Études, notes et commentaires

Quelques considérations économiques et monétaires sur l’état et le devenir de l’Union européenne[Notice]

  • Bertrand de Largentaye

Né à Washington, Bertrand Rioust de Largentaye est un ancien élève de l’école des hautes études commerciales (1969) et de l’école nationale d’administration (1973). Il a été affecté au ministère de l’Agriculture puis aux ministères de l’Économie et des Finances, et du Commerce extérieur, avant de devenir agent temporaire, puis fonctionnaire européen, à la Commission européenne puis au service européen d’action extérieure.

La crise des prêts hypothécaires américaine de 2007-2009 s’est propagée en Europe, où elle a révélé de graves dysfonctionnements de la zone euro. La monnaie européenne n’a dû son salut qu’au recours à des mesures exceptionnelles pour soulager les États membres de l’Eurogroupe rendus vulnérables par une forte hausse des taux d’intérêt associés à leur dette souveraine. Ces mesures ont permis d’éteindre l’incendie en limitant cette hausse, mais les problèmes de fond subsistent ; ils tiennent notamment au caractère incomplet de l’union bancaire mise en place pour rompre le lien entre dette bancaire privée et dette souveraine, et à certains effets de l’ordolibéralisme sur lequel s’est construite l’union monétaire européenne. Le levier monétaire a montré ses limites et le recours au levier fiscal paraît aujourd’hui nécessaire si l’on veut mettre la zone euro définitivement à l’abri d’une nouvelle crise en donnant à l’union économique et monétaire l’assise économique qui lui fait toujours défaut. « Nous devons faire de la zone euro le coeur de la puissance économique de l’Europe dans le monde ». Il s’agit au fond d’une autre façon de se demander si la création d’un gouvernement économique européen mérite d’être placée au centre du processus d’intégration européenne. Nous répondrons par l’affirmative à cette interrogation, en partant de l’idée qu’il s’agit là du socle de la construction européenne, qu’un chantier est en cours, mais qu’il est bien loin d’être achevé, qu’il ne serait pas particulièrement avisé de l’abandonner maintenant alors qu’on y a tellement investi et qu’il y aurait même lieu de le développer en lui conférant des objectifs plus ambitieux. La création d’un gouvernement économique européen solide ne pourra que faciliter la construction européenne dans d’autres domaines. Il s’agit en grande partie d’un moyen nécessaire pour atteindre d’autres fins, pour accroître la capacité de l’Union européenne à s’intéresser à d’autres domaines. La réforme de la zone euro constitue un chantier qui a beaucoup progressé, mais qui demeure inachevé. Malgré les jalons qui marquent la progression de ces travaux, l’union économique et monétaire reste incomplète : l’union monétaire existe bien dans ses grandes lignes, mais on ne saurait en dire autant de l’union économique. L’union bancaire, créée pour rompre le lien qui permettait aux crises d’établissements financiers privés de se propager pour devenir des crises de la dette souveraine, reste aussi incomplète, s’agissant notamment du système de garantie des dépôts bancaires et du fonds de résolution unique auquel il serait fait appel en dernier recours. Le projet de création d’un marché unique des capitaux à l’échelle européenne, projet cher à M. Juncker, l’actuel président de la Commission européenne, n’est pas encore une réalité. Il s’agit en l’occurrence de réduire la dépendance des entreprises à l’égard des banques de la zone euro. L’Eurogroupe n’est pas le gouvernement économique européen qui se fait attendre depuis vingt-cinq ans. Il est temps qu’il le devienne. Ce chantier est crucial. Pourquoi ? D’abord parce que l’Europe ne peut pas se permettre de perdre de nouveau une décennie de croissance ni de revivre une nouvelle tragédie grecque. Rappelons que le revenu par tête dans l’Union européenne n’a retrouvé son niveau d’avant la crise, son niveau de 2007, que cette année. Or, l’éventualité d’une nouvelle crise n’est pas écartée. Le chantier est crucial pour une autre raison. L’Union économique et monétaire (UEM) constitue sans doute le maillon faible de la construction européenne actuelle. S’il finissait par céder, et par entraîner dans sa chute le marché unique, que resterait-il de l’Union européenne ? Cela dit, les travaux en cours ne suffiront pas par eux-mêmes à rendre l’UEM crédible et donc, stable et durable. L’Union monétaire souffre d’une …

Parties annexes