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Travail et emploi des femmes, Par Margareth Maruani (2017) Paris : Éditions La Découverte, 5eédition, 126 pages. ISBN : 978-2-7071-9402‑2[Notice]

  • Catherine Le Capitaine

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  • Catherine Le Capitaine
    Professeure, Département des relations industrielles, Université Laval

Dans la cinquième édition de cet ouvrage, Margaret Maruani, sociologue aguerrie en matière d’égalité des sexes, examine l’évolution du travail et de l’emploi des femmes depuis les années 1960, en France et ailleurs en Europe, ainsi que leur situation actuelle. Tout au long de son écrit, la trame de fond est abordée à partir de ce paradoxe : le mouvement d’envergure de féminisation du salariat des dernières décennies ne s’est pas accompagné d’une régression conséquente des inégalités de sexe. L’auteure s’interroge alors sur l’issue des recompositions sans précédent du marché du travail — dont bien souvent le travail féminin constitue l’avant-scène — et ses conséquences sur la redéfinition du statut des femmes et des hommes dans la société. Elle traite de cette reconfiguration des rapports sociaux de sexe à partir de quatre thèmes, qui constituent autant de chapitres de l’ouvrage : soit l’activité, le travail, le chômage, ainsi que le travail à temps partiel et le sous-emploi. Le premier chapitre s’intéresse aux principales transformations de l’activité féminine survenues depuis le début des années 1960. La progression prégnante de la féminisation du marché du travail partout en Europe, et ce, en dépit de la crise de l’emploi, constitue un phénomène marquant des dernières décennies. Soucieuse de dépasser les seules statistiques de l’emploi portant sur l’augmentation du taux d’activité féminine à l’échelle européenne au fil du temps, l’auteure répertorie trois tendances pouvant expliquer l’essor de la féminisation de la population active : 1- la progression de l’emploi salarié et tertiaire profitable aux femmes; 2- la mutation du rapport à l’emploi marquée par la continuité des trajectoires professionnelles des femmes de 25 à 49 ans, qu’elles aient ou non des enfants; 3- la percée et la réussite des femmes dans le système scolaire et universitaire en dépit de la persistance d’une forte ségrégation dans les filières d’enseignement. Autrement dit, ce sont les salariées du tertiaire, les mères de famille, de même que les femmes diplômées et qualifiées qui ont afflué sur le marché du travail européen depuis les années 1960. Malgré ces avancées incontestables, et en dépit de l’adoption de législations sur le droit à l’égalité professionnelle, notamment en France, le deuxième chapitre permet de constater avec force la persistance, voire la recomposition des inégalités professionnelles. Même si les femmes représentent dorénavant la moitié des effectifs de la population active, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes, la non-mixité et la ségrégation perdurent. La plupart des emplois féminins sont concentrés dans un nombre limité de secteurs d’activité et regroupés sur un nombre succinct de professions déjà fortement féminisées (ségrégation horizontale). Une multitude de femmes peinent encore à accéder à des postes élevés dans la hiérarchie (ségrégation verticale). À cet effet, l’auteure constate un phénomène de bipolarisation entre les femmes qualifiées qui parviennent parfois à atteindre des fonctions et des professions autrefois dévolues aux hommes (avocates, journalistes, médecins, etc.) et celles, souvent peu ou pas qualifiées, cantonnées dans un salariat d’exécution. Malgré le renforcement des inégalités entre les femmes et leurs homologues masculins et entre les femmes elles-mêmes, ce n’est que durant les années 1960 que la question de la construction sociale des différences entre travail féminin et travail masculin investit le champ sociologique en France avec les travaux de Madeleine Guilbert qui lèvent le voile sur la déqualification et sur la dévalorisation sociale du travail féminin. Grâce au concept de division sexuelle du travail abordé dans l’ouvrage, nous comprenons que la division du travail et les rapports sociaux de sexe dans la famille génèrent d’importantes inégalités professionnelles. Cependant, les disparités entre les femmes et les hommes sont aussi façonnées par …