Haitian origin—affected by two employment agencies that employed them to work with people with intellectual disabilities housed in residences run by a parapublic health and social services organization. This organization was the sole client of the two agencies involved. These employees were represented by two accredited trade unions and covered by collective agreements negotiated with the agencies in question. These collective agreements provided for working conditions that were considerably inferior to those of employees directly employed by the parapublic organization to do the same work. Adopting a historical institutionalist approach, the authors discuss the trade union strategies implemented in this case, taking into account the institutional framework that shapes the way trade unions perceive the problem of systemic discrimination. The dominant trade union strategy in this case was to manage collective bargaining with the employer in a bipartite relationship, leaving the notion of tripartite relationships and the gendered and racialized divisions of labour that characterized the employment relationship boundaries for these workers in the shadows.

In sum, the authors’ conclusions in the last three articles of this special issue are more mixed in terms of the capacity of collective actors, at least in the current institutional framework, to act as agents of change capable of regulating new employment relationships.

Conclusion

Several of the papers in this thematic issue give an account of working arrangements that bring different categories of workers into contact with companies that, without having the legal status and the responsibilities of an employer, undoubtedtly exercise a certain power over the determination of the content and conditions of work, as well as some direct or indirect control over its execution. These workers include self-employed workers such as franchisees (Coiquaud and Martin) and cultural workers (Choko and Conor), as well as salaried workers employed in companies that are integrated into networks (Boivin, Yerochewski and Gagné, Choko and Conor). In some cases, social protection and collective representation were not applicable in the case of the employment relationship studied (Coiquaud and Martin ; Azaïs, Dieuaide and Kesselman) ; in others, they were inadequate because they were not commensurate with the networks in which these workers were involved (Choko and Conor, Boivin, Yerochewski and Gagné) and even had the effect of limiting the extent of representation that the union actor could achieve in relation to the nature of the problem and possible courses of action (Yerochewski and Gagné). Positive effects on working conditions identified in the texts are characterized by the involvement of a wider constellation of actors (Choko and Conor, Boivin, Lee and Lee) and the limitation in the repertoires of union action (Lee and Lee).

The blurring of the boundaries that exists in the employment context undermines the very notion of citizenship at and through work (Fudge, 2010). Such a reading is convergent with the intertwining of the social relations of work and employment, and of gender and ethnicity, which characterizes new employment relationships (Boivin, Yerochewski and Gagné) and makes them vectors of inequality and social exclusion. The current institutional framework of social protection and collective representation is inadequate in so far as it only captures a portion of these complex social relations, depriving the actors of resources, particularly legal resources, which are necessary to deal with the phenomenon as a whole.

In this sense, the proposal put forward by Azais, Dieuaide and Kesselman, which invites us to understand the ‘grey zone of employment’ highlighted by the new organizational configurations as a public space in which we observe actors that are usually left at the margins of analysis on work and unionism, seems interesting. Moreover, it allows us to recall that private normativity resulting from collective action is a way in which labour regulation can be renewed, as has historically been the case in the development of labour law (Verge, 2011 : 166). In this sense, a hybrid regulation that is under construction may well provide the foundation of an institutional framework better able to govern new employment relationships and empower actors.

This does not mean, however, that the state must remain passive in the development of a new institutional framework, reacting a posteriori to the transformations of work and experiments carried out by other actors. As particularly illustrated by the paper by Choko and Conor, the state can play an active role in developing solutions to the challenges posed by new organizational configurations and new patterns of employment relationships.

As for the union actor, several texts highlight the need for strategies that go beyond the dominant decentralized institutional model, at least in North America. To be effective, these strategies must be commensurate with the new organizational configurations in which workers are now integrated, and not simply confined only to legally recognized employers (Boivin, Yerochewski and Gagné) or to salaried workers (Coiquaud and Martin, Choko and Conor). Furthermore, they must aim to reconstruct solidarities that take into account the heterogeneity of work situations (Lee and Lee, Yerochewski and Gagné). The diversity of work situations and organizational configurations must correspond to a plurality of forms of action so that the needs—both in terms of social protection and representation—of workers pushed to the margins of classical wage labour are not relegated to the shadows.