Avant-propos

Préface[Notice]

  • Olivier Delas

Professeur titulaire, Faculté de droit, Université Laval; titulaire de la Chaire Jean-Monnet en intégration européenne de l’Université Laval.

En 2017, année jubilaire où étaient fêtés les soixante ans du Traité de Rome créant la Communauté économique européenne, l’Union européenne (UE) qui lui a succédé faisait face à des enjeux et des défis majeurs quant à la poursuite, l’étendue et les formes que peut ou doit prendre ce processus d’intégration. Ainsi, lors d’une allocution au Parlement européen, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, n’a pas hésité à dresser le portrait d’une Europe « confrontée à une conjonction de crises multiples, complexes, multistratificationnelles, venant de l’extérieur ou de l’intérieur de l’Union européenne, et qui surviennent toutes en même temps », celles-ci étant le « reflet d’une Europe en polycrise ». Ce terme de « polycrise », particulièrement adapté à la description de ce que vit l’UE depuis quelques années, fait en réalité référence à des éléments qui sont à la fois externes et internes à l'UE. D’un point de vue externe, il est vrai que l’UE fait face à des enjeux sécuritaires majeurs, qu’il s’agisse des tensions avec la Russie, notamment à la suite de la crise ukrainienne, ou du conflit syrien. L’UE est au centre de crises géopolitiques qui soulèvent des interrogations sur sa capacité à les résoudre et sur la solidarité entre ses États membres. La situation en Syrie a contribué largement à la crise des migrants que continue de connaître l’UE et dont le pic a été atteint en 2015. En effet, l’UE, et plus particulièrement ses États membres, semble avoir des difficultés à apporter une réponse collective et solidaire, a fortiori avec l’émergence de gouvernements issus de mouvements populistes. Cette crise migratoire a notamment provoqué une remise en question de la capacité de l'UE à assurer la gestion de ses frontières, beaucoup d’États décidant, certes conformément au système Schengen, de rétablir les contrôles à leurs frontières, mais refusant toute mesure de répartition solidaire de demandeurs d’asile sur leur territoire, telle que décidée ou proposée par les institutions européennes. Certains de ces gouvernements se sont trouvés confortés dans leur position à la suite d’attentats terroristes et de l’amalgame fâcheux souvent opéré entre immigration irrégulière et terrorisme. Par ailleurs, cette vague d’attentats terroristes, en partie liée au conflit syrien et qui a touché Berlin, Bruxelles, Londres, Paris et Stockholm, outre les défis sécuritaires qu’elle engendre, est venue jeter des doutes quant à la possibilité, en l’état actuel du processus d’intégration, d’y apporter une réponse efficace. Or, là également, comme n’a pas manqué également de le souligner le Président de la Commission européenne D’un point de vue interne, l’UE était et demeure confrontée à un certain nombre de difficultés qui ébranlent les fondements mêmes de ce processus d’intégration ayant débuté dans les années 1950. Bon nombre d’États de l'UE ont vu des mouvements populistes, eurosceptiques, accéder aux plus hautes fonctions. Si certains y ont échappé malgré les craintes (élections présidentielles en France en 2016, élections législatives aux Pays-Bas en 2017), d’autres sont aujourd’hui dirigés en tout ou en partie par ces mouvements (Hongrie, Pologne, et plus récemment, l’Italie et l’Autriche). Bien qu’elles n’aient pas abouties ou peu de chances d’aboutir, le fait que l'UE en soit à menacer d’introduire, voire à introduire, des procédures visant à faire sanctionner certains de ces gouvernements (Pologne, Hongrie) est pour le moins inquiétant pour un processus d’intégration fondé « (...) sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». De plus, la crise économique des subprimes a durement ébranlé la zone euro, faisant …

Parties annexes