Recensions

Robert A. Ferguson, Practice Extended: Beyond Law and Literature, New York, Columbia University Press, 2016[Notice]

  • Sabrina Tremblay-Huet

Candidate au doctorat en droit et chargée de cours à l'Université de Sherbrooke.

L’approche « droit et littérature » est peu mobilisée au Québec. En effet, ses classiques sont surtout américains et, en matière francophone, les ouvrages sur le sujet nous parviennent majoritairement de l’Europe. Aux États-Unis, une revue scientifique y est même entièrement consacrée, soit la revue Law and Literature, basée à la Benjamin N. Cardozo School of Law. Le dernier ouvrage de Robert A. Ferguson, qui s’intitule Practice Extended : Beyond Law and Literature, a donc pour titre la proposition de penser au-delà du courant, signe que l’approche est maintenant bien ancrée dans l’univers de la recherche juridique américaine. L’auteur enseigne à la Columbia Law School depuis plus de 25 ans, où il est titulaire de la distinction George Edward Woodberry Professor Emeritus in Law, Literature, and Criticism. En quoi consiste l’approche droit et littérature ? François Ost et Laurent Van Eynde considèrent qu’elle se manifeste autour des questionnements « que peut apporter la littérature au droit ? » et « que gagne la littérature à comprendre la présence du droit dans ses oeuvres ? ». On peut ainsi distinguer deux courants, soit celui du droit comme littérature et du droit dans la littérature. Dans Practice Extended : Beyond Law and Literature, le professeur Ferguson mobilise les deux formes. Le chapitre premier s’intitule « The U.S. Constitution as Literature ». Il s’agit d’une analyse de droit comme littérature portant sur le texte maître et sacré des États-Unis, la Constitution de 1787. L’auteur propose qu’une conscience informée de ce texte, ainsi que de la façon dont il fut adopté, est nécessaire eu égard à l’incapacité, selon lui, du peuple américain contemporain de réussir à nouveau un tel tour de force. Au deuxième chapitre, « The Place of Mercy in Legal Discourse », l’auteur analyse l’épineuse problématique morale de la clémence dans le contexte de la justice criminelle. Il s’appuie notamment sur des classiques de l’approche droit et littérature, soit Le Marchand de Venise, Mesure pour mesure et La Tempête de William Shakespeare. La pertinence d’une telle analyse est entre autres fondée sur le fait qu’il n’existe aucune cohérence sur la question au sein des jugements de la Cour Suprême des États-Unis. Le troisième chapitre, « Immigration Law : An Answer to Intractability », tombe à point en cette période d’une nouvelle présidence américaine dont la politique d’immigration peut être qualifiée, au mieux, de contentieuse. Ici, comme dans les autres chapitres dans lesquels cela est plus subtil, la neutralité n’est pas de mise : « When does the assumed right to welcome also imply a power to exclude, and if so, who gets to exclude and why? Subliminal national processes are at work here ». L’analyse est particulièrement intéressante, puisque le terme « alien » (dont la traduction littérale est extraterrestre) est utilisé dans le langage juridique (et populaire) aux États-Unis pour identifier une personne n’ayant pas la nationalité américaine. Le professeur Ferguson propose une réflexion sur la constitution identitaire de ces personnes en parallèle à la culture populaire liée aux extraterrestres, représentant l’envahissement et la menace. Il met de l’avant l’argument selon lequel la « [n]arrative structure in alien movies thrives on racial claims that comport with the history of discrimination in immigration law ». La deuxième section ouvre sur le chapitre quatre, « Holmes and the Judicial Figure ». Ce chapitre porte sur Oliver Wendell Holmes Jr., qui fut juge à la Cour suprême des États-Unis au début du siècle dernier et qui produisit des ouvrages phares de la doctrine juridique américaine. Selon l’auteur, ces ouvrages « reveal Holmes in full appreciation of the judge’s literary powers …

Parties annexes