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Je pense être né à la bonne époque. Ayant vu le jour au milieu de la décennie de 1980, je suis membre d’une génération qui a assisté à l’avènement de l’ère numérique. Lors de mes années formatrices, j’ai vécu avec curiosité l’arrivée de nombreuses innovations qui, de nos jours, semblent tellement banales que leur importance initiale est parfois oubliée. Je pourrais aisément raconter mes premières expériences avec YouTube, Wikipédia, Facebook (qui, à l’époque, était accessible seulement aux étudiants universitaires), ma première adresse courriel, tout en revivant l’explosion sociale de Napster et iTunes. Mon cheminement à travers cette transition sociétale m’a inculqué une perspective unique face au numérique. J’ai le luxe de me souvenir du temps d’avant l’ère numérique; la majorité de ma scolarité s’est achevée sans accès régulier à des outils numériques modernes, ce qui me permet d’apprécier leur contribution au fonctionnement de la vie quotidienne.
Aujourd’hui, j’oeuvre comme enseignant de biologie au collégial tout en poursuivant un doctorat en psychopédagogie. Lors de ma formation pédagogique initiale, j’ai suivi un cours sur le numérique éducatif qui m’a révélé un nouveau potentiel pour ce groupe d’outils fascinants. Une fois arrivé dans la salle de classe, malgré la multitude d’options qui m’étaient offertes et mon enthousiasme, je n’ai pas su fructueusement utiliser le numérique. Initialement, j’avais l’impression que celui-ci était une solution miracle à plusieurs de mes difficultés en salle de classe. Avec un recul, je considère que cette perspective provenait probablement de mon vécu : j’étais tellement enthousiaste face aux innovations et au potentiel offerts par le numérique que je tentais de l’utiliser le plus possible. Cependant, cette approche remportait peu de succès et je ne voyais pas beaucoup de retombées positives pour mes étudiants, en dépit des efforts que je déployais.
Avec le temps et le développement de mes compétences enseignantes, j’ai compris une réalité cruciale pour mon enseignement avec le numérique : le succès de ma pratique ne dépend pas de l’outil numérique employé, mais bien de l’intentionnalité avec laquelle cet outil est exploité. Cette prise de conscience m’a permis de pleinement profiter des avantages qu’offre le numérique en éducation. Je gère dorénavant ma pratique enseignante de manière à prioriser l’apprentissage étudiant et non l’utilisation d’outils numériques. Le résultat est clair : j’utilise moins d’outils numériques, mais j’en tire profit plus efficacement. Je vise l’apprentissage de mes étudiants lors de l’utilisation du numérique en classe, en ciblant des objectifs pédagogiques précis et en planifiant soigneusement la mise en oeuvre de ces outils. Avec le temps, ces stratégies ont mené à des apprentissages riches et authentiques pour mes élèves.
Cette transformation pédagogique m’a aussi poussé à entreprendre des études supérieures en psychopédagogie. Je voulais en savoir plus sur les difficultés que j’ai vécues en début de pratique. Étaient-elles normales? Quels soutiens m’étaient offerts? Comment d’autres enseignants vivaient-ils ce processus? Ce questionnement initial a engendré en moi un intérêt pour la recherche en sciences de l’éducation, avec une curiosité particulière pour le numérique éducatif et son déploiement en salle de classe. Ma recherche doctorale vise une exploration des processus pour soutenir l’utilisation du numérique éducatif par les enseignants du collégial, un projet qui a aussi influencé ma pratique enseignante par les lectures et expériences vécues au cours de mes études.
La publication récente du Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur, ainsi que le Cadre de référence de la compétence numérique, tous deux publiés par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, sont d’une importance marquée, tant pour ma pratique enseignante, que pour mes activités de recherche. Dans ma salle de classe, ces références m’aident à définir et guider mes utilisations pédagogiques du numérique en me permettant de cibler des dimensions de la compétence numérique précises; l’accès à de tels guides au début de ma pratique aurait grandement facilité mon entrée en profession. Du côté de la recherche, ces références me sont utiles, car elles servent de cadres d’analyse pour, entre autres, l’étude des pratiques numériques enseignantes.
Les impacts du numérique sur mes parcours personnel et professionnel ont été déterminants. Sur le plan personnel, parce que j’ai traversé la métamorphose sociétale vers l’ère numérique, je peux apprécier son impact et son importance au quotidien. Cette réalisation laisse parfois place à des discussions cocasses avec mes étudiants, trop jeunes pour avoir eu cette expérience; j’explique régulièrement que l’icône de sauvegarde dans Microsoft Word n’est pas un téléviseur, mais bien une disquette sur laquelle nous sauvegardions jadis un nombre restreint de documents. Professionnellement, mon cheminement a su guider ma pratique. Initialement, mon enthousiasme professionnel pour le numérique était si fort que je n’ai pas su judicieusement exploiter ses avantages. Avec le temps, cependant, j’ai réussi à en transformer l’utilisation afin de cibler des besoins précis et de soutenir l’apprentissage de mes élèves. Toutes ces expériences m’ont ensuite guidé vers la recherche fondamentale en éducation sur le numérique éducatif, qui continue d’être, pour moi, une passion.