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Introduction

Alors que les usages des technologies numériques en éducation et les idées de formation à distance (FAD) ou hybride se déploient progressivement depuis le début des années 2000, la pandémie de COVID‑19 oblige à une rapide accélération des changements dans l’ensemble des milieux éducatifs. La nécessité de passer d’un enseignement en présence à la distance a pris de court la majorité des acteurs de l’éducation au Québec, entraînant ainsi anxiété et frustration du côté tant des apprenants que des enseignants (Melançon, 2020; Trudel, 2020). De fait, alors que « temps et formations adéquates semblent être les grands piliers inhérents à une intégration réussie du numérique en éducation » (Karsenti, 2018, p. 39), les enseignants doivent, sans l’un ni l’autre, rapidement adapter à la distance des cours conçus pour être effectués en classe (Caron, 2020; Kaden, 2020). Les enseignants n’ont guère le choix, bien que leurs compétences soient plus ou moins développées en intégration des technologies et leurs connaissances souvent moindres concernant la FAD et ses multiples possibilités (Trestini et Cabassut, 2019; Yildiz et Erdem, 2018). Par ailleurs, le soutien dont disposent ces enseignants varie là aussi d’un établissement à l’autre (Bates, 2012) et la distance imposée par la pandémie, qui les sépare des personnes susceptibles de les aider, ne facilite pas les adaptations nécessaires. Il en va de même pour les apprenants qu’ils accompagnent et dont les équipements, les compétences et les niveaux d’autonomie sont eux aussi variés. Ainsi, dans cette situation contraignante pour tous, les adaptations et la bonne volonté des uns et des autres se traduisent par des pratiques diverses et variées (Conseil supérieur de l’éducation, 2020), qui se mettent en place en fonction des connaissances, des compétences et des visions tant de la FAD que du métier d’enseignant.

Un tour d’horizon des formations proposées au Québec fait ressortir que certaines formations en technologie éducative ou en FAD existent. Toutefois, celles-ci étant composées de cours universitaires d’au moins quinze semaines chacun, elles ne sont pas adaptées à l’urgence de la situation qui est d’initier rapidement des dizaines de milliers d’enseignants, du préscolaire au supérieur. En outre, la formation initiale des maîtres au Québec (préscolaire, primaire et secondaire) comprend généralement un cours d’intégration des technologies à l’enseignement et à l’apprentissage, mais les éléments essentiels de la formation à distance ne sont souvent pas abordés. En effet, la seule compétence relative au numérique (compétence 8) dans le référentiel de compétences des enseignants (Martinet et al., 2001) traite uniquement d’intégration des TIC et n’aborde aucunement le contexte de formation à distance.

Diverses offres de formation et de ressources éducatives ont ainsi progressivement émergé, notamment sous l’impulsion du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. En effet, certains établissements ont été mandatés pour créer des sites de ressources comme L’école ouverte ou des MOOC pour assurer un soutien accru à leurs membres. L’Université TÉLUQ s’est, quant à elle, vu confier le mandat de mettre en place une formation pour amener tous les enseignants du Québec à se familiariser avec la FAD. La diversité des types de formation et de soutien proposés met en relief le fait qu’il n’y a pas de bonne voie unique pour former les enseignants au passage accéléré à la distance. Dans cet article, nous souhaitons ainsi revenir sur les défis que cela implique en partageant l’expérience que nous venons de vivre dans le cadre de la création de la formation J’enseigne à distance en établissant certains atouts et limites qui pourront servir de balises pour de futurs projets.

1. J’enseigne à distance : une formation originale pour l’Université TÉLUQ

La formation J’enseigne à distance, créée entre avril et août 2020, vise à donner aux enseignants les bases nécessaires pour faire de la formation à distance. Elle comprend ainsi quatre microprogrammes, c’est-à-dire quatre petites formations indépendantes (de 3,5 h en moyenne) composées de quelques modules. Ces microprogrammes intitulés « Accompagner », « Diffuser », « Adapter » et « Évaluer » sont déclinés selon trois ordres d’enseignement – préscolaire et primaire, secondaire, collégial et universitaire. Cette formation est entièrement en ligne et asynchrone; elle est constituée de 590 pages Web, comprenant des textes, 91 schémas interactifs, 79 carrousels ou visionneuses, 973 images et 367 vidéos répartis dans les 12 microprogrammes. Une section supplémentaire propose des ressources de soutien. Ainsi, dans la formation de niveau collégial-universitaire, des webinaires ont été réalisés pour apporter des éléments complémentaires à ceux qui ont été mis dans le cours et répondre aux questions des participants. Enfin, une boîte à outils présente tout un ensemble d’outils numériques actuellement susceptibles d’être utilisés en éducation en les répertoriant par catégories d’usage et en précisant l’ordre d’enseignement auquel ils sont adaptés, leurs compatibilités avec les systèmes d’exploitation, le fait qu’ils soient gratuits ou payants, la langue, et les tutoriels pouvant aider à leur prise en main. Cette formation était très attendue par les enseignants devant s’adapter à la formation à distance et a reçu (au 7 février 2021) 188 976 visiteurs de 163 pays (principalement du Canada et de la francophonie, mais pas uniquement). Bien qu’aucune campagne de publicité n’ait été organisée pour la promouvoir, la formation attire régulièrement de nouveaux visiteurs et le nombre d’attestations remises s’élève déjà à 36 854.

Si le résultat semble satisfaisant, produire une telle formation dans des délais aussi courts n’était pas exempt de défis. En effet, l’Université TÉLUQ fait partie des universités entièrement à distance telles que l’Open University au Royaume-Uni, créée à la fin des années 1960 et au début des années 1970 en vue de favoriser l’accès à l’éducation. Les cours qui y sont produits procèdent ainsi d’une division du travail entre divers acteurs (professeur, technopédagogue, réviseur linguistique, graphiste, intégrateur, etc.) travaillant successivement et de manière complémentaire afin de proposer des cours de grande qualité (Miladi, 2006; Papi, 2016; Trestini et Coulibaly, 2014). Une des limites de ce mode de production est toutefois le temps requis pour lancer un cours, car même avec les facilités du numérique, le processus, plutôt linéaire, qui s’inspire du processus classique d’édition met en présence de nombreux acteurs qui doivent parfois séquencer leurs apports (Moore et Kearsley, 2012). Dans ce contexte, produire rapidement une formation permettant de soutenir les enseignants de différents ordres a soulevé de nombreux défis que nous proposons d’exposer.

2. Faire vite et bien : une difficile conciliation

Le contexte actuel et l’urgence de la situation appellent évidemment à livrer le plus rapidement possible la formation qui est demandée. Le mandat donné d’offrir une formation pertinente pour l’ensemble des enseignants du Québec oblige quant à lui à proposer une formation de qualité, dont les contenus et le format sont exemplaires. Afin de faire vite et bien, nous avons cherché à être le plus efficaces possible en comptant sur un grand nombre d’acteurs à l’interne comme à l’externe de l’Université TÉLUQ, pour fournir rapidement une « trousse de survie » de qualité pour tous les enseignants. Nous avons donc dû fonctionner en l’absence d’un des deux piliers établis par Karsenti (2018), le temps. Au cours de cette expérience, trois facteurs nous ont semblé jouer un rôle prépondérant dans cette conciliation entre rapidité et qualité : d’une part, la division du travail, d’autre part, la multiplicité des équipes et, enfin, l’adaptation aux besoins des enseignants selon leurs niveaux.

2.1. La division du travail

Comme expliqué précédemment, le mode de production des cours à l’Université TÉLUQ relève de la division et de la spécialisation du travail, et s’appuie sur une longue expertise en FAD. Pour être plus précis, la création d’un cours, qui s’échelonne habituellement sur quelques mois, relève globalement du processus suivant :

  1. Les professeurs constituent les premiers éléments du contenu de cours. Souvent, ils collaborent avec de nombreux partenaires pour bien saisir les besoins et la réalité des milieux.

  2. Ils les améliorent en travaillant avec des « spécialistes en sciences de l’éducation » (appelés technopédagogues ou conseillers pédagogiques dans d’autres universités) qui se centrent sur l’alignement pédagogique des objectifs, des contenus et des activités d’apprentissage et d’évaluation, et qui proposent des modes de présentation des éléments du cours.

  3. Des réviseurs suggèrent des corrections linguistiques aux professeurs.

  4. Des graphistes trouvent les images demandées ou réalisent les schémas et les animations, ou autres éléments de présentation visuelle, puis les soumettent aux professeurs pour approbation.

  5. En parallèle, l’équipe audiovisuelle permet aux professeurs qui le souhaitent de tourner des vidéos, généralement en studio, et de les monter à leur convenance.

  6. Des intégrateurs mettent l’ensemble des contenus en ligne et les font approuver par les professeurs avant de les rendre accessibles au public.

Comme on le voit, les professeurs restent au coeur du processus de production puisqu’ils valident chaque étape et peuvent ainsi demander des corrections pour chacun des éléments, mais le processus fait intervenir des spécialistes à chaque niveau dont les travaux dépendent à l’occasion de ceux de l’étape précédente. Les contenus de formation ainsi produits sont donc riches et de qualité, mais l’ensemble du processus prend également plus de temps à être réalisé que si le professeur entrait seul son contenu dans une plateforme.

L’un des principaux défis posés par la création de J’enseigne à distance a donc été de concilier la pression entre le besoin urgent d’une formation et un mode de production qui s’étend dans le temps pour permettre d’avoir une formation de qualité et des composantes technologiques plus poussées. Afin d’effectuer cette conciliation, certains aménagements ont été faits, comme le travail en parallèle pour certaines étapes de production, l’implication d’équipes différentes pour le contenu par niveau et par microprogramme, et la mise en ligne progressive des modules.

2.2. L’implication de nombreux acteurs

La décision d’impliquer un grand nombre d’acteurs à tous les niveaux, pour que des contenus puissent être conçus et produits en parallèle, de s’adjoindre des collaborateurs et de faire intervenir des invités des différents milieux a évidemment permis d’augmenter les forces vives à l’oeuvre. Toutefois, cela n’a pas réduit autant qu’espéré le temps requis pour rendre la formation accessible.

De fait, amener à travailler ensemble des équipes qui ont moins l’habitude de le faire est un défi en soi et nécessite certains ajustements (Reynaud, 1997). Sur le plan de la production, des équipes de deux services distincts, ayant certaines structures et pratiques différentes, ont été amenées à travailler de concert. Il a donc fallu ajuster les pratiques et trouver le bon rythme. Pour ce qui est des professeurs impliqués, ce sont aussi deux équipes de domaines complémentaires qui ont eu à collaborer. De plus, une décision qui a émergé rapidement, et qui a eu un impact sur le temps, fut d’adapter plus finement les formations à chacun des niveaux d’enseignement. Partant d’une structure à tronc commun avec des conseils, exemples et témoignages adaptés à chaque niveau d’enseignement, il a été convenu de produire plutôt deux (primaire et secondaire d’un côté, supérieur de l’autre) puis trois formations distinctes (préscolaire et primaire, secondaire, collégial et universitaire). Ces changements ont été réalisés en raison de la grande diversité des pratiques pouvant être mises en oeuvre selon l’âge des apprenants et les ordres d’enseignement, et en vue de faciliter le suivi de la formation par les enseignants, qui savent ainsi que ce qui est présent dans la formation choisie s’adresse pleinement à eux. Cela a conduit à multiplier le nombre de collaborateurs, de matériels à produire et de contenus à intégrer, bref, à augmenter les délais. Pour l’ensemble des acteurs impliqués, qui proviennent de structures, voire d’établissements différents, la réalisation du premier microprogramme a également servi de période d’ajustement pour coordonner le travail et adapter les façons de faire.

Il y a donc eu un déplacement de la priorisation. Dans un premier temps, l’urgence a guidé les choix, mettant ainsi de côté le nécessaire temps de partage des représentations et des pratiques des uns et des autres et de définition de modes de travail communs. Par la suite, les choix faits ont visé davantage l’ajustement du travail des acteurs, la qualité de la formation et son adaptation aux enseignants que le fait de répondre rapidement à la demande, bien que ce souci soit resté constant.

2.3. L’adaptation aux besoins

L’urgence de la situation n’a pas permis de faire un recueil et une analyse fine des besoins antérieurement à la création du premier microprogramme, et seul un sondage sommaire auprès d’enseignants et d’étudiants a pu être mis en oeuvre par la suite. Ainsi, le recueil des besoins et la recherche des réponses à y apporter se sont effectués presque simultanément, notamment grâce à l’expertise de plusieurs professeurs dans le domaine de la FAD, à la présence de nombreux collaborateurs des différents milieux, de même qu’au recours, à l’occasion, à des apprenants.

Tout d’abord, dans la mesure où la formation s’adresse à tous les enseignants du Québec (soit plus de 130 000 personnes) (Gouvernement du Québec, 2019, p. 73) et est ouverte et gratuite (donc accessible à toute personne intéressée enseignant ou pas, au Québec ainsi que n’importe où dans le monde), il a fallu trouver une solution technique, sur le plan informatique, susceptible de supporter un fort achalandage, ce qui a impliqué de nouvelles façons de faire et de nombreux défis techniques à résoudre. En cours de route, certains changements simples, comme le fait de passer d’une formation en accès libre sans possibilité d’inscription à une formation avec attestation, ont également eu un impact non négligeable, d’autant plus que les premiers modules étaient déjà en ligne. En effet, même si la formation a continué à être offerte gratuitement et en accès libre, il a fallu rendre possible l’inscription (gratuite) pour permettre le suivi (c’est-à-dire la vérification de l’avancement dans les microprogrammes) des apprenants souhaitant une attestation. Or, les deux premiers modules étant déjà en ligne, des apprenants les avaient déjà travaillés ou étaient en train de le faire. Ainsi, mettre le contrôle du suivi dès le début aurait empêché ces apprenants d’obtenir leur attestation, d’où le choix de ne commencer le suivi qu’au troisième module. Évidemment, cela perturbe quelque peu les apprenants qui ne voient alors pas la barre de progression dans les deux premiers modules et craignent ainsi que leur travail ne soit pas pris en compte. Nous n’avons malheureusement pas trouvé de solution pour ce souci, des apprenants étant constamment en train de suivre l’un ou l’autre module.

De plus, même si l’Université TÉLUQ a l’habitude de former les étudiants de cycles supérieurs qui s’intéressent à la FAD, les apprenants de J’enseigne à distance sont différents. Il s’agit d’un public varié d’enseignants de tous niveaux, avec des appétences et motivations à faire de la FAD aussi diverses que les connaissances et compétences que celle-ci requiert. Pour que ces formations soient les mieux adaptées possible aux réalités de ces enseignants, certaines décisions ont été prises. D’emblée, il a été convenu de faire une formation asynchrone, avec des microprogrammes indépendants les uns des autres et des modules courts (1 h environ), accessibles en tout temps afin de pouvoir s’adapter aux disponibilités des enseignants. Il a également été décidé qu’il serait pertinent de compléter par la suite cette dernière par quelques moments d’échanges synchrones sous forme de webinaires. Il a été décidé qu’au lieu de partir d’une structure de conception de cours classique (conception pédagogique, modes de diffusion et médiatisation, accompagnement et évaluation), il convenait d’inverser l’ordre. En effet, dans la mesure où des enseignements en ligne avaient déjà lieu, l’urgence apparaissait de proposer d’abord le microprogramme sur l’accompagnement, puis celui sur la diffusion qui comprend les aspects techniques, et seulement ensuite le contenu sur la conception pédagogique vu non pas sous l’angle de la conception, mais de l’adaptation de cours. Enfin, le microprogramme sur l’évaluation est resté en dernier. Ces ajustements nécessaires pour le printemps étaient ainsi moins appropriés pour la préparation de la rentrée où les enseignants allaient logiquement commencer par le travail sur la conception ou l’adaptation des cours et leur diffusion. Cependant, le fait que les microprogrammes soient autonomes laisse la flexibilité de les consulter dans l’ordre jugé opportun.

Par la suite, il s’est agi de déterminer ce qui était le plus adéquat pour chaque niveau. Par exemple, le mode de formation asynchrone n’étant pas adapté aux élèves du préscolaire et du primaire, la formation proposée s’est centrée davantage sur ce qui peut être réalisé en mode synchrone. Par contre, dans le cadre de la formation pour l’enseignement supérieur, tous les modes sont possibles et peuvent être combinés. Des façons de faire qui conviennent aux modes de communication synchrone aussi bien qu’asynchrone, individualisée aussi bien qu’en groupe, ont donc été détaillées. Dans tous les cas, il a fallu chercher des modes de diffusion accessibles aux enseignants et leur proposer des façons, non pas de concevoir des cours en FAD selon un processus de conception pédagogique classique, mais d’adapter des cours initialement conçus pour être donnés en classe. De même, bien que certaines évaluations aient été supprimées durant le confinement, la réflexion à ce sujet a d’emblée été menée en vue de proposer une palette d’activités, d’évaluations et de modes de correction pouvant être mis en pratique lorsque nécessaire. Il s’est également agi de rassurer les enseignants face à leur crainte de s’y perdre dans la multiplicité des technologies, ou d’avoir plus de difficultés à repérer les cas de plagiat et de tricherie.

Bref, la réponse à ces nombreux besoins a peut-être nécessité un peu plus de temps, mais elle a permis de mettre en place une formation qui, tout en étant une « trousse de survie », est très riche, tant en matière de propositions de pratiques susceptibles d’être mises en oeuvre que de diversification des ressources et des activités. Elle fait également appel à de nombreux collaborateurs dont les conseils et témoignages devraient aider les enseignants à franchir le pas vers la FAD avec plus d’assurance.

3. Mise en perspective en cette période de pandémie

En cette période de pandémie, l’ensemble des acteurs impliqués dans cette formation a fait preuve d’une énergie et d’un dévouement remarquables à l’idée d’aider des collègues. Les heures n’ont pas été comptées, l’urgence de la situation et la déstructuration du cadre habituel de travail encourageant sans doute à travailler encore plus qu’à l’accoutumée. Cette énergie positive s’est retrouvée chez toutes les personnes contactées qui ont offert bien volontiers leur collaboration, malgré un emploi du temps surchargé. La richesse et la générosité des apports de chacun, tant dans l’équipe institutionnelle que chez les collaborateurs et invités de tous ordres, font de ce projet une expérience humaine unique.

Cependant, la pandémie apporte également son lot de contraintes. L’impossibilité de travailler en studio a exigé de devoir revisiter les espaces disponibles pour chercher des endroits propices au tournage. Plusieurs collaborateurs, confinement oblige, n’ont pu se déplacer pour les enregistrements, ce qui nous a ainsi amenés à réaliser bon nombre d’entretiens en visioconférence, avec une qualité visuelle et sonore en deçà de celle obtenue habituellement en studio. Les décors intérieurs, cadrages et bruits du quotidien rappellent ainsi que les enseignants et les conseillers technopédagogiques intervenant dans cette formation sont bien dans la même situation que ceux qu’ils cherchent à aider.

Cette distance physique ne fut pas sans conséquence, car bien qu’il s’agisse de la production d’une FAD, les acteurs de cette production la réalisent généralement en présence les uns des autres, et non pas en solitaire avec des enfants qui courent autour des visioconférences ponctuelles, ce qui est le lot de nombreuses personnes en situation de télétravail (Tremblay, 2020). Même si les échanges planifiés peuvent se prévoir et être réalisés lors de rencontres à distance à peu près comme celles en présence, force est de constater que, comme le relève la littérature dans le domaine (Vayre, 2019), le manque d’échanges informels, qui ont habituellement lieu dans une rencontre de couloir ou autour d’un repas, se fait parfois ressentir. Ces échanges non planifiés, qui se déroulent normalement en présence, permettent bien souvent de régler plus rapidement les problèmes rencontrés, de dénouer des situations, de favoriser la compréhension et d’éviter ainsi l’accumulation de contrariétés et de tensions susceptibles de survenir lorsqu’un certain manque de communication s’installe, à l’insu de la volonté des différents acteurs. Le fait de vivre ces défis inhérents à la distance, largement documentés du point de vue des apprenants, a permis aux concepteurs et aux spécialistes de la distance à l’origine de la formation de réaliser par l’expérience certains effets de cette modalité.

Enfin, comme indiqué en introduction, la FAD peut prendre des formes bien différentes. Ainsi, il est intéressant de constater qu’alors qu’il s’agit d’une formation asynchrone, gratuite, accessible en tout temps, beaucoup d’enseignants nous ont écrit pour savoir si la formation allait se donner plus tard, car leur emploi du temps ne leur permettait pas d’être disponibles au moment de la sortie des premiers modules. Ceci est le signe que la FAD est dans bien des esprits de la formation synchrone en classe virtuelle. Tandis que certains se tournent sans doute vers des formations correspondant davantage à leurs représentations, J’enseigne à distance constitue dès lors, pour beaucoup, une belle occasion de dépasser cette vision et de faire évoluer leurs pratiques (Papi, 2021).