Hommage à Jacques Bélanger (1952-2018)A Tribute to Jacques Bélanger (1952-2018)[Notice]

  • Gregor Murray,
  • Gilles Trudeau et
  • Christian Lévesque

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  • Gregor Murray
    Professeur, École de relations industrielles, Université de Montréal et directeur du CRIMT
    Professor, École de relations industrielles, Université de Montréal and CRIMT Director

  • Gilles Trudeau
    Professeur, Faculté de droit et chercheur au CRIMT, Université de Montréal
    Professor, Faculté de droit and CRIMT Researcher, Université de Montréal

  • Christian Lévesque
    Professeur, Département de gestion des ressources humaines, HEC Montréal et codirecteur du CRIMT
    Professor, Département de gestion des ressources humaines, HEC Montréal and CRIMT Co-Director

C’est avec tristesse et désarroi que nous apprenions, le 28 juin 2018, le décès de notre collègue et ami, Jacques Bélanger. Comme bien des lecteurs et des lectrices de la revue RI/IR le savent, Jacques Bélanger fut un professeur titulaire renommé du Département des relations industrielles de l’Université Laval, un contributeur fréquent à RI/IR, et le codirecteur et cofondateur du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail, le CRIMT. Intellectuel brillant, théoricien novateur, pédagogue chevronné, comment, dans un espace si restreint, donner un juste aperçu de ce que Jacques fut et de son immense contribution à la recherche et à l’avancement des connaissances sur le travail humain dans ses multiples déclinaisons ? Jacques Bélanger, chercheur de réputation mondiale, est toujours demeuré profondément attaché à ses origines et à Saint-Vallier de Bellechasse, son village natal. Son penchant pour les activités intellectuelles, combiné à ses performances toutes relatives dans les travaux manuels, l’a toutefois destiné aux études universitaires plutôt qu’à la ferme familiale. Il les entreprit à l’Université Laval, à Québec, où il compléta son baccalauréat et sa maîtrise en relations industrielles. Reconnaissant l’étudiant remarquable qu’il était, l’abbé Gérard Dion, alors fondateur et professeur éminent du Département des relations industrielles, le convainquit de s’inscrire au programme de doctorat de l’Université Warwick, en Angleterre. C’était en février 1978. Ses études doctorales ont profondément marqué Jacques Bélanger, ainsi que le cours de sa carrière universitaire. À l’époque, les programmes doctoraux anglais n’offraient aucune scolarité, et ne reposaient que sur l’élaboration d’un projet de recherche qui devait, ultimement, mener à une thèse de doctorat. Mais comment développer un projet de thèse quand on n’a encore jamais réalisé une recherche ? Dans la meilleure tradition empirique britannique, et face à cet étudiant manifestement studieux, mais dont la connaissance de l’anglais était moins que rudimentaire, son directeur de recherche de renommée internationale, le professeur Hugh Clegg, l’envoya dans une fonderie du Black Country, près de Birmingham, un des berceaux de la révolution industrielle. C’est certainement de là que l’anglais impeccable de Jacques tire ses origines. Partant de cette première expérience, et dans l’ambiance de recherche en relations industrielles à l’Université Warwick qu’il a tellement appréciée, Jacques a mis à l’épreuve une approche ethnographique qui a caractérisé les recherches si originales qu’il a conduites par la suite. Jacques voulait comprendre les stratégies des acteurs, convaincus de la cohérence de leur raisonnement, en dépit et à cause des facteurs contingents et structurels qui contraignent ou qui facilitent leurs actions. À ses yeux, la mondialisation de l’économie n’était pas surdéterminante; elle permettait plutôt aux acteurs de développer de nouvelles stratégies dans un contexte globalisé, d’où sa passion à découvrir ces stratégies « sur le terrain ». L’originalité et la nature de sa démarche intellectuelle ressortent bien des ouvrages suivants, qui figurent parmi les plus marquants : Workplace Industrial Relations and the Global Challenge (1994), Being Local Worldwide (2000), Work and Employment Relations in the High-Performance Workplace (2002) et L’organisation de la production et du travail (2004). Sa contribution à l’analyse des fondements du conflit et de la coopération dans la relation d’emploi ainsi qu’à l’étude des formes de résistance et de consentement des travailleurs et des travailleuses en milieu de travail est indéniable. Son apport à la compréhension du fonctionnement des firmes multinationales est reconnu internationalement. Avec des collègues britanniques, canadiens et irlandais, il a amorcé, au milieu des années 2000, un vaste projet de recherche sur les pratiques de gestion de l’emploi des filiales des firmes multinationales. À terme, neuf équipes, composées de chercheurs et chercheuses provenant d’autant de pays répartis sur quatre continents, …