Comptes rendus

Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, de Joëlle Zask[Notice]

  • Marc-Antoine Boutin

Telles sont les questions que pose d’entrée de jeu Joëlle Zask, spécialiste de philosophie politique et de philosophie pragmatiste, dont celle de John Dewey, professeure à l’Université d’Aix-Marseille et auteure de Art et démocratie. Les peuples de l’art, Outdoor Art. La sculpture et ses lieux et Quand la place devient publique. La recension de cet ouvrage traitant de la participation trouve naturellement sa place dans ce numéro de la Revue musicale oicrm dédié à la médiation de la musique, car Zask y déploie la réponse à des questions qui se posent avec force dans ce domaine, voire qui lui sont fondamentales. Si les réflexions dans Participer sont surtout adaptées au contexte politique, cette recension montrera donc qu’elles sont transposables à tous les domaines (comme le suggère la citation en exergue du texte) et plus particulièrement à celui de la médiation culturelle. L’essai s’articule autour de deux axes de force qui permettent de mieux comprendre les conditions d’existence d’une « réelle participation » et d’ainsi préciser le sens de ce vocable parfois galvaudé. Dans le contexte actuel où la participation au politique est couramment confondue avec un « mécanisme dont le but est de tirer le meilleur parti possible des gens au profit d’une entreprise dont les finalités ne sont pas de leur ressort » (p. 8), l’auteure rappelle en premier lieu que, dans une démocratie libérale, les individus doivent pouvoir, par définition, « exercer réellement une influence sur les conditions qui les affectent » (p. 9). Il est d’autant plus problématique de « faire croire à la participation » (p. 9), souligne-t-elle. Dans un mouvement de revalorisation de la participation, Zask s’attache, en second lieu, à mettre en évidence ce qui la caractérise réellement : la réciprocité entre l’individuel et le collectif. Cette réciprocité est le seul moyen pour s’accomplir soi-même et se perfectionner en tant que citoyen ; en somme, le seul moyen pour les individus de réaliser leur individualité (p. 237). L’ouvrage est structuré en fonction des trois modes – ou trois « types d’expériences » – complémentaires et constitutifs d’une vraie participation : « prendre part », « apporter une part » (contribuer) et « recevoir une part » (bénéficier). Si une participation idéale se traduit par la réciprocité entre ces trois compléments, elles sont en réalité trop souvent séparées – cette désunion étant « la source de toutes les injustices » (p. 14). Zask se réfère à de nombreux philosophes de la démocratie, tels John Dewey, Alexis de Tocqueville, Thomas Jefferson et Aristote, mais aussi à des anthropologues, sociologues, psychanalystes et économistes tels Edward Sapir, Bronisław Malinowski, Marcel Mauss, Karl Marx, Donald Winnicott et Amartya Sen. Dans la première partie, « Prendre part » (p. 15-114), Zask nous invite à réfléchir aux caractéristiques principales du « prendre part », première condition à une réelle participation. Dans un premier temps, l’auteure distingue le « prendre part » du « faire partie ». Partant de l’analyse d’évènements historiques et politiques, l’auteure démontre que le premier, « prendre part », se caractérise par l’organisation d’une activité en commun dont le fait d’être ensemble « est le fruit d’une démarche personnelle et en partie volontaire » (p. 17), alors que l’autre, « faire partie », efface l’individualité des membres au profit de l’entité. Pour illustrer cette différence, Zask donne tout d’abord l’exemple de la « Commune » comme étant l’association politique dans laquelle le « prendre part […] est assuré au plus haut point » (p. 77) et celui de l’autogouvernement comme le moyen d’assurer l’autonomie et la liberté des citoyens. A contrario, le cas de la …

Parties annexes