Corps de l’article

1. Introduction

En février 2022 la Cour d’appel du Québec confirmait une décision du Tribunal administratif du travail à propos du caractère inopérant de l’exclusion des cadres de la notion de salarié, tel que prévu par le Code du travail. Cette décision faisait suite à l’initiative de l’Association des cadres de la Société des casinos du Québec ainsi que de l’Association professionnelle des cadres de premier niveau d’Hydro-Québec, qui cherchaient à se constituer en syndicats, malgré le statut de cadre de leurs membres[1] (Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2022 QCCA 180; Bernatchez, 2022; Benessaieh, 2022).

La possibilité pour les cadres d’avoir accès à la syndicalisation représenterait un changement majeur dans le régime de relations du travail québécois. Or, on peut se demander comment réagiraient les cadres québécois à de telles modifications.

Cet article entend contribuer à la réflexion sur ce sujet en mettant en lumière le point de vue des cadres du secteur parapublic québécois. Pour ce faire, nous mobilisons les résultats de deux recherches que nous avons menées depuis 2016 auprès des membres de deux associations représentatives de cadres du secteur de la santé et des services sociaux (l’AGESSS) et de l’éducation (l’AQCS). Cela nous permettra de répondre aux deux questions suivantes : 1) Quelles sont les attentes des cadres du secteur parapublic québécois à l’égard du fonctionnement de leurs associations représentatives et des moyens à mettre en oeuvre afin de représenter leurs intérêts ? 2) Quelles sont les modifications souhaitées par ces cadres au processus de détermination de leurs conditions de travail ?

2. Mise en contexte

La représentation collective des cadres a fait l’objet de peu de recherches. Il est vrai que la période de la fin des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970 a donné lieu à de réels débats dans la communauté scientifique, à propos de la qualification des cadres par le Code du travail ainsi qu’à propos de la pertinence ou non de leur syndicalisation (Blouin, 1975; Cardin, 1964; Chartier, 1965, 1971; Solasse, 1972). Par la suite, outre quelques résultats de recherche sur le désir de syndicalisation des cadres (Tremblay et Toulouse, 1991; Tremblay et Dahan, 1993), peu de recherches ont été réalisées sur ce sujet. Pourtant, cette catégorie d’acteurs nous semble particulièrement intéressante pour réfléchir au régime de relations du travail québécois et aux modes de représentation des intérêts des travailleurs.

Il convient d’abord de rappeler que le Code du travail québécois exclut de la notion de salarié toute « personne qui, au jugement du Tribunal, est employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec ses salariés » (L.R.Q. chapitre C-27 art. 1l)1). D’amours et Arsenault (2015) soulignent que cette exclusion est très large, car elle touche tous les paliers de gestion reconnus. En ce sens, le Code du travail propose une vision dualiste des entreprises (Bourgault et Coutu, 2018). Pour le dire autrement, le Code du travail définit, d’un côté, l’employeur et ses représentants, et de l’autre les salariés, ces derniers étant les seuls à bénéficier de la possibilité d’accéder à la représentation collective et à la négociation collective. Dans le même sens, Blouin (1975, 2003) mentionne que cette façon de distinguer les acteurs des relations du travail s’appuie sur une représentation de l’organisation du travail typiquement tayloriste. Il écrit à ce propos : « Le Code retient et met en évidence l’idée fondamentale issue de la notion d’organisation et selon laquelle les entreprises doivent être structurées à deux niveaux de fonctionnement : niveau de la direction d’une part et, d’autre part, niveau de l’exécution » (Blouin, 1975, p.483).

Les conséquences pratiques de cette façon de concevoir les acteurs des relations du travail sont importantes pour les cadres, car elle les prive de l’accès à la négociation collective et à la grève.

En excluant ainsi l’ensemble des représentants de l’employeur de la notion de salarié, le Code du travail semble considérer l’ensemble des travailleurs composant cette catégorie comme un groupe homogène en ce qui a trait à leurs intérêts. Or, cela n’est pas représentatif de la réalité sociologique de ce groupe, a fortiori dans le secteur parapublic québécois, et ce, pour au moins deux raisons. D’abord, le groupe des cadres se caractérise, dans ce secteur, par sa grande hétérogénéité, en matière de niveaux hiérarchiques, de fonctions, de formations professionnelles préalables, etc. Deuxièmement, on assiste depuis quelques décennies à une centralisation importante du pouvoir dans ces secteurs. C’est donc dire que les cadres intermédiaires sont de plus en plus éloignés des lieux de prise de décision. Bref, il est difficile de croire que tous les travailleurs composant la catégorie des « dirigeants » partagent les mêmes intérêts.

2.1 Les associations représentatives de cadres

Même dans les législations où la syndicalisation des cadres est possible, leur engagement dans le syndicalisme peut paraître « incongru » (Guillaume et Pochic, 2009). En effet, comme le précisent Guillaume et Pochic (2009), il serait raisonnable de croire que la proximité des cadres de la haute direction les amène à développer une grande loyauté envers l’employeur, mais aussi à avoir moins de raisons d’être insatisfaits de leurs conditions de travail. Qui plus est, il serait possible de croire que ces acteurs mettent leur carrière à risque s’ils s’engagent dans l’action collective (Guillaume et Pochic, 2009, p.535).

Or, Guillaume et Pochic (2009) constatent qu’en France, « les cadres et les professions intellectuelles adhèrent deux fois plus souvent à un groupement syndical ou professionnel que les ouvriers » (p.536). Ils ajoutent qu’on retrouve habituellement deux grandes explications dans la littérature à propos de la syndicalisation des cadres. Celle-ci découlerait soit d’une dégradation des conditions de travail et d’emploi, ou encore d’une volonté d’arriver à une gestion plus respectueuse de l’humain. Leurs propres observations de cadres militants à la CFDT les amènent à constater que ceux-ci tiennent à leur statut de cadre, mais désirent changer les choses. À ce propos, ils écrivent : « S’engager dans un syndicalisme réformiste de propositions permet de continuer à être cadre “d’une autre façon”, d’essayer de peser sur les orientations économiques et sociales de l’employeur, et d’articuler engagement collectif et trajectoire individuelle » (Guillaume et Pochic, 2009, p.564).

Au Québec, l’implication des cadres dans un syndicat n’est pas possible, mais cela ne signifie pas que ceux-ci n’aient pas trouvé de moyens collectifs pour représenter leurs intérêts. Ainsi, les cadres québécois, plus particulièrement ceux oeuvrant dans l’administration publique, sont souvent regroupés au sein d’associations représentatives. Coutu et al. (2013) soulignent que les premières associations de ce genre apparaissent avec la Révolution tranquille. Perron (1990) avance que la constitution de ces associations doit se comprendre comme une réaction à la façon dont les cadres étaient traités à l’époque. À ce propos, il écrit : « une diminution du statut de cadre, les compressions au niveau des conditions d’emplois et l’absence de participation aux décisions sont les principaux motifs qui ont donné naissance aux associations professionnelles représentatives de cadres des fonctions publique et parapublique québécoises » (Perron, 1990, p.207).

Coutu et al. (2013) précisent que les associations de cadres sont constituées soit en vertu de la Loi des compagnies, soit en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. La création de telles associations ne s’accompagne d’aucune obligation de reconnaissance par l’employeur. En fait, Coutu et al. (2013) ajoutent que lorsqu’il y a reconnaissance de ces associations, celle-ci peut se faire par la voie législative, de manière volontaire par l’employeur ou encore par voie réglementaire. Ils ajoutent que cette reconnaissance n’entraîne aucune obligation de négociation collective. Tout au plus, certaines associations réussissent à se faire reconnaître un droit de consultation à propos de leurs conditions de travail.

Historiquement, les associations de cadres du secteur public et parapublic québécois ont été actives pour essayer de modifier le régime de relations du travail qui s’applique à leurs membres. Perron (1990) souligne que la question de la représentation collective des cadres a été abondamment traitée au courant des années 1970, cela n’étant sûrement pas étranger au fait qu’à l’époque, le Parti québécois mentionne explicitement vouloir modifier le Code du travail afin d’étendre la notion de salarié au groupe des cadres. Perron (1990) précise d’ailleurs que l’arrivée au pouvoir de ce parti en 1976 va entraîner le regroupement de certaines associations de cadres et de nombreux débats sur la pertinence ou non de la syndicalisation des cadres.

C’est dans ce contexte que naît, en 1978, la Conférence des cadres de la fonction publique et parapublique québécoise. Perron (1990) précise que les buts de la Conférence étaient alors de faciliter l’échange d’informations entre associations de cadres, de définir des positions communes à propos des relations de travail, d’agir comme instrument de communication auprès de la population et de réclamer auprès du gouvernement la mise en place d’un régime formel de relations de travail spécifique aux cadres (Perron, 1990, p.223).

En 1992, on assiste à la fondation d’un nouveau regroupement d’associations de cadres, provenant à la fois du secteur public et du secteur privé, nommé la Confédération nationale des cadres du Québec (ci-après « la Confédération ») (Coutu et al., 2013). Tout au long des années 1990, cette confédération militera pour la modification du Code du travail de façon à permettre l’adoption d’un régime de relation de travail spécifique aux cadres (Pinault, 1993, p.E-12). Plus précisément, la Confédération revendiquera le droit à la représentation collective et à la négociation collective, sans toutefois demander le droit à la grève. La Confédération demandera plutôt l’adoption d’une forme d’arbitrage en cas de différend. De plus, elle soulignera ne pas chercher à obtenir le droit de s’affilier à une centrale syndicale (Lévesque, 1996, p.A3).

En 2003, certaines associations de cadres, dont la Confédération, s’adressent au bureau international du travail afin de déposer une plainte contre le gouvernement du Canada concernant la province du Québec. Puis, en 2006, la Confédération organise un colloque intitulé : « Vers un nouveau régime de relations de travail pour les cadres ». Coutu et al. (2013) soulignent que dans la foulée de ce colloque sera formée l’Interassociation des cadres du Québec qui cherchera à obtenir trois droits : la reconnaissance des associations existantes, l’obtention du droit à la négociation collective et la création de mécanismes de résolution des différends (Coutu et al., 2013, p.390).

Les actions de l’Association des cadres de la Société des casinos du Québec et de l’Association professionnelle des cadres de premier niveau d’Hydro-Québec représentent un nouveau chapitre de cette histoire. Ainsi, en 2016, ces associations déposent des requêtes en accréditation auprès du Tribunal administratif du travail. Considérant que la situation actuelle allait à l’encontre de la liberté constitutionnelle d’association, le TAT répond favorablement aux demandes de ces deux associations. Cette décision sera confirmée par la Cour d’appel, en février 2022, qui suspendra pour une période de 12 mois les effets de la déclaration du TAT concernant le caractère inopérant de l’exclusion, donnant par le fait même au gouvernement du Québec le temps nécessaire pour modifier la disposition législative en question, s’il juge opportun de le faire (Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2022 QCCA 180; Bernatchez, 2022; Benessaieh, 2022). Soulignons que le 29 septembre 2022, la Cour suprême du Canada a accueilli la demande d’autorisation d’appel de l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

3. Problématique

Retenons de la mise en contexte que la législation du travail québécoise a adopté une vision dualiste des organisations (Bourgault et Coutu, 2018), avec d’un côté l’ensemble des représentants de l’employeur et de l’autre, les salariés. Non seulement cette façon de considérer les cadres comme un groupe homogène en ce qui a trait à leurs intérêts se heurte à la réalité sociologique d’une catégorie qui se caractérise, entre autres, par son hétérogénéité, mais elle entraîne des conséquences importantes quant à la capacité de ces acteurs à défendre leurs conditions de travail.

Retenons aussi que l’exclusion des cadres de l’administration publique québécoise de la définition de salarié au sens du Code du travail ne les a pas empêchés de se regrouper au sein d’associations représentatives vouées à la défense de leurs intérêts. Historiquement, certaines de ces associations ont milité pour la mise en place d’un régime de relation du travail spécifique à la catégorie des cadres, dans lequel ceux-ci bénéficieraient d’un droit d’association et de négociation, ainsi que d’un mécanisme de résolution de conflit autre que la grève.

La question de la représentation collective des cadres a été remise à l’avant-plan dernièrement, à la suite des actions de deux associations de cadres cherchant à se constituer en syndicat. Peu importe la décision que prendra la Cour suprême du Canada dans ce dossier, il nous semble pertinent de nous interroger sur la manière dont les cadres pourraient s’approprier ce nouveau droit, surtout que la littérature nous renseigne peu sur les attentes des cadres à l’égard de leur représentation collective.

En mobilisant les résultats de deux recherches réalisées dans les dernières années, nous croyons pouvoir contribuer à cette réflexion. Ces recherches avaient pour objectifs, entre autres, de mieux comprendre le désir de représentation collective des cadres du secteur parapublic québécois.

Ainsi, cet article répondra aux questions suivantes : 1) Quelles sont les attentes des cadres du secteur parapublic québécois à l’égard du fonctionnement de leurs associations représentatives et des moyens à mettre en oeuvre afin de représenter leurs intérêts ? 2) Quelles sont les modifications souhaitées par ces cadres au processus de détermination de leurs conditions de travail ?

3.1 Cadre conceptuel

De manière à analyser nos résultats et à répondre aux questions de recherche, nous nous sommes inspirés du cadre conceptuel défini par Hyman (1997; 1998) pour analyser la représentation collective.

Hyman (1997; 1998) propose d’analyser la représentation des intérêts en se penchant sur trois éléments : 1) les acteurs dont les intérêts sont représentés; 2) les intérêts qui sont défendus; 3) les moyens qui sont utilisés pour représenter les intérêts.

Pour définir les acteurs, Hyman (1997; 1998) propose une typologie comportant quatre groupes : l’élite, le noyau dur, les travailleurs de la périphérie et les exclus.

En ce qui a trait aux intérêts défendus, Hyman (1997; 1998) propose une typologie composée de quatre catégories. La première regroupe les revendications portant sur les salaires et les conditions de travail. La deuxième concerne les procédures, les statuts et les opportunités de carrière. La troisième catégorie concerne les revendications à propos du rôle de l’État. Cette catégorie fait référence, entre autres, à « la structure politico-légale de l’organisation et de l’action des syndicats » (Hyman, 1998, p.132). La quatrième catégorie regroupe des revendications qui ne sont pas directement liées au statut de travailleur, mais plutôt au statut de citoyen, telles que « l’environnement, la consommation, les institutions et les moyens de la communauté locale » (Idem, p.132).

Finalement, Hyman (1997; 1998) propose d’analyser les moyens utilisés pour représenter les intérêts en s’attardant à quatre dimensions. La première concerne la forme d’organisation ou d’agrégation des intérêts. La deuxième dimension concerne les capacités de l’organisation (son expertise interne, sa structure organisationnelle, etc.). La troisième dimension fait référence au niveau de démocratie de l’organisation. Finalement, la quatrième dimension concerne les modes d’action de l’organisation.

Comme nous cherchions à identifier l’opinion des membres de l’AGESSS et de l’AQCS à propos des intérêts qui devraient être défendus par leur association, ainsi que des moyens qui devraient être mis en oeuvre pour les défendre, nous avons repris les dimensions du cadre d’analyse de Hyman (1997; 1998), pour analyser nos résultats.

Pour ce qui est des intérêts du groupe, nous avions des résultats en lien avec les quatre catégories élaborées par Hyman (1997; 1998). Ces catégories sont larges et pourraient contenir de nombreux indicateurs. Dans ce contexte, nous avons ciblé dans nos résultats ceux qui nous paraissaient les plus cohérents avec les catégories de Hyman (1997; 1998). Ainsi, dans la catégorie Salaire et conditions de travail, nous nous sommes limités à un seul indicateur, soit le salaire. Dans la catégorie Droits, sécurité et opportunités de carrière, nous avons identifié trois indicateurs, soit la charge de travail, le pouvoir décisionnel, ainsi que le statut des cadres dans l’organisation. Pour ce qui est du rôle de l’État, nous avons identifié une série de droits potentiels, tels que le droit de grève, le droit de négociation collective, etc. Finalement, pour ce qui est des enjeux citoyens, nous nous sommes limités à la défense des valeurs du secteur parapublic et à la participation aux débats concernant l’avenir de ce secteur. Le tableau 1 présente ces indicateurs.

Tableau 1

Les catégories d’intérêts

Les catégories d’intérêts

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Pour ce qui est des moyens de représentation et de défense des intérêts, nous avons aussi repris la catégorisation d’Hyman (1997; 1998) et l’avons appliquée à nos résultats. Nous avons porté notre attention plus spécifiquement sur la capacité organisationnelle, le niveau de démocratie et les modes d’action. Le tableau 2 présente les indicateurs que nous avons utilisés.

Tableau 2

Différents moyens de représentation

Différents moyens de représentation

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4. Méthodologie

Les résultats proviennent de deux projets de recherche réalisés depuis 2016, auprès de cadres du secteur parapublic québécois.

Dans le secteur de la santé et des services sociaux, nous nous sommes intéressés aux cadres membres de l’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS). Cette association est constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Elle compte près de 6 800 membres actifs et plus de 1 000 membres retraités (AGESSS, 2018). L’AGESSS est reconnue par décret comme porte-parole des cadres intermédiaires du réseau de la santé et des services sociaux aux fins des relations du travail. Sur le plan structurel, l’AGESSS se compose, outre son siège social, d’instances provinciales (une assemblée générale provinciale et un conseil d’administration), ainsi que de structures locales. Les contours de ces dernières sont définis par ceux des établissements composant le système de santé et de services sociaux (AGESSS, 2018).

Dans le secteur de l’éducation, nous nous sommes intéressés aux cadres membres de l’Association québécoise des cadres scolaires. L’AQCS est incorporée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels (Perron, 1990). Elle représente plus de 2600 membres. Sur le plan structurel, elle se compose, outre son équipe permanente, d’instances provinciales (un conseil d’administration et 11 conseils professionnels). À l’échelle locale, on trouve 58 sections, qui regroupent les membres d’un même secteur géographique (AQCS, 2022).

Ces deux groupes partagent le fait de subir une dégradation des conditions d’exercice de leur travail, associée à la mise en oeuvre de mesures découlant de la nouvelle gestion publique (Grenier et al., 2020; Bolduc et al., 2018, 2017). Ce sont d’ailleurs ces modifications aux conditions d’exercice du travail de leurs membres, ainsi que des changements dans l’attitude du gouvernement à leur égard, qui expliquent que ces associations aient commandité les projets de recherche dont nous présentons les résultats dans cet article.

Dans les deux cas, il s’agissait de tracer un portrait des attentes des membres envers les priorités de leur association et ses moyens d’action. Il s’agissait aussi de mieux connaître les attentes des membres envers d’éventuelles modifications à apporter à leur régime de relation du travail.

Pour ce faire, nous avons procédé par sondage et avons opté pour la réalisation d’une étude descriptive simple, à l’aide de données quantitatives (Fortin, 2010). Il ne s’agissait pas d’identifier des corrélations entre les variables mesurées, mais bien de décrire les attentes et les opinions des cadres.

Les deux questionnaires utilisés ont été créés spécifiquement pour ces projets de recherche. Nous avons utilisé des échelles de Likert pour mesurer les indicateurs qui ont été présentés à la section précédente. Les deux questionnaires comportaient quelques différences qui s’expliquaient par les besoins spécifiques des associations commanditaires. Le questionnaire du projet avec l’AGESSS comptait 121 questions et celui avec l’AQCS 40 questions.

Dans les deux cas, un processus de validation du questionnaire a été réalisé avec la collaboration des associations commanditaires et d’un groupe de gestionnaires membres des associations. La cueillette des données a été réalisée au printemps 2017 dans le cas des membres de l’AGESSS et à l’automne 2020 dans le cas des membres de l’AQCS. Les questionnaires ont été envoyés par courriel à l’ensemble de la population à l’étude. Dans le cas de l’AGESSS, la population comptait environ 7 000 personnes au moment de l’enquête; quant à l’AQCS, la population se chiffrait plutôt à 2 350 personnes. Les deux recherches ont obtenu des taux de réponse élevés. En effet, ce sont 2 322 membres de l’AGESSS et 957 membres de l’AQCS qui ont répondu au sondage, pour des taux de participation de 33 % et de 40 %.

5. Présentation des résultats[2]

Dans cette section, nous comparerons les résultats obtenus auprès des participants membres de l’AQCS et de l’AGESSS. Prenant appui sur le modèle conceptuel présenté plus tôt, nous nous intéresserons d’abord aux intérêts à représenter, puis, dans un deuxième temps, aux moyens pour représenter ces intérêts.

5.1 Les intérêts à représenter

Nous avons demandé aux participants d’indiquer le niveau d’importance qu’ils accordent à différents sujets qui pourraient être défendus par leur association. Nous avons aussi demandé aux participants d’indiquer s’ils seraient d’accord pour que leur association défende ces sujets. Nous avons regroupé les résultats en fonction de la typologie proposée par Hyman (1997; 1998).

Les résultats sont présentés dans le tableau 3. On y constate d’abord que la catégorie salaire et conditions de travail est perçue comme une priorité par plusieurs. En effet, ce sont plus de 95 % des répondants de l’AQCS et 84 % des répondants de l’AGESSS qui considèrent le salaire comme étant un enjeu prioritaire pour leur association.

Tableau 3

Les intérêts à représenter

Les intérêts à représenter

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En ce qui a trait aux sujets associés à la catégorie « Droits, sécurité et opportunités de carrière », on constate que la réduction de la charge de travail est identifiée comme étant prioritaire par 77 % des répondants de l’AQCS et 88 % des répondants de l’AGESSS. Pour ce qui est du pouvoir décisionnel, ce sont 89 % des répondants de l’AQCS et 72 % des répondants de l’AGESSS qui considèrent qu’il s’agit là d’un sujet prioritaire. Finalement, la valorisation du statut de gestionnaire et la reconnaissance des nouvelles responsabilités des gestionnaires est identifiée comme sujet prioritaire par 65 % des répondants de l’AQCS et près de 83 % des répondants de l’AGESSS.

Pour ce qui est de la catégorie « Rôle de l’État », nous avons proposé une série de modifications possibles à l’encadrement législatif des relations du travail des cadres. Il en ressort clairement que les répondants des deux associations sont en accord avec d’éventuelles modifications au régime de relations du travail qui s’applique à leur groupe. En effet, ce sont 96 % des répondants de l’AQCS et 95 % des répondants de l’AGESSS qui seraient en accord pour que leurs conditions de travail soient déterminées dans le cadre d’un processus de négociation collective. Ce sont aussi près de 51 % des répondants de l’AQCS et près de 66 % des répondants de l’AGESSS qui seraient d’accord pour que leurs conditions de travail soient inscrites dans des conventions collectives.

On constate cependant que les répondants expriment une réticence quant à la possibilité que leur association devienne un syndicat. En effet, ce sont près de 66 % des répondants de l’AQCS et 51 % des répondants de l’AGESSS qui sont en désaccord avec cette option. En ce qui a trait à la possibilité d’exercer des moyens de pression tels que la grève, les résultats sont partagés. En effet, cette option est rejetée par 43,26 % des répondants de l’AQCS et près de 53 % des répondants de l’AGESSS, mais ce sont 36,6 % des répondants de l’AQCS qui sont en accord avec cette option et près de 25 % des répondants de l’AGESSS.

Les répondants semblent plus à l’aise avec des mécanismes de résolution de conflit moins oppositionnels, tels que l’arbitrage, qui recueille l’appui de près de 86 % des répondants de l’AQCS et de 89 % des répondants de l’AGESSS, ou encore un mécanisme qui permettrait d’obtenir les mêmes gains que le personnel, qui recueille l’appui de 72 % des répondants de l’AQCS et de 90 % de ceux de l’AGESSS. Ils seraient aussi en accord, quoique dans des proportions moindres, pour que leurs conditions de travail soient déterminées par un panel d’experts neutres. Cette dernière option récolte près de 68 % d’appui à l’AQCS et près de 74 % à l’AGESSS.

Finalement, les répondants considèrent que les intérêts associés à la catégorie « Enjeux citoyens » doivent aussi être défendus par leur association. En effet, 75 % des répondants de l’AQCS affirment qu’ils sont en accord avec le fait que leur association promeuve et défende les valeurs du système public d’éducation et près de 55 % des répondants de l’AGESSS considèrent comme prioritaire la défense des valeurs du système de santé et de services sociaux que sont la gratuité, l’universalité et le financement public. En outre, ce sont 92 % des répondants de l’AQCS qui sont en accord avec le fait que leur association prenne part aux différents débats entourant l’éducation et près de 90 % des répondants de l’AGESSS qui considèrent qu’il est prioritaire que leur association participe aux réflexions et aux débats concernant les principaux enjeux du réseau de la santé et des services sociaux.

Cette première série de résultats nous amène à poser deux constats. D’abord, les cadres accordent de l’importance à des intérêts qui font partie des quatre groupes identifiés par Hyman (1997; 1998). Ces résultats nous amènent à penser que les cadres sont conscients que l’amélioration de leurs conditions de travail passe en partie par des modifications éventuelles au régime de relations du travail ainsi que par des décisions politiques à propos des secteurs publics. Le deuxième constat est que les répondants n’expriment pas le désir de se constituer en syndicat, et qu’ils ont une position nuancée quant à la possibilité de mettre en oeuvre des moyens de pression tels que la grève.

5.2 Les moyens de représenter.

Nous avons aussi demandé aux répondants de se prononcer sur une série de moyens que pourrait utiliser leur association pour défendre et représenter leurs intérêts. Ici encore, nous avons eu recours au modèle conceptuel de Hyman (1997; 1998) pour structurer les réponses.

Pour ce qui est des capacités organisationnelles, les répondants de l’AQCS et de l’AGESSS rejettent tous deux la possibilité que leur association se limite à dispenser des services aux membres. Ainsi, ce sont 69 % des répondants de l’AQCS qui rejettent cette possibilité et 82 % des répondants de l’AGESSS. Les répondants expriment aussi une volonté de voir les instances locales de leur association jouer un rôle actif. Ainsi, ils sont en accord pour que les instances locales représentent une source d’information à propos des conditions de travail, et ce, dans une proportion de 88 % du côté de l’AQCS et de près de 97 % du côté de l’AGESSS. Ils manifestent aussi la volonté de connaître et d’avoir accès à leurs représentants locaux. Ce sont alors 80 % des répondants de l’AQCS qui sont en accord avec cette proposition et 91 % des répondants de l’AGESSS. Finalement, ils sont en accord, mais dans un pourcentage moindre, pour que leur association ait plus d’activités à l’échelle locale. Cette option amasse l’appui de près de 52 % des répondants de l’AQCS et de près de 60 % des répondants de l’AGESSS.

Tableau 4

Les capacités organisationnelles

Les capacités organisationnelles

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En ce qui a trait au niveau de démocratie de leur association, les répondants membres de l’AQCS et de l’AGESSS expriment clairement le désir que celles-ci soient des lieux d’échanges et de discussions. Dans le tableau 5, on peut voir que ce sont 94,47 % des répondants de l’AQCS et 89,3 % des répondants de l’AGESSS qui sont en accord avec cette proposition.

Tableau 5

Niveau de démocratie

Niveau de démocratie

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Pour ce qui est des modes d’action, on constate dans le tableau 6 que les répondants expriment leur accord avec plusieurs moyens associés à la concertation et au compromis. Ainsi, ce sont près de 90 % des répondants de l’AQCS et 91 % des répondants de l’AGESSS qui sont en accord pour que leur association développe un discours public qui fait le lien entre les conditions de travail des cadres et le bon fonctionnement du secteur parapublic. Ils sont aussi nombreux à donner leur appui à l’option du lobbying. Ce sont 87 % des répondants de l’AQCS et près de 91 % des répondants de l’AGESSS qui sont en accord avec cette proposition. Les répondants de l’AQCS sont plus de 95 % à exprimer leur accord avec une présence accrue de leur association auprès du ministère. Ils sont aussi en accord pour que leur association soit plus présente dans l’espace public, que ce soit dans les médias ou dans des campagnes de publicité. Ces propositions récoltent près de 74 % et près de 75 % chez les participants de l’AQCS et près de 82 % et 66 % chez ceux de l’AGESSS.

Près de 73 % des répondants de l’AQCS et 64 % des répondants de l’AGESSS seraient aussi en accord pour que leur association crée des alliances avec d’autres associations de cadres. A contrario, les répondants sont ambivalents quant à la possibilité de s’associer avec des organisations syndicales. En effet, 26 % des répondants de l’AQCS et 31 % des répondants de l’AGESSS sont en accord avec cette possibilité, alors que 38 % des répondants de l’AQCS et 31 % de ceux de l’AGESSS sont en désaccord.

Tableau 6

Les modes d’action

Les modes d’action

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Ces résultats nous amènent à poser deux constats. D’abord, nous croyons que le fait que les répondants rejettent la possibilité que leur association se limite à dispenser des services aux membres peut être considéré comme un appui à l’action collective. En ce sens, les répondants veulent que les instances locales jouent un rôle actif. Ils veulent connaître et avoir accès aux représentants locaux et veulent que ceux-ci représentent des sources d’informations à propos des conditions de travail. Ils souhaitent aussi que l’association laisse de la place au débat interne, en étant un lieu d’échanges et de discussions. Un autre constat important est qu’ils sont en accord avec des moyens d’action associés à la concertation et au compromis, et ils semblent beaucoup plus ambivalents quant à la possibilité de travailler de pair avec des organisations syndicales.

6. Discussion

Cet article entend contribuer à la réflexion à propos de la représentation collective des cadres du secteur parapublic québécois. Pour ce faire, nous avons utilisé un cadre conceptuel inspiré des écrits de Hyman (1997; 1998) pour analyser des résultats provenant de recherches réalisées auprès de cadres membres de l’AGESSS et de l’AQCS.

Nous voulions d’abord répondre à la question suivante : quelles sont les attentes des cadres du secteur parapublic québécois à l’égard du fonctionnement de leurs associations et des moyens à mettre en oeuvre afin de représenter leurs intérêts ? Nos résultats nous amènent à constater que les cadres ne veulent pas d’une association qui se limite à fournir des services aux membres. Leurs réponses soulignent aussi une volonté que leur association soit démocratique, c’est-à-dire qu’il y ait de la place pour les échanges et la discussion à l’interne.

À propos des intérêts qu’ils veulent voir défendus, il nous paraît intéressant de souligner que les cadres sont en accord pour que leur association défende des sujets provenant des quatre groupes d’intérêts principaux identifiés par Hyman (1997; 1998). Ainsi, les répondants sont d’accord ou considèrent important que leur association se préoccupe de leur salaire (premier groupe d’intérêts), mais aussi de leur pouvoir décisionnel, de leur charge de travail ainsi que de la valorisation de leur statut (deuxième groupe d’intérêts). Ils expriment aussi leur accord avec d’éventuelles modifications à l’encadrement de leurs relations de travail (troisième groupe d’intérêts) et avec la défense des valeurs associées aux services publics (quatrième groupe d’intérêts).

Cette importance accordée à un large éventail d’intérêts ne va pas de soi. En effet, Hyman (1997; 1998) souligne qu’historiquement il semble y avoir un lien entre les types d’adhérents aux mouvements sociaux ou aux organisations syndicales et les intérêts défendus. Pour le dire simplement, les groupes dont les adhérents appartiennent à l’élite et aux groupes majoritaires privilégient les questions directement liées à l’emploi, alors que les groupes représentant les travailleurs de la périphérie et les exclus mettent plutôt l’accent sur le rôle de l’État et les enjeux citoyens. Dans ce contexte, il importe d’expliquer cette volonté des cadres de voir leur association défendre des intérêts associés à l’emploi, mais aussi des intérêts plus larges. Nous croyons qu’une des pistes d’explication réside dans l’évolution historique du statut des cadres dans les secteurs de la santé et des services sociaux et de l’éducation, ainsi que dans l’évolution des conditions d’exercice de leur travail. Il semble y avoir une constante dans la dégradation des conditions d’exercice du travail des cadres de ces secteurs. En effet, on trouve des traces de ce processus à plusieurs moments dans l’histoire récente. Rappelons brièvement que Perron (1990) explique l’apparition des associations représentatives de cadres par la dégradation de leur statut et de leurs conditions de travail. Rappelons aussi que dans le secteur de la santé, les réformes de 2003 et de 2015 ont représenté des moments importants de dégradation des conditions d’exercice du travail des cadres (Bolduc et al., 2018, 2017). Dans le secteur de l’éducation, Grenier et al. (2020) ont aussi constaté une dégradation des conditions d’exercice du travail des cadres scolaires dans les dernières années.

Bref, si nous cherchons à positionner les cadres dans la typologie de Hyman (1997; 1998), nous soumettons l’hypothèse que ceux-ci voudraient faire partie de l’élite, mais qu’ils sont conscients de vivre un déclassement. Ils constatent que des dimensions importantes de leurs conditions de travail, telles que leur pouvoir décisionnel, leur charge de travail, la reconnaissance dont ils bénéficient, etc., tendent à se dégrader, et ce, depuis plusieurs années. Nous croyons que cette dégradation des conditions d’exercice du travail, et notre hypothèse quant à la perception de déclassement qui l’accompagne, constituent donc une piste d’explication de l’importance accordée à des intérêts associés directement à l’emploi, mais aussi au rôle de l’État et aux valeurs des services publics.

Ceci nous permet aussi d’expliquer que les revendications à propos des modifications législatives sont de même nature que celles qui ont été portées historiquement par les associations de cadres. En effet, le statut des cadres et les conditions d’exercice de leur travail ont connu de nombreuses modifications; or, ce qui semble être constant, c’est le processus de dégradation des conditions d’exercice de leur travail. À ce propos, force est d’admettre que les changements récents ne semblent pas avoir entraîné un désir de voir leur association utiliser des moyens plus revendicateurs.

Ceci nous amène à formuler la deuxième question à laquelle nous voulions répondre, soit : quelles sont les modifications souhaitées par ces cadres au processus de détermination de leurs conditions de travail ? Nos résultats soulignent que les cadres sont conscients de l’insuffisance des protections législatives dont ils bénéficient et qu’ils souhaitent des modifications. En effet, ils sont en accord avec l’ensemble des propositions que nous leur avons soumises, allant de la négociation collective à la détermination des conditions de travail par un panel d’experts, en passant par l’arbitrage. En fait, il serait plus exact de dire que les cadres expriment une volonté de changements à l’égard de l’encadrement législatif actuel de leurs relations de travail, mais ne manifestent pas le désir de se constituer en syndicat. En effet, ils expriment une certaine ambivalence quant à la possibilité que leur association devienne un syndicat, et que celle-ci exerce des moyens de pression associés au syndicalisme, tels que la grève.

Ce rapport au syndicalisme est intéressant, d’autant plus que lorsque nous creusons cette question, nous nous rendons compte que la différence entre les associations représentatives auxquelles nous nous sommes intéressés et les organisations syndicales ne se trouve pas dans leurs missions respectives. En effet, sur papier, les missions de l’AGESSS et de l’AQCS s’apparentent à plusieurs égards à celle d’une organisation syndicale. Nous faisons l’hypothèse que ce rapport au syndicalisme s’explique plutôt par des raisons identitaires qui découlent de la nature même du régime de relation de travail québécois. Comme nous l’avons vu précédemment, ce régime s’appuie sur une vision tayloriste (Blouin, 1975) ou dualiste (Bourgault et Coutu, 2018) des organisations, avec d’un côté les « dirigeants » et, de l’autre, les « exécutants », ces derniers étant les seuls à pouvoir se syndiquer. Nous croyons que la réaction des cadres ne doit pas être comprise comme un rejet de la représentation collective, ni même du syndicalisme en tant que tel, mais plutôt comme l’affirmation d’une volonté de faire partie du groupe des « dirigeants » et non de celui des « exécutants ». Nous faisons l’hypothèse qu’ils rejettent la possibilité de se syndiquer, car ils ne peuvent tout simplement pas être syndiqués tout en faisant partie du groupe des « dirigeants ». Le Code du travail ne permettant pas cette possibilité, contrairement à d’autres régimes de relations du travail (Solasse, 1972; Guillaume et Pochic, 2009), cela impose à ces travailleurs de se positionner dans un de ces groupes.

Cette hypothèse permet aussi d’expliquer le rejet de modes d’action plus revendicateurs. En effet, l’adoption d’une posture revendicatrice et oppositionnelle les positionnerait comme allant à l’encontre de ce groupe dont ils veulent faire partie. C’est donc dire que le régime de relations du travail actuel s’avérerait déterminant quant à la façon dont les cadres du secteur parapublic québécois réfléchissent leur représentation collective actuelle et future.

7. Conclusion

Avec cet article, nous voulions contribuer à la réflexion à propos de la représentation collective des cadres. Cette question n’est pas nouvelle, mais elle a été remise à l’avant-scène dernièrement à la suite des actions de certaines associations représentatives de cadres. À l’aide des résultats de deux recherches réalisées auprès de cadres du secteur de la santé et des services sociaux et de l’éducation, nous avons décrit les attentes des cadres à l’égard de leur association et de l’encadrement juridique de leurs relations du travail. Les résultats de ces deux recherches vont dans le même sens. Elles soulignent que les cadres ont des attentes précises envers leur association, en matière d’action collective, de structure organisationnelle et de démocratie. Les résultats soulignent aussi une réelle volonté de modifications du régime de relations du travail qui s’applique aux cadres, mais aussi une certaine ambivalence à l’égard du syndicalisme et de modes d’action revendicateurs. Nous posons l’hypothèse que les cadres sont conscients des limites des protections dont ils bénéficient, mais comme il est impossible dans le régime actuel d’être à la fois représentant de l’employeur et syndiqués, leur rejet du syndicalisme semble être une affirmation de leur volonté de faire partie du groupe des dirigeants. En ce sens, il sera intéressant de voir si la décision récente de la Cour d’appel du Québec, ainsi que celle à venir de la Cour suprême du Canada, entraîneront une évolution de leurs désirs de représentation collective.