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L’auteur Stéphane Leclerc, maître de conférences, habilité à diriger des recherches (HDR) en droit public à l’Université de Caen-Normandie (France), est un spécialiste du droit de l’Union européenne (UE), tant dans son volet matériel qu’institutionnel. Cofondateur des Rencontres européennes de Caen et directeur de la collection « Rencontres européennes », il est aussi chercheur associé au CEDRE — Droit européen de l’Université de Rennes 1 (France) et membre de la Commission pour l’étude des communautés européennes (CEDECE) depuis 1998.

Dans la foulée des controverses actuelles entourant le Brexit et l’avenir de l’intégration européenne, Leclerc nous présente, en 150 pages, l’essentiel actualisé de l’architecture institutionnelle de l’UE, de sa construction et de son fonctionnement. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première partie aborde l’histoire de la construction de l’Union européenne, depuis la naissance des Communautés européennes (chapitre 1) à une intégration progressive des institutions allant de pair avec l’élargissement géographique qu’emporte l’adhésion de nouveaux États membres (chapitre 2). La deuxième partie traite des moyens — juridiques (chapitre 3) et humains et matériels (chapitre 4) — à la disposition de l’UE pour réaliser les différents objectifs qui lui sont dévolus par les traités fondateurs. La troisième partie nous offre une présentation synthétique des différentes institutions, organes et organismes de l’UE, soit le Conseil européen (chapitre 5), le Conseil (chapitre 6), la Commission européenne (chapitre 7), le Parlement européen (chapitre 8), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (chapitre 9), la Cour des comptes (chapitre 10) ainsi que d’autres institutions, organes et organismes complémentaires (chapitre 11) comme le médiateur européen, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), le Comité économique et social européen (CESE), le Comité des régions (CdR), la Banque européenne d’investissement (BEI), le Système européen des banques centrales (SEBC) et l’Eurosystème, puis la Banque centrale européenne (BCE). Enfin, pour chacune des parties, chapitres et sections, une approche historique se combine à une analyse thématique et fonctionnelle qui permet au lecteur de mieux comprendre l’origine et la raison d’être des diverses institutions étudiées ainsi que chacune des étapes de la construction de l’UE.

Dans cette optique, la première partie n’est pas qu’un simple rappel chronologique de divers actes et traités qui ont été adoptés depuis la Déclaration Schuman du 9 mai 1950 considérée comme l’acte fondateur de l’Europe communautaire[1]. En effet, l’auteur met l’accent sur les évolutions institutionnelles des communautés européennes depuis le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier[2] et les Traités de Rome[3], lorsqu’elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement actuel de l’UE. C’est ainsi que sont soulignés les objectifs et régimes distincts de trois Communautés — la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)[4], la Communauté économique européenne (CEE)[5], et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA)[6] — qui composeront le premier pilier de l’UE avec la signature du Traité sur l’Union européenne[7]. Au fil des décennies, la voie de l’intégration communautaire sera marquée par l’unification des trois exécutifs communautaires par le traité de fusion de Bruxelles[8], la pratique des sommets européens à l’origine de l’institutionnalisation du Conseil européen (1986), le renforcement progressif des pouvoirs décisionnels du Parlement européen et la consolidation des prérogatives d’exécution de la Commission européenne (1986), l’extension du champ de compétences des Communautés et de l’UE, la réforme des institutions et l’abandon de la structure en piliers dans la perspective d’une UE élargie et respectueuse de la souveraineté nationale.

Ces prémisses posées, la deuxième partie de l’ouvrage traite, dans ces grandes lignes, du statut juridique de l’UE (la personnalité juridique, également les privilèges et immunités), de l’attribution et de la répartition des compétences entre l’UE et ses États membres ainsi que des principes de subsidiarité et de proportionnalité encadrant l’exercice des compétences de l’UE[9]. Statistiques à l’appui, un chapitre distinct présente les effectifs de l’UE, en plus de son budget et de son financement[10].

Enfin, plus de la moitié l’ouvrage est dédiée à la structure institutionnelle de l’UE, présentée d’une façon concise et didactique. De la sorte, dans la troisième et dernière partie, chacune des institutions phares de l’UE – le Conseil européen, le Conseil, la Commission européenne, le Parlement européen, la CJUE, la Cour des comptes – se voit attribuer un chapitre distinct, divisé en sections aux intitulés identiques – composition, fonctionnement et attributions – pour en faciliter l’exercice comparatif.

Le chapitre 5, porte sur le Conseil européen. Ce dernier nait de la pratique des sommets européens, réunit les chefs d’État ou de gouvernement des États membres (et son président) et le président de la Commission européenne pour « donner les impulsions nécessaires au développement de l’Union et [en] définir les orientations et les priorités politiques générales[11] ». Au niveau de son fonctionnement, depuis le Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne[12], sa présidence devient permanente et le président, qui ne peut exercer de mandat national, est élu à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi renouvelable une fois[13]. Le Conseil européen se prononce par consensus sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. Quoique n’exerçant aucune fonction législative, le Conseil européen se voit investi d’importantes attributions institutionnelles, d’abord de constater, à l’unanimité, l’existence d’une violation grave et persistante par un État membre des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, ensuite de proposer, à la majorité qualifiée, au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission européenne, par la suite de nommer, à la majorité qualifiée, la Commission européenne suite au vote d’approbation du Parlement européen, également de nommer ou de destituer, à la majorité qualifiée, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avec l’accord du président de la Commission européenne, et puis, finalement, d’adopter, à la majorité simple, une décision favorable à l’examen des modifications proposées de révision des traités sur lesquels l’Union est fondée[14].

Le chapitre 6 traite du Conseil, plus connu sous l’appellation de Conseil des ministres ou Conseil de l’Union européenne[15], réunit, indépendamment de ses formations[16], un représentant de chaque État membre au niveau ministériel et habilité à engager le gouvernement de cet État sur cette matière. Depuis le Traité de Lisbonne, sa présidence, exception faite de la formation « Affaires étrangères » qui est présidée par le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est assurée par rotation égale des groupes prédéterminés de trois États membres pour une période de dix-huit mois[17]. Les délibérations du Conseil sont acquises à la majorité simple, à l’unanimité ou à la majorité qualifiée, devenue modalité de vote de droit commun[18]. Au chapitre de ses principales attributions, le Conseil exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire[19].

Le chapitre 8 propose d’étudier le Parlement européen. Ce dernier est composé de représentants des citoyens de l’Union élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans[20]. Il voit ses pouvoirs législatifs renforcés au fil des ans pour être enfin placé sur un pied d’égalité avec le Conseil pour l’adoption d’un acte législatif via ce qui est appelé la procédure législative ordinaire[21]. Le Parlement est, par ailleurs, investi d’un important pouvoir général d’amendement sur le seul volet « dépenses » du projet de budget présenté par la Commission européenne ainsi que des pouvoirs de contrôle et de sanction politique vis-à-vis l’action de la Commission européenne par le biais des questions écrites ou orales ou la votation d’une motion de censure à son encontre[22]. Au titre de ses compétences institutionnelles, le Parlement européen intervient directement dans la procédure de nomination du président et des membres de la Commission européenne[23].

Le chapitre 7 analyse la Commission européenne. Celle-ci est composée d’un ressortissant par État membre nommé pour un mandat de cinq ans qui exerce ses fonctions « en pleine indépendance dans l’intérêt général de l’Union[24] ». À cette fin, la Commission détient un quasi-monopole du pouvoir d’initiative tant dans le domaine législatif que budgétaire, en ce qu’un acte législatif de l’UE ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans le cas où les traités en disposent autrement. En tant qu’organe exécutif principal de l’Union, la Commission se voit également dotée de pouvoirs d’exécution et de contrôle de l’application du droit de l’UE, par exemple la prérogative de saisir la CJUE lorsqu’un État membre ne s’acquitte pas correctement de ses obligations en vertu du droit de l’Union[25].

Le chapitre 9 se concentre sur la CJUE. Cette cour est composée d’un juge par État membre, assure le respect du droit de l’UE dans l’interprétation et l’application des traités constitutifs[26]. Elle est assistée, depuis octobre 2015, de onze avocats généraux ayant pour fonction de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, un avis juridique motivé sur les affaires soumises à la CJUE[27]. Juges et avocats généraux sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres pour un mandat de six ans renouvelable[28]. Par souci d’indépendance, ils ne peuvent exercer aucune fonction politique ou administrative, ni même aucune activité professionnelle – rémunérée ou non – pendant la durée de leurs fonctions. Avec l’évolution croissante du contentieux communautaire, un Tribunal de première instance (devenu Tribunal avec le Traité de Lisbonne) a été institué en 1989 pour entendre, en première instance, l’ensemble des recours formés par des personnes physiques ou morales, lesquels sont susceptibles de pourvois devant la CJUE[29].

Le chapitre 10 porte sur la Cour des comptes. Celle-ci est composée d’un ressortissant de chaque État membre nommé pour un mandat renouvelable de six ans[30] et exerçant leurs fonctions en pleine indépendance. La Cour des comptes est responsable principalement d’examiner les comptes de la totalité des recettes et des dépenses de l’Union, d’en vérifier la légalité et la régularité tout en s’assurant de la bonne gestion financière de l’UE[31].

Le onzième et dernier chapitre aborde plus sommairement divers organes et organismes complémentaires au système institutionnel de l’UE que sont, comme mentionné précédemment, le médiateur européen, le CEPD, le CESE ainsi que le CdR. Encore une fois, un traitement symétrique des sous-sections, c’est-à-dire, désignation, statut et fonctions, prévaut pour en permettre les comparaisons et les mises en parallèle.

En conclusion, l’ouvrage s’adresse, à notre avis, en priorité aux étudiants français qui, quelles qu’en soient les filières (droit, instituts d’études politiques, sciences économiques, etc.), s’intéressent au droit de l’UE. Rédigé de façon simple, concise et vulgarisée, l’ouvrage est accessible à toute ou tout citoyen(ne) curieux ou curieuse d’en savoir davantage sur les fondements juridiques de l’UE, son évolution et son fonctionnement. Dans l’ensemble, le mode de présentation de l’ouvrage, mettant l’emphase sur les points importants à retenir, en facilite le repérage, la relecture et la compréhension. Une courte notice, au début de chaque chapitre, en résume l’essentiel. Selon nous, il manque peut-être un schéma récapitulatif pour aider le lecteur à mieux visualiser l’architecture institutionnelle de l’UE, les fonctions et interrelations entre les diverses institutions.