Résumés
Résumé
Cette étude exploratoire a pour objectif de comprendre dans quelle mesure les étudiants intègrent dans leurs pratiques des réseaux et médias sociaux (RMS) des dimensions liées aux apprentissages. Nous avons, à cette fin, mené une enquête auprès d’un échantillon de 603 étudiants de l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire (UVCI), à partir d’un questionnaire en ligne. Les résultats montrent que les réseaux et médias sociaux, notamment WhatsApp, Google et YouTube, sont majoritairement utilisés par les étudiants pour rechercher des ressources liées aux contenus de cours et comme espaces de travail collaboratif portant sur la compréhension des contenus pédagogiques et des travaux collectifs. Parmi ces applications, WhatsApp est la plus utilisée et la préférée des étudiants.
Mots-clés :
- Réseaux et médias sociaux,
- usages,
- apprentissage,
- étudiants,
- UVCI
Abstract
This exploratory study aims to understand the extent to which students integrate learning dimensions into their social media and network practices. To this end, we conducted a survey of a sample of 603 students from the Virtual University of Côte d’Ivoire (UVCI), using an online questionnaire. The results show that for the most part, students use social networks and media including WhatsApp, Google and YouTube to search for resources related to course content and as collaborative workspaces focusing on understanding educational content and collective work. Of these applications, WhatsApp is the one most used and preferred by students.
Keywords:
- Social and networks media,
- usages,
- learning,
- students,
- UVCI
Corps de l’article
Introduction
L’usage des outils numériques et Internet fait partie aujourd’hui des pratiques quotidiennes dans divers domaines de la vie. Nous constatons que les jeunes en général utilisent massivement ces outils, dont les réseaux et médias sociaux, caractérisés par leur facilité d’utilisation et leur interactivité. Nous définissons ces applications comme des outils de médiation et de médiatisation permettant aux individus de créer des liens, d’interagir entre eux, d’accéder à des contenus et de les diffuser. Pour Latzo-Toth et al. (2017), les « médias sociaux » constituent un ensemble de dispositifs de communication reposant sur la participation massive des usagers, dont les contributions alimentent et structurent le contenu disponible. Ils comprennent les blogues et les sites de microblogues (dont Twitter, Tumblr), les sites de réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, LinkedIn), les sites de partage de contenu (YouTube, Pinterest) et les sites collaboratifs de type « wiki » comme Wikipédia. Concernant spécifiquement les « réseaux sociaux », ce sont des applications faisant partie des médias sociaux ayant la particularité de tisser des liens entre individus et de les entretenir. Parmi ces réseaux et médias sociaux (RMS), WhatsApp semble être adopté par la majorité des jeunes, qui le trouvent plus pratique et qui permet la création de groupes de discussion privés, le partage de sa position grâce à la géolocalisation, la notification et la confirmation de lecture… contrairement à Facebook, considéré comme un « site de rencontre », un réseau social déjà « ancien », délaissé par cette génération qui ne veut pas y « rencontrer » la génération de ses parents (Martin, 2016).
L’usage de ces applications prend en plus de plus de place dans la sphère de l’éducation, dans l’enseignement et l’apprentissage. Le présent travail a pour objectif de comprendre dans quelle mesure ces outils sont utiles aux étudiants en formation ouverte et à distance (FOAD) à l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire (UVCI), un établissement d’enseignement supérieur public offrant les cours totalement en ligne (Holo et al., 2019).
Cadre théorique
Après avoir défini les notions de médias et réseaux sociaux dans les lignes précédentes, nous voulons clarifier le concept d’usage utilisé dans ce travail. Nous entendons par usage, comme Domenget (2015), l’utilisation de dispositifs numériques d’information et de communication permettant de réaliser des activités professionnelles, sociales et d’apprentissage (veille, réseautage, autoformation…). Pour Katz et al. (1973), l’usage des médias est une réponse à un besoin que les individus cherchent à combler, qui peut être cognitif, éducatif, affectif, ludique, informationnel… L’usage est également vu ici comme un construit, une pratique sociotechnique qui ne se réduit pas aux seules formes d’utilisations prescrites (Jouët, 2000). C’est aussi un processus d’adoption, d’appropriation permettant à l’individu de transformer l’outil pour son propre usage (Chambat, 1994; Rabardel, 1995). Ceci nous conduit à l’approche théorique sur laquelle s’appuie ce travail de recherche.
Référence théorique : la genèse instrumentale
Nous rappelons que les développeurs des applications de RMS de masse comme Facebook, WhatsApp et YouTube n’ont pas intégré des aspects spécifiques liés à l’enseignement et à l’apprentissage. Les fonctionnalités existantes sont détournées de leurs fonctions premières. C’est le phénomène de catachrèse (Rabardel, 1995). Pour cet auteur, l’usage des outils cognitifs nécessite une adaptation, une construction de nouvelles représentations mentales en accord avec les caractéristiques de l’instrument. Il distingue trois pôles dans une situation d’activités instrumentées : le sujet, l’instrument et l’objet qui interagissent. Il s’établit alors un rapport entre l’homme et l’artefact. D’une part, le processus d’instrumentalisation, c’est-à-dire la transformation de l’artefact par le sujet, par l’activité, se produit. D’autre part, on observe le processus d’instrumentation, soit l’assimilation et l’appropriation de l’artefact, la constitution de nouveaux schèmes d’usage et l’élaboration de schèmes nouveaux permettant l’utilisation des fonctions de l’artefact. Ces deux processus constituent « la genèse instrumentale ». Pour Rabardel, l’intérêt de l’utilisation d’un artefact réside dans le fait qu’il a un effet structurant, d’organisation. Il permet d’obtenir de nouvelles ressources pour la tâche, de changer l’état des objets et la vitesse de réalisation des tâches et, quelquefois, de réduire les coûts. C’est une ouverture du champ d’action des possibles offerts au sujet.
Des possibilités de pratiques pédagogiques et d’apprentissage avec les RMS
Les réseaux et médias sociaux nous offrent aujourd’hui de multiples possibilités d’enseignement et d’apprentissage. Ils permettent l’expansion des pratiques pédagogiques, des échanges entre étudiants et enseignants au-delà de la salle de classe (Charnet, 2018). Tomé (2011) explique qu’il est possible, grâce à ces applications, de faire le partage et la socialisation des apprentissages, en relation avec la capacité des membres de la communauté à interagir entre pairs, à faire des liens entre les sujets et à transférer les apports de l’expérience des autres. L’auteur susmentionné indique également que ces outils permettent l’intégration de documents authentiques et de tâches pédagogiques dans des situations réelles de communication ou d’échange entre apprenants ou classes. Dans le même sens, Martin (2016) explique que Twitter peut être utilisé comme une sorte de cahier de texte virtuel, où des micromessages sont publiés rappelant le sujet d’un cours, ou partageant l’image utilisée comme déclencheur d’une activité de cours. Les élèves peuvent alors interagir avec le micromessage publié, et publier eux-mêmes un message. Soodeh (2020), évaluant les attitudes des étudiants iraniens à l’égard de l’utilisation du réseau social Instagram comme dispositif d’apprentissage collaboratif des compétences écrites en français, montre que ces derniers ont « une intention comportementale positive » envers l’utilisation de ce réseau à des fins pédagogiques. Tout comme Juuti (2021), ayant effectué une étude dans deux lycées suédois et en Finlande, montre qu’Instagram « aide à augmenter la confiance dans la maîtrise linguistique et soutient la motivation ». Messaibi (2017), ayant conduit une recherche auprès d’étudiants de l’Université de Biskra en Algérie, souligne aussi l’efficacité des réseaux sociaux pour la motivation dans l’apprentissage du français comme langue étrangère. Gambacorta (2020) relève également les effets positifs de l’usage des réseaux sociaux qui redonnent le goût de la lecture chez les élèves du secondaire en Wallonie.
En ce qui concerne les outils numériques mis à la disposition des étudiants par leur établissement d’enseignement, certains auteurs observent qu’ils sont délaissés au profit d’autres applications externes comme Facebook et WhatsApp (Holo et al., 2019). Pour Michaut et Roche (2017), les étudiants n’attendent pas que l’université leur propose des services ou des activités en ligne, ils les créent eux-mêmes en constituant, par exemple, des groupes numériques de travail, plus communément appelés « groupes Facebook ». À travers ces groupes, les apprenants cherchent, par exemple, à interagir sur les contenus d’enseignement ou à centraliser des informations institutionnelles. Le groupe numérique de travail est assez répandu : 84 % des étudiants déclarent en avoir un. Parmi eux, 38,8 % se contentent de consulter les informations, 38 % participent aux échanges et 23,2 % déposent des notes de cours. Roland (2013) mentionne également que le recours à ces groupes est lié à un décalage entre les attentes des étudiants et les outils fournis par les établissements. Les étudiants universitaires utilisent Facebook quotidiennement pour la mise à jour de leur statut et la consultation des dernières photos de leurs « amis », et la plupart d’entre eux consultent également le ou les groupes liés à leurs activités universitaires où ils retrouvent notes de cours, résultats d’examen, annonces concernant les cours ou questions de condisciples (Roland, 2013). D’autres auteurs estiment que toutes ces organisations d’étudiants autour des RMS et leur engouement pour ces outils relèvent de l’influence sociale. Adjanohoun et Agbanglanon (2020), comme Nouhou et al. (2020), après analyse de leurs études faites respectivement à l’Université virtuelle du Sénégal et dans les universités et grandes écoles au Niger, montrent que l’adoption, l’intention d’usage et l’attente d’usage des réseaux sociaux par les étudiants pour apprendre sont surtout influencées par des facteurs sociaux.
En guise de conclusion pour cette section et faisant le lien avec ce qui suit, nous pensons qu’il faudrait dans tous les cas nuancer l’effet supposé positif de ces instruments numériques pour l’apprentissage, car l’utilité d’un outil dépend de l’usage qu’on en fait.
Effets du mésusage des technologies
Dahmani et Ragni (2009) expliquent que l’usage d’Internet a une influence contrastée sur les résultats aux examens : naviguer sur Internet ou aller sur des forums de discussion entraîne de moindres performances. À l’inverse, se servir d’une encyclopédie en ligne ou des ressources mises à leur disposition par les enseignants sur Internet permet aux étudiants d’obtenir de meilleurs résultats. Gaudreau et al. (2014) se sont quant à eux focalisés sur les façons d’utiliser les ordinateurs portables durant les cours magistraux et les travaux dirigés. Une enquête conduite auprès de 1 129 étudiants d’une université canadienne conclut que l’utilisation d’un ordinateur pour la prise de notes ou la recherche d’un supplément d’informations sur Internet n’est pas significativement corrélée aux résultats scolaires. De surcroît, certains comportements (naviguer sur Internet pour se distraire ou pour échanger sur les réseaux sociaux, envoyer des messages textes durant les cours) sont préjudiciables aux résultats des étudiants. L’étude de Junco (2012) montre également que réaliser des activités multitâches avec certaines technologies (Facebook et messages textes) affecte négativement la moyenne semestrielle alors que d’autres (courrier électronique, recherche sur Internet, clavardage) sont sans effet. Elle indique qu’il est toutefois difficile d’interpréter les écarts de réussite selon les technologies employées dans la mesure où l’on ignore si Facebook et les messages textes sont surtout utilisés pour se distraire et communiquer, et si le courrier électronique et la recherche sur Internet sont surtout employés à des fins scolaires. Holo et N’dri (2019) répondent en partie à la préoccupation mentionnée par Junco (2012), montrant que la durée de connexion à Facebook et son usage à des fins ludiques est un facteur pouvant influer négativement sur les résultats scolaires. Cependant, l’impact de l’usage de Facebook sur le rendement scolaire semble dépendre du niveau initial des élèves.
Problématique
Nous observons de plus en plus l’existence sur le continent africain d’établissements universitaires dispensant des formations à distance, comme c’est le cas de l’UVCI, créée en 2015 pour répondre à un manque d’infrastructures universitaires aptes à faire face au nombre croissant d’étudiants. L’UVCI a également pour missions de développer et de vulgariser l’enseignement à distance en Côte d’Ivoire. À ce titre, elle est chargée d’accompagner les établissements d’enseignement supérieur dispensant des enseignements en présentiel dans le développement des offres de formation à distance, la production en format numérique des cours magistraux, des travaux dirigés et des travaux pratiques; de rendre les ressources pédagogiques des domaines de formation disponibles et accessibles à travers une plateforme commune dédiée; de mettre en place un réseau international de partenariats dans le domaine de l’enseignement à distance; d’assurer, à travers une plateforme, la diffusion des connaissances et de la culture scientifiques (Holo et al., 2019). Bien que la formation en ligne ouvre de nouvelles possibilités, sa mise en oeuvre ne demeure pas moins une préoccupation pour les différents acteurs. En effet, de nombreux défis restent à relever. Sow et Diongue (2020) soulignent le problème de l’accès à Internet et de connexion empêchant certains étudiants de participer aux travaux de groupe et d’effectuer leurs recherches documentaires et autres activités pédagogiques en ligne. Le manque d’outils de travail pour des raisons financières est une autre difficulté rencontrée par les étudiants qui utilisent le téléphone mobile pour suivre les cours, bien que son petit écran soit moins pratique pour naviguer sur Internet, télécharger des textes à lire et regarder des vidéos (Sow et Diongue, 2020). Les étudiants rencontrent également des difficultés dans la compréhension des cours mis en ligne, ils ne sont plus, dans la plupart des cas, en contact avec leurs enseignants pour leur apporter des explications, des éclaircissements (Holo et al., 2021).
De façon générale, Dussarps (2014) évoque la dimension socioaffective comme motif d’abandon des étudiants à distance, en plus bien entendu d’autres facteurs, notamment les dimensions cognitive, métacognitive, motivationnelle du capital confiance initial, liées au dispositif de FOAD. Ros-Papadoudi (2004) mentionne que la gestion du temps et de l’espace est primordiale et que ni la qualité ni la souplesse des formations à distance ne peuvent résoudre à elles seules le problème.
Sachant que les jeunes utilisent les RMS comme souligné plus haut, nous voulons comprendre si les étudiants de l’UVCI, dispersés sur toute l’étendue du territoire, n’ayant pas de contact direct avec leurs enseignants ni avec les pairs, font usage de ces applications pour résoudre certaines difficultés rencontrées dans le cadre de leur formation. Ces usages intègrent-ils des dimensions liées aux apprentissages? Quels sont les apports de ces réseaux et médias sociaux dans leur processus d’apprentissage? Quels sont les plus utilisés? Et quelles sont leurs préférences?
Méthodologie
Pour répondre aux questions qui fondent cette recherche, nous avons effectué une enquête auprès d’une population de 3 000 étudiants de licence et de master de l’UVCI. Parmi eux, 603 ont répondu à un questionnaire construit à partir de l’application Google Forms, transmis par courriel et renseigné en ligne. Le choix du questionnaire en ligne s’impose du fait que c’est une université à distance, les étudiants ne résidant pas tous dans un espace géographique défini. Notre échantillon de 603 étudiants nous paraît important, représentatif. En effet, Gerville-Réache et Couallier (2011) soulignent qu’un taux de couverture de 100 %, un taux de non-réponse de 0 %, reste un idéal rarement atteint et montrent qu’un échantillon simple au hasard (équiprobable), comme c’est le cas dans cette étude, peut être considéré comme représentatif.
En ce qui concerne les questions posées aux étudiants, elles sont relatives, d’une part, aux informations personnelles les concernant (âge, genre, niveau d’études), d’autre part, à leurs équipements numériques, leurs possibilités de connexion à Internet et leurs usages des RMS.
L’âge des répondants est ainsi réparti : 48 % ont moins de 24 ans, 36 % ont de 24 à 29 ans et 16 % ont 30 ans et plus. Nous observons qu’une bonne proportion de ces étudiants sont des adultes en reprise d’études. C’est l’un des avantages de la formation ouverte et à distance qui permet la formation à tout moment, tout au long de la vie.
Ils sont de niveaux licence 1, 2, 3 (65 %) et master 1 (35 %). Le genre masculin est dominant (84 %) contre seulement 16 % de filles. Nous observons que peu de filles répondent au questionnaire, notre demande de statistiques auprès du service de la scolarité de l’Université concernant la proportion de filles dans cette population estudiantine était restée sans suite malgré notre insistance. Les études sur la question du genre montrent qu’il y a plus de garçons que de filles inscrits dans l’enseignement supérieur en général en Côte d’Ivoire et l’écart se creuse dans les filières scientifiques (Banque mondiale, 2017; Insiata, 2019). Nous avons ensuite effectué une analyse quantitative et qualitative des données obtenues grâce à l’application Google Forms et à Excel nous permettant d’obtenir les résultats qui suivent.
Résultats
Les outils numériques utilisés et la connexion Internet
Le téléphone mobile est déclaré comme étant le premier instrument de travail (84 %), l’ordinateur (78 %) venant en deuxième position, suivi de la tablette (10 %). La plupart des étudiants possèdent au moins les deux premiers cités, l’un complémentant l’autre. Pour une minorité, le téléphone mobile est le seul outil de travail en raison de contraintes financières. En ce qui concerne la connexion Internet, 66 % des étudiants interrogés déclarent avoir peu de données pour leurs activités de recherche. Le coût de la consommation d’Internet est évoqué. Nous soulignons également que la qualité du débit d’Internet n’est pas uniforme sur tout le territoire. En effet, les étudiants ont indiqué une qualité de connexion moyenne (67 %), très bonne (24 %) et très mauvaise (9 %).
Usages des réseaux et médias sociaux
Nous avons cherché à connaître les RMS utilisés par les étudiants (figure 1) pour diverses raisons, parmi la liste proposée.
Cinq applications sont très utilisées par plus des trois quarts des étudiants. Ce sont, dans l’ordre, WhatsApp (95 %), Google (87 %), YouTube (85 %), Facebook (77 %) et la plateforme de cours Moodle de leur université (67 %). Nous pouvons les classer en deux catégories, la communication, l’interaction (WhatsApp et Facebook); la fonction de recherche, l’accès aux ressources (Google, YouTube, Moodle). Quatre RMS sont en dessous des 30 % (Viadeo, Zoom, télévision, Hangout). Le premier cité est une application de recherche d’emploi certainement peu connue de la majorité des étudiants qui ne sont pas encore dans une démarche de recherche d’emploi, surtout ceux du niveau licence, les plus nombreux (64 %), n’ayant pas encore obtenu leur diplôme. Zoom, un outil de vidéoconférence, n’est pas plébiscité par les étudiants, car moins accessible que son concurrent Meet de Google. La télévision est paradoxalement moins citée alors qu’elle est possédée par la quasi-totalité de la population ivoirienne. Elle n’est pas considérée comme un outil d’apprentissage, à manipuler, avec lequel ils peuvent interagir. Vient enfin Hangout, une application de communication Google (clavardage, voix, vidéo). Son usage est prescrit, encouragé par l’Université, mais ne semble pas intéresser les étudiants à qui nous avons d’ailleurs demandé d’indiquer leurs RMS préférés (figure 2).
Parmi les outils répertoriés, WhatsApp vient en première position des préférences des étudiants, suivi de YouTube et de Google. À l’inverse, les outils les moins utilisés sont évidemment les moins préférés (Zoom, télévision, Viadeo, Hangout), comme le montre la figure ci-dessus. Notons que la plateforme de formation Moodle de l’Université est dotée de fonctions de clavardage et de forum de discussion. Des espaces de discussion sont créés pour chaque élément constitutif d’une unité d’enseignement (ECUE) afin de permettre aux étudiants d’interagir entre eux et avec les enseignants et/ou les tuteurs en ligne, qui sont visiblement peu utilisés. Nous avons ensuite cherché à connaître les activités effectuées par les étudiants avec ces RMS (figure 3).
Les activités d’apprentissage sont les plus dominantes (comprendre, approfondir les cours et la recherche d’information grâce aux applications citées plus haut). À la question « Que pouvez-vous dire des réseaux et médias sociaux pour vos études? », ils sont 98 % à déclarer qu’ils leur apportent « un plus ou beaucoup ». Ce sont des outils auxquels ils ont facilement accès permettant d’approfondir leurs recherches. Selon leurs déclarations, les supports de cours préparés par les enseignants et mis en ligne sur la plateforme Moodle sont difficiles à comprendre sans recours aux ressources textes et vidéos fournies par les RMS. Ainsi, 84 % des étudiants disent avoir utilisé ces applications pour des révisions de cours et la réalisation de projets collectifs sans se déplacer ni se rencontrer physiquement dans un endroit précis, par la transmission des productions au rapporteur pour en effectuer la synthèse. Bien que différents médias soient utilisés, WhatsApp vient encore une fois en tête des applications mentionnées par 88 % des étudiants comme supports pour les travaux de groupe.
Discussions
Nos résultats montrent que les réseaux et médias sociaux sont davantage utilisés par les étudiants interrogés dans notre enquête pour des raisons liées aux apprentissages que pour des considérations ludiques. Cette étude va dans le même sens que celles précédemment citées (Charnet, 2018; Juuti, 2021; Messaibi, 2017; Michaut et Roche, 2017; Soodeh, 2020; Tomé, 2011). Relevons également le fait que les outils institutionnels mis à la disposition des étudiants ne rencontrent pas l’adhésion de ces derniers, une observation faite également par Holo et al. (2019) et par Roland (2013) expliquant que le recours aux groupes de travail informels, l’usage des applications de RMS, est la conséquence d’un décalage entre les attentes des étudiants et les outils fournis par les établissements. Par les mises en relation et les partages d’informations, les utilisateurs collaborent à la construction d’objets communs (Roland, 2013). Nous rejoignons ici Rabardel dans la genèse instrumentale avec l’usage de l’artefact (objet technique) ayant un effet structurant, d’organisation, permettant d’obtenir de nouvelles ressources pour la tâche… l’ouverture du champ d’action des possibles offerts au sujet.
Nos résultats confirment également ceux de Martin (2016) en ce qui concerne l’usage et la préférence de WhatsApp, qui montraient que cette application est utilisée par tous ses élèves, qui la trouvent plus pratique. Pour Ribeiro De Carvalho et Nasratullah (2017), l’intérêt pour cette application réside dans le fait que les utilisateurs peuvent envoyer des messages, mais aussi des vidéos, des messages vocaux et des images à leurs amis ou encore téléphoner. Elle a l’avantage de permettre la création de groupes et donc les interactions entre plusieurs utilisateurs autour d’une même conversation. Enfin, Chan (2017) énumère d’autres avantages liés à l’application, notamment le formatage des messages en ajoutant des textes en gras ou en italique et des textes biffés; l’édition de photos prises dans l’application, en dessinant par exemple dessus avant de les envoyer; la connexion sur un ordinateur Windows ou Mac; la citation d’un message précédent avant d’y répondre; la référence d’un individu dans le clavardage grâce au symbole de l’arobas, « @ »; la possibilité d’ajouter des membres d’un groupe au moyen d’un simple lien et la possibilité de voir une vidéo YouTube directement sans avoir à basculer vers une autre fenêtre ou une autre application.
Enfin, nous observons que le téléphone mobile est l’outil privilégié des étudiants bien que peu pratique pour la lecture de textes et de vidéos, constat également fait par Sow et Diongue (2020), Holo (2015) et Holo et al. (2021). Néanmoins, sa petite taille lui confère des avantages, notamment sa portabilité et son usage en « tout lieu ».
Conclusion et perspectives
Nous avons fait le constat, d’une part, que les jeunes et en particulier les étudiants utilisent les réseaux et médias sociaux, et d’autre part, qu’ils sont confrontés à des difficultés d’ordre psychosocial, spatiotemporel, technique et pédagogique liées à la formation en ligne. Nous avons voulu comprendre si les usages qu’ils font de ces applications de RMS intègrent des activités d’apprentissage.
L’étude menée montre que les étudiants interrogés utilisent les RMS, majoritairement WhatsApp, Google et YouTube à des fins d’apprentissage. Ils les utilisent pour comprendre et approfondir les cours des enseignants, à travers la recherche de ressources liées aux enseignements, du texte et de la vidéo. Ces applications servent également de plateforme de travail collaboratif et d’entraide entre étudiants, que ce soit pour la compréhension d’un cours ou pour un projet collectif. WhatsApp est l’application adoptée par les étudiants pour son caractère pratique. Ceci nous amène à considérer la possibilité de l’utilisation de WhatsApp comme un support de formation surtout pour les établissements n’ayant pas de dispositif FOAD institutionnel, comme c’est le cas de nombreux établissements d’enseignement en Afrique, tout en prenant en compte les questions liées à la protection des données, de la vie privée. Une étude pourrait être menée dans ce sens. Enfin, en ce qui concerne l’accessibilité des outils de travail et de la connectivité, nous voudrons souligner que l’accès à un ordinateur de travail s’est élargi; nous enregistrons un taux de 78 % alors qu’il était de 71 % lors d’une précédente étude (Holo et al., 2021), le téléphone mobile demeurant le premier outil de travail des étudiants. L’accès à Internet haut débit sur toute l’étendue du territoire reste encore un défi à relever pour le développement de la FOAD. Quant au coût de la connexion Internet, bien qu’important, il nous semble être un investissement accessible comparativement aux frais de déplacement requis pour suivre des enseignements en présentiel sur un campus. En guise de perspectives, nous prévoyons conduire une étude similaire dans les années à venir en tenant compte de l’usage par les jeunes de nouveaux outils de réseaux sociaux comme Snapchat et TikTok.
Parties annexes
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