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Introduction

L’émergence des TIC dans l’enseignement supérieur et le développement explosif de ses usages ont bouleversé entièrement le rapport au savoir et au processus de l’enseignement-apprentissage. En effet, « les TIC offrent de réelles potentialités pour accroître significativement la qualité de l’enseignement supérieur et pour modifier notre rapport au savoir » (Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], 2005, cité dans Ben Youssef et Hadhri, 2009, p. 23). Par ailleurs, Karsenti et Larose (2001) relèvent plusieurs avantages qui pourraient découler d’une intégration des TIC dans le processus d’apprentissage, dont une motivation accrue chez les apprenants, une communication augmentée et améliorée, un accès plus important à l’information et aux connaissances, un enseignement plus efficace et plus individualisé et une plus grande autonomie des apprenants.

Le Maroc s’est inscrit activement dans la restructuration du domaine des TIC et son usage en adoptant la stratégie « Maroc numérique » (Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, 2013) visant à positionner le Maroc comme une plaque tournante technologique régionale et à faire des TIC un vecteur de développement humain et économique, ce qui a incité le ministère de l’Enseignement supérieur marocain à élaborer un plan stratégique 2013-2016 afin de relever les grands défis liés à la formation, à la recherche scientifique, à la gouvernance, à la qualité de l’enseignement, à la coopération et à l’évolution du système éducatif. En ce qui concerne la dimension relative à l’intégration des TICE, on trouve deux axes qui visent à développer les usages des TIC dans le processus d’enseignement-apprentissage et à faciliter l’accès aux TIC aux différents acteurs éducatifs à travers les programmes Nafida, INJAZ et Lawhati.

Le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) a construit une vision stratégique qui s’étend sur la période 2015-2030. Cette vision met l’accent sur la nécessité de rénover les pratiques pédagogiques par l’intégration des TIC « en élaborant une stratégie nationale qui les mettra au service de la qualité des apprentissages au niveau des curricula, des programmes et des formations dès les premiers cycles d’enseignement, grâce aux différents supports numériques, aux programmes interactifs et aux réseaux » (CSEFRS, 2015).

L’usage des TIC dans le processus d’apprentissage représente actuellement pour les étudiants faisant partie de la génération « digital native » comme la désigne Prensky (2001)  une compétence-clé pour mieux s’adapter à une société en progression constante. Certes, l’OCDE (2005) affirme que même si les TIC n’ont pas encore révolutionné la salle de classe, elles modifient déjà bel et bien l’expérience d’apprentissage des étudiants en atténuant certaines contraintes liées au temps et à l’espace et en facilitant l’accès à l’information (revues en ligne et livres informatiques, portails étudiants...).

Pour mieux approcher la problématique relative aux usages des TIC chez les étudiants universitaires, nous nous appuyons sur le postulat selon lequel les TIC peuvent avoir un impact positif sur le processus d’apprentissage des étudiants, si elles ont été utilisées de manière méthodologique (Karsenti et Larose, 2001), d’où l’intérêt de cette étude qui vise à analyser les usages des TIC chez les étudiants universitaires dans le processus d’apprentissage, en se basant sur deux facteurs déterminants : l’accessibilité aux TIC et leurs usages, puisque « le contexte et l’usage sont des facteurs importants de l’impact des TIC sur l’apprentissage et le développement des compétences » (Depover, Karsenti et Komis, 2007). À cet égard, deux questions s’imposent :

  • Quel est le degré d’accessibilité aux TIC auprès des étudiants en études islamiques qui poursuivent leurs études à l’Université Abdelmalek Essaadi?

  • Quels sont les usages des TIC par ces étudiants dans le processus d’apprentissage?

Afin de répondre à ces deux questions, nous allons présenter tout d’abord le cadre théorique dans lequel s’inscrit cette étude, ensuite, la méthodologie adoptée et, enfin, les principaux résultats et leur analyse.

1.  Cadre théorique

1.1.  Usages des TIC

Tout d’abord, il est nécessaire de clarifier l’ambiguïté du sens commun du terme « usage ». D’un point de vue scientifique, on établit une distinction entre « utilisation », « usage » et « pratique ». Le terme « utilisation » renvoie à la fois à une action ponctuelle et aux aspects manipulatoires. Quant à « usage », il se rapporte aux usages sociaux, à une action communément observée dans un groupe… « Pratique », enfin, s’applique à des comportements habituels, à une expérience ou à une habitude approfondie et stabilisée caractéristique d’une culture professionnelle (Chaptal, 2007).

On trouve dans le Dictionnaire de sociologie Le Robert (« Usage », 1999) deux sens principaux à la notion d’usage. En premier lieu, cette notion renvoie à la « pratique sociale que l’ancienneté ou la fréquence rend normale dans une culture donnée ». En second lieu, les auteurs du Dictionnaire de sociologie spécifient que l’usage renvoie à « l’utilisation d’un objet, naturel ou symbolique, à des fins particulières ». On peut en déduire que les usages sociaux d’un bien, d’un instrument, d’un objet mettent en relief « les significations culturelles complexes de ces conduites de la vie quotidienne » (Proulx, 2005).

Certains auteurs (Lacroix et al., 1992; Pronovost, 1994) parlent d’usages sociaux pour désigner des pratiques qui se structurent dans le temps, à partir du moment où « des modes d’utilisation se manifestent avec suffisamment de récurrence, sous la forme d’habitudes relativement intégrées dans la quotidienneté, pour être capables de se reproduire et éventuellement de résister en tant que pratiques spécifiques ou de s’imposer aux pratiques culturelles préexistantes » (Lacroix et al., 1992, p. 244).

Le terme « usage » renvoie au continuum de définitions qui peuvent aller de l’adoption à l’appropriation en passant par l’utilisation (Proulx et Breton, 2002). À cet égard, la notion d’usage sert à traduire la relation complexe existant entre les éléments suivants : le comportement social de l’usager, les finalités de l’usage et les dispositifs technologiques.

1.2.  Typologies des usages des TIC

Dans une étude sur la typologie des usages des TIC en éducation menée par Basque et Lundgren-Cayrol (2002) — qui résume et analyse 24 typologies subdivisées en trois axes (l’axe des typologies centrées sur l’acte d’enseignement-apprentissage, l’axe des typologies centrées sur l’école et l’axe des typologies centrées sur l’apprenant) —, les auteurs ont déterminé que la typologie de De Vries (2001) constituait un bon exemple dans cette dernière catégorie.

La typologie de De Vries (2001), illustrée au tableau 1, classifie les logiciels d’apprentissage en s’appuyant sur les fonctions pédagogiques qui leur sont attribuées. De plus, elle associe chaque type spécifique de logiciel au point de vue théorique sous-jacent face à l’enseignement-apprentissage, à la tâche proposée aux apprenants et au statut accordé aux connaissances.

Tableau 1

Typologie des logiciels éducatifs de De Vries (2001)

Typologie des logiciels éducatifs de De Vries (2001)

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2.  Méthodologie

En vue de mieux cerner et d’analyser les usages des TIC auprès des étudiants dans l’activité d’apprentissage, nous avons choisi de mener une enquête par questionnaire. Ce dernier est rédigé en langue arabe pour faciliter sa compréhension, est constitué de questions fermées et semi-ouvertes et est réparti selon les axes suivants : les informations générales; l’accessibilité aux TIC; les usages des TIC dans le processus d’apprentissage.

Les participants à cette enquête sont des étudiants inscrits dans la filière des études islamiques poursuivant leurs études à l’Université Abdelmalek Essaadi.

Cette enquête s’est déroulée au début de l’année universitaire 2015-2016, en deux phases :

  • Phase de test et de rectification : nous avons testé le questionnaire avec un échantillon réduit constitué de 20 étudiants en vue de faire les rectifications nécessaires pour nous assurer qu’il a été correctement conçu.

  • Phase d’administration du questionnaire : nous avons distribué des questionnaires anonymes auprès de 250 étudiants dans un amphithéâtre. Ceux-ci ont été appelés à les remplir et à les rendre dans un délai de 50 minutes. C’est ainsi que nous avons pu récupérer 223 réponses, ce qui représente un taux de retour de 89,2 %.

Pour traiter les données recueillies, nous avons eu recours au logiciel Sphinx V5, sur lequel nous allons nous baser pour analyser les résultats de cette étude.

3.  Résultats

3.1. Les informations générales sur les répondants

Tableau 2

Répartition des répondants selon le sexe, la fonction et le niveau d’études

Répartition des répondants selon le sexe, la fonction et le niveau d’études

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Environ les deux tiers des répondants sont des femmes (soit 58,7 %) et 41,3 % sont des hommes. Par ailleurs, la quasi-totalité des répondants n’exercent aucune fonction tandis que les fonctionnaires ne représentent que 4 %. Quant au niveau d’études, tous les répondants préparent un diplôme de licence (1re année, 2e année et 3e année) en études islamiques.

Figure 1

Répartition des répondants selon l’âge

Répartition des répondants selon l’âge

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Près du tiers des répondants ont de 18 à 21 ans, ce qui représente l’âge de fréquentation habituelle aux 1er et 2e cycles universitaires, tandis que 66 % d’entre eux sont âgés de plus de 22 ans : cela dépasse l’âge de fréquentation habituelle pour la préparation d’un diplôme de licence, du fait que la filière des études islamiques est une filière à accès ouvert.

3.2. L’accessibilité aux TIC

3.2.1.  Accessibilité aux équipements et au matériel informatiques

Figure 2

Accessibilité aux équipements informatiques chez les étudiants

Accessibilité aux équipements informatiques chez les étudiants

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Il est avéré que la plupart des étudiants possèdent des téléphones intelligents, et presque la moitié d’entre eux disposent d’ordinateurs portables. Par ailleurs, environ le tiers des répondants possèdent des téléphones cellulaires et le quart d’entre eux disposent de supports de stockage de type USB. Par contre, une infime partie des répondants disposent des équipements suivants : des ordinateurs de bureau, des modems Internet 3G/4G ou ADSL, des tablettes et des imprimantes.

3.2.2.  Mode de branchement à Internet

Figure 3

Mode de branchement à Internet

Mode de branchement à Internet

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Les résultats nous montrent que plus des trois quarts des étudiants se connectent à Internet en utilisant la connexion 3G; tandis que 44 % des répondants nous confirment qu’ils se connectent à Internet en utilisant le Wi-Fi offert généralement dans des lieux publics ou des cybercafés. Par contre, une infime partie d’entre eux utilisent un mode de branchement à Internet de type ADSL et 4G.

3.2.3.  Lieux d’accès à Internet

Figure 4

Lieux d’accès à Internet

Lieux d’accès à Internet

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La majorité des répondants accèdent à Internet depuis leur domicile; le quart des répondants se connectent à Internet à partir des lieux publics, de l’Université et des cybercafés. Par ailleurs, seulement 10 % accèdent à Internet à partir des bibliothèques.

3.2.4. Fréquence d’utilisation des TIC

Figure 5

Fréquence d’utilisation de l’ordinateur, d’Internet et des téléphones intelligents ou des tablettes (en heures, par semaine)

Fréquence d’utilisation de l’ordinateur, d’Internet et des téléphones intelligents ou des tablettes (en heures, par semaine)

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Il s’avère que presque les trois quarts des répondants utilisent l’ordinateur de une heure à dix heures par semaine, alors qu’une infime partie d’entre eux confirment l’utiliser pendant plus de 11 heures par semaine, sauf qu’il ne faut pas négliger un groupe de répondants de 7,2 % (soit 16 étudiants) qui n’utilisent jamais l’ordinateur.

Concernant l’utilisation d’Internet, les deux tiers des répondants utilisent Internet de une à dix heures par semaine. Le tiers des répondants l’utilisent pendant plus de 11 heures par semaine.

Quant à l’utilisation des téléphones intelligents ou des tablettes, on constate que presque la moitié des répondants les utilisent de une à dix heures par semaine et l’autre moitié les utilisent pendant plus de 11 heures par semaine. Par ailleurs, une infime partie d’entre eux ne les utilisent pas.

3.3. Usage des TIC dans le processus d’apprentissage

3.3.1. Outils de communication

Figure 6

Outils de communication utilisés par les étudiants dans le cadre de l’apprentissage

Outils de communication utilisés par les étudiants dans le cadre de l’apprentissage

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Les résultats révèlent que les étudiants utilisent une panoplie d’outils de communication synchrone et asynchrone pour rester en contact avec leurs pairs. Près des trois quarts des répondants déclarent utiliser le réseautage social et plus de la moitié des répondants utilisent la messagerie instantanée. Par ailleurs, le tiers des répondants utilisent les appels téléphoniques, l’application Whatsapp et la messagerie électronique et le quart des étudiants utilisent le SMS, et moins de 15 % des étudiants affirment utiliser le forum dans le processus d’apprentissage.

Figure 7

Usages des outils TIC de communication chez les étudiants avec leurs pairs dans le cadre de l’apprentissage

Usages des outils TIC de communication chez les étudiants avec leurs pairs dans le cadre de l’apprentissage

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Il s’avère que près des deux tiers des répondants affirment utiliser les outils de communication avec leurs pairs dans le cadre de l’apprentissage pour échanger des idées, demander de l’aide et se renseigner. Près du tiers d’entre eux utilisent ces outils en vue de partager des idées et des documents relatifs aux cours et d’échanger des nouvelles. Par contre, une proportion limitée des répondants affirment utiliser ces outils pour collaborer dans l’élaboration de projets de recherche.

Figure 8

Usage des outils TIC de communication chez les étudiants avec leurs enseignants dans le cadre du processus d’enseignement-apprentissage

Usage des outils TIC de communication chez les étudiants avec leurs enseignants dans le cadre du processus d’enseignement-apprentissage

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Les résultats révèlent que près de la moitié des répondants n’utilisent aucun outil de communication avec leurs enseignants dans le cadre du processus d’enseignement-apprentissage. Par ailleurs, presque 20 % utilisent ces outils pour demander de l’aide et échanger leurs idées. Par contre, une infime partie d’entre eux utilisent ces outils avec leurs enseignants pour les raisons suivantes : l’échange de nouvelles, les demandes de renseignements, le partage de documents relatifs aux cours et l’encadrement dans le cadre des projets de recherche.

3.3.2. Outils bureautiques de production

Figure 9

Maîtrise des outils bureautiques

Maîtrise des outils bureautiques

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Les résultats montrent que plus des deux tiers des répondants affirment maîtriser le logiciel de traitement du texte Microsoft (MS) Word, et plus du tiers des répondants sont à l’aise avec l’utilisation du logiciel de présentation MS PowerPoint. Par ailleurs, un nombre limité des étudiants maîtrisent le logiciel de calcul MS Excel. En revanche, un nombre remarquable des étudiants (environ 17 %) déclarent qu’ils ne maîtrisent aucun de ces logiciels.

Figure 10

Fréquence d’utilisation des outils bureautiques par les étudiants

Fréquence d’utilisation des outils bureautiques par les étudiants

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Il s’avère que les étudiants utilisent moyennement les outils bureautiques dans la production des documents numériques dans le cadre du processus d’apprentissage. En effet, près de la moitié des étudiants utilisent souvent ou toujours le logiciel de traitement de texte MS Word, quand près du tiers d’entre eux confirment utiliser régulièrement le logiciel de présentation MS PowerPoint, tandis que moins de 19 % déclarent utiliser souvent ou toujours le logiciel de calcul MS Excel.

3.3.3. Outils de recherche de l’information

Figure 11

Fréquence d’utilisation des outils de recherche d’information par les étudiants

Fréquence d’utilisation des outils de recherche d’information par les étudiants

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Nous constatons que la majorité massive des étudiants utilisent souvent ou toujours le moteur de recherche populaire Google dans la recherche d’information, quand près de la moitié des étudiants utilisent souvent ou toujours les ressources électroniques, les cours vidéo en ligne/CD-Rom et les sites Web. Tandis qu’une infime partie des étudiants (moins de 10 %) affirment utiliser souvent ou toujours les outils pédagogiques de recherche d’information : les moteurs de recherche scientifique (tels que Google Scholar), les bases de données (des articles, des mémoires, des thèses, des bibliothèques en ligne…), les wikis et les blogues.

Figure 12

Degré de facilité d’usage des outils de recherche d’information en ligne

Degré de facilité d’usage des outils de recherche d’information en ligne

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En ce qui concerne la facilité d’usage des outils de recherche en ligne pour accéder aux informations pertinentes, seulement 10 % des répondants déclarent qu’ils accèdent très facilement à l’information désirée sur Internet, alors que près de 57 % estiment que c’est moyennement facile. Par contre, près du tiers d’entre eux confirment l’existence de difficultés pour trouver les informations recherchées.

Figure 13

Degré de satisfaction à l’égard des résultats trouvés par la recherche d’information en ligne

Degré de satisfaction à l’égard des résultats trouvés par la recherche d’information en ligne

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Les résultats révèlent qu’une partie infime des répondants sont très satisfaits à l’égard des résultats obtenus en utilisant les outils de recherche sur Internet, alors que près de 53 % sont moyennement satisfaits. Par contre, plus du tiers d’entre eux ne sont pas satisfaits des résultats trouvés lors de la recherche des informations en ligne.

4. Discussion

4.1. Sur le plan de l’accessibilité aux TIC

D’après les résultats obtenus, presque 57 % des étudiants ont déclaré qu’ils ne disposent pas d’ordinateur portable et 81 % ont affirmé qu’ils ne possèdent pas d’ordinateur de bureau, ce qui nous amène à évoquer la question de l’inégalité en ce qui a trait à la possession d’un ordinateur. Bien qu’un nombre important d’étudiants aient été subventionnés par le programme INJAZ pour l’acquisition d’ordinateurs portables et d’abonnements Internet, ce programme était destiné seulement aux étudiants des cycles d’ingénieur, de master et de doctorat. Conscient de la problématique de généralisation d’accès aux TIC, le ministère de l’Enseignement supérieur marocain vient de lancer un nouveau programme appelé « Lawhati » qui vise à mettre à la disposition de tous les étudiants, sans exception, inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur des « tablettes 2 en 1 » à des prix avantageux. La population cible est estimée selon l’appel à manifestation d’intérêt no 2/2015, au titre de l’année universitaire 2015-2016, à plus de 1,3 million de bénéficiaires.

En ce qui concerne l’accessibilité aux services Internet, tous les étudiants ont affirmé qu’ils accèdent à Internet au moins une heure par jour, dont la majorité massive fait son accès à domicile. En effet, près de 82 % des étudiants possèdent un téléphone intelligent qu’ils utilisent quotidiennement, dont près de 77 % se servent pour accéder à Internet via la connexion 3G du téléphone. Par ailleurs, près de la moitié des répondants ont déclaré qu’ils se servent du Wi-Fi des lieux publics et des cybercafés pour se connecter à Internet. En effet, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (2015) affirme que le taux de pénétration de l’Internet a atteint 41,06 % au terme du troisième trimestre 2015, dont l’accès Internet mobile représente 92,17 % du parc global Internet, suivi de l’ADSL avec 7,82 %. Ainsi, cette inégalité d’accès aux TIC va sûrement influencer le degré de leurs usages, conformément aux résultats de Kaddouri, Bouamri et Azzimani (2012) qui affirment que « la majorité des étudiants des universités au Maroc est dans une situation de non-usage des TIC, en raison de l’inaccessibilité des outils technologiques à domicile et sur les campus universitaires » (p. 74).

4.2. Sur le plan des usages des TIC dans le processus d’apprentissage

4.2.1. Outils de communication

Les sites de réseautage social et la messagerie instantanée sont les outils de communication les plus utilisés par la majorité des étudiants dans le processus d’apprentissage, ce qui a été confirmé par d’autres travaux de recherche en éducation qui s’intéressent aux usages des réseaux sociaux en général et de Facebook en particulier par des étudiants universitaires. Ces études montrent que ces derniers utilisent les réseaux sociaux pour maintenir le contact et passer du temps entre amis (Hart, 2010; Thivierge, 2011) et « pour se divertir en manifestant même plus d’envie pour apprendre de nouvelles techniques et compétences qu’ils n’explorent pas forcément dans le cadre de leurs études » (Kaikai, 2014, p. 45). En outre, le rapport annuel de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications de 2014 indique que : « la participation à des réseaux sociaux, l’accès à la messagerie instantanée… sur Internet arrivent toujours en tête des activités des internautes marocains » (p. 28).

Les étudiants ayant participé à cette étude ont souligné l’importance d’utiliser les TIC pour rester en contact avec leurs pairs en dehors de l’Université, puisqu’elles permettent à près des deux tiers des répondants d’échanger leurs idées, de demander de l’aide et de se renseigner. En effet, les outils de communication synchrone et asynchrone peuvent faciliter la communication informelle autour des activités de classe (Lampe et al., 2011) puisqu’ils créent un espace virtuel de discussion en ligne auprès des étudiants en offrant l’occasion de participer aux diverses activités d’apprentissage en ouvrant ainsi la porte aux étudiants timides ou réticents à s’impliquer dans des discussions face à face (Ipsos MORI, 2008).

Cependant, ces usages restent très limités, car seulement le tiers des répondants ont affirmé utiliser les outils de communication pour collaborer dans l’élaboration des projets de recherche et pour partager ou co-construire leurs savoirs, du fait que « les étudiants [universitaires marocains] font un usage régulier des TIC dans leur vie quotidienne, mais rarement dans leur vie universitaire pour apprendre » (Kaddouri et al., 2012, paragr. 26). D’autres travaux de recherche montrent que ces outils soutiennent de nouvelles formes de collaboration et de co-construction des savoirs (Ellison, Steinfield et Lampe, 2007; Margaryan, Nicol, Littlejohn et Trinder, 2008), et qu’ils augmentent la pensée critique des étudiants (Szabo et Schwartz, 2009). De plus, ils favorisent l’ouverture à diverses perspectives : la recherche, l’analyse, la réflexion et la pensée divergente (Lockyer, Patterson et Harper, 2001).

En ce qui regarde l’utilisation des outils de communication par les étudiants avec leurs enseignants, elle reste très limitée, puisque près de la moitié des répondants ont déclaré qu’il n’existe aucune possibilité de communication en dehors de la classe. Cela est dû, selon Kaikai (2014), « à la réticence aussi bien de la part des enseignants, qui se montrent peu engagés dans le processus d’intégration des TIC, que de la part des étudiants, qui se trouvent confrontés à l’absence d’encadrement et d’accompagnement par les enseignants » (p. 48), puisque la formation de base des enseignants ne prend pas en charge l’intégration des TICE (Bezzari, 2013; Kaddouri et al., 2012). Et ceci, en dépit des apports indéniables des TIC à la communication entre les étudiants et leurs enseignants, puisque les TIC augmentent les interactions entre les étudiants, entre le formateur et les étudiants, de même qu’entre le matériel pédagogique et les étudiants (Wang, 2007). Par ailleurs, une infime partie des répondants profitent du potentiel offert par les TIC pour communiquer et interagir avec leurs enseignants, soit au niveau de l’encadrement et de l’accompagnent, soit au niveau de l’échange et du partage. C’est ainsi que ce taux de participation reste faible, les canaux de communication étant organisés volontairement par les enseignants (Bezzari, 2013) et de manière informelle autour d’activités de classe (Lampe et al., 2011), et que les environnements électroniques ne garantissent pas systématiquement la qualité des interactions, car l’implication des participants semble difficile à créer et à maintenir (Dillenbourg, Poirier et Carles, 2003). Néanmoins, une meilleure communication entre les acteurs clés et la possibilité de recevoir certaines informations en dehors de l’organisation temporelle du cours s’avèrent très appréciées par les étudiants (Raby et al., 2011).

4.2.2. Outils bureautiques de production

En ce qui concerne les outils bureautiques utilisés par les étudiants dans la production des documents numériques dans le cadre du processus d’apprentissage, les résultats révèlent que près de la moitié d’entre eux utilisent le logiciel de traitement de texte MS Word pour réaliser des rapports et des résumés des cours, près du tiers utilisent le logiciel de présentation MS PowerPoint pour élaborer des exposés, et près de 19 % utilisent le logiciel Excel pour faire des calculs statistiques. Sauf que ces usages restent très faibles puisqu’ils concernent uniquement ceux qui les maîtrisent grâce à « l’autoformation guidée par leur volonté d’apprendre » (Kaikai, 2014, p. 48) et leur motivation à découvrir les nouveautés technologiques, tandis qu’un nombre important d’étudiants ne profitent pas du potentiel de ces outils pour l’organisation de leurs travaux et la bonification de leurs présentations, alors qu’ils faciliteraient la communication de leurs connaissances.

4.2.3. Outils de recherche

Concernant le processus de recherche d’information, les résultats montrent que la majorité massive des répondants utilisent les moteurs de recherche généraliste, notamment celui de Google qui est considéré comme un point d’entrée pour la majorité des chercheurs, pour accéder à l’information (Herrera, 2007) et qui est ainsi devenu l’outil incontournable des étudiants pour accéder rapidement à l’information.

Cependant, une partie infime des étudiants déclarent qu’ils trouvent facilement l’information recherchée et qu’ils sont satisfaits des résultats trouvés, étant donné que la majorité massive d’entre eux n’utilisent pas les outils de recherche scientifiques sur Internet (tels que Google Scholar, les bases de données, les bibliothèques en ligne…). Ces données sont conformes aux résultats de Kaikai (2014), qui confirme que l’usage des outils de recherche d’information scientifique (tels que les bases de données, les revues scientifiques…) est rare auprès des étudiants qui poursuivent leurs études dans quatre universités marocaines. Cela est dû soit « au manque de compétences ou à la méconnaissance de l’existence de tels outils » (Kaikai, 2014, p. 45) soit à la méconnaissance de l’efficacité et de l’utilité de ces outils de recherche, sachant que ces derniers permettent d’effectuer facilement une recherche étendue portant sur des travaux universitaires en explorant une diversité de ressources numériques et qu’ils offrent une approche simple de la recherche universitaire (Cothran, 2011).

D’où l’intérêt de développer chez les étudiants les compétences informationnelles qui représentent un « ensemble des connaissances et des savoir-faire requis par l’apprenant pour reconnaître ses besoins en matière d’information et être en mesure de localiser, évaluer et utiliser efficacement cette information » (Depover et al., 2007, p. 57). À cet égard, certains pays, comme le Canada, prennent en considération l’importance de développer ces compétences qui correspondent, selon Dumouchel et Karsenti (2013), à des aptitudes, des habilités ou encore des compétences en recherche et traitement de l’information, tant sur support papier que sur support numérique.

Conclusion

L’objectif du présent travail de recherche était d’analyser les usages des TIC dans le processus d’apprentissage auprès des étudiants en études islamiques inscrits à l’Université Abdelmalek Essaadi, en déterminant le degré d’accessibilité aux TIC et leurs usages dans l’activité d’apprentissage. L’analyse des données fait ressortir qu’il existe encore une double fracture numérique. La première est relative à l’inégalité d’accès aux TIC et la seconde concerne les usages limités des TIC dans le processus d’apprentissage.

Tout d’abord, sur le plan de l’accessibilité aux TIC, il existe une inégalité en matière d’équipements technologiques, notamment celle qui est relative à la possession des ordinateurs et des modems Internet, sauf que la majorité massive des étudiants possèdent un téléphone intelligent. Néanmoins, tous les étudiants utilisent quotidiennement les services Internet au moins une heure par jour, en y accédant notamment via la connexion 3G du téléphone et le Wi-Fi des lieux publics et des cybercafés. Conscient de cette réalité, le Maroc a multiplié ses actions dans le secteur de l’enseignement supérieur pour généraliser les TIC et faciliter l’accès des étudiants aux services numériques. Par ailleurs, l’usage des TIC dans le processus d’apprentissage reste limité puisque les étudiants ne tirent pas profit des potentialités énormes de tels outils dans cette activité.

En premier lieu, les résultats révèlent que les étudiants utilisent massivement les outils de communication avec leurs pairs, particulièrement les réseaux sociaux et la messagerie instantanée. Ces outils leur permettent d’échanger leurs idées, de demander de l’aide et de se renseigner, en ne prenant pas en compte leurs usages optimaux tels que la collaboration, le partage et la co-construction des savoirs. De plus, un nombre important des étudiants a souligné l’absence de possibilité de communication avec leurs enseignants en dehors de l’Université. Pour tirer profit du potentiel de ces outils, il vaut mieux créer des moyens de communication synchrone ou asynchrone de manière formelle entre les étudiants et leurs enseignants selon des scénarios bien déterminés afin d’améliorer l’activité d’enseignement-apprentissage.

En second lieu, les résultats indiquent que les outils bureautiques de production des documents (MS Word, MS Excel et MS PowerPoint) sont utilisés uniquement par ceux qui les maîtrisent. D’où l’intérêt de renforcer les acquis des étudiants en outils bureautiques à travers des formations certifiantes comme les programmes de certification MOS (Microsoft Office Specialist) ou les programmes ICDL (International Computer Driving License) qui permettent de valider leurs compétences dans l’utilisation des outils bureautiques selon des standards internationaux et d’obtenir un certificat reconnu mondialement.

En dernier lieu, les résultats montrent que la majorité massive des étudiants utilisent le moteur de recherche généraliste Google dans le processus d’apprentissage en tant qu’outil incontournable de recherche d’information. Toutefois, ils éprouvent des difficultés à accéder à l’information pertinente; en plus, ils ne sont pas satisfaits des résultats obtenus, en raison de la méconnaissance des outils scientifiques de recherche sur Internet ou du manque de compétences informationnelles et technologiques pour trouver, évaluer et utiliser efficacement l’information recherchée. D’où la nécessité de développer chez les étudiants ces compétences qui permettent de multiplier les occasions d’apprentissage en autonomie et d’exploiter les outils adéquats des TIC pour accéder à l’information pertinente et l’utiliser efficacement.

À la lumière de ces résultats, il apparaît nécessaire de mettre en place une stratégie nationale prometteuse de l’intégration des TIC dans l’enseignement supérieur visant à promouvoir les programmes de diffusion des TIC et leur maîtrise, à travers l’amélioration des services numériques, la généralisation de l’accès aux TIC et le développement des compétences informationnelles et technologiques chez les étudiants, améliorant ainsi leurs usages des TIC dans le processus d’apprentissage.