Corps de l’article

Pour le tout premier numéro de la Revue québécoise de psychologie, en 1980, j’étais parmi les auteurs qui avaient soumis un article. Celui-ci fut en effet publié sous le titre « Le crime féminin et masculin : deux expressions d’une même délinquance ». Pour commémorer les quarante ans de vie de la publication, la direction de la Revue a invité quelques auteurs de jadis à revisiter leur texte de 1980, d’y porter un regard critique et d’exposer leur vision actuelle sur le même thème. J’ai accepté avec enthousiasme.

Le présent texte critique est structuré en deux parties qui devront se chevaucher jusqu’à un certain point. Une première courte partie concerne des remarques générales reprenant les impressions qui me sont venues à la relecture de l’article de 1980. Dans la deuxième partie, je m’attarde au contenu. J’y traite des concepts et des théories qui sont encore défendables et de celles qui au contraire, ne sont pas validées par la recherche empirique. Dans cet exercice, je me baserai évidemment sur les progrès accomplis par la recherche sur ces thèmes au fil des quatre dernières décennies.

REMARQUES GÉNÉRALES

Il est à noter qu’au moment d’écrire l’article de 1980, mon approche était largement influencée par les théories psychanalytiques, graduellement délaissées depuis, au profit d’une approche basée sur les données probantes[2]. Mon regard actuel sur l’article original sera inévitablement teinté de cette dernière approche qui définit toujours mon travail actuel.

L’article de 1980 a été fait à la lumière des écrits psychanalytiques, qui ont leur pertinence clinique. Or, aujourd’hui je vois bien que cet unique champ de littérature ne permet pas de mettre en valeur l’ensemble des connaissances sur la délinquance.

LE CONTENU

Le regard que je porte sur l’article aujourd’hui révèle l’ambition de vouloir couvrir une littérature trop large, portant sur trois différents thèmes qui auraient pu faire l’objet de trois articles différents, soit : comparer la phénoménologie de la délinquance féminine à celle des hommes ; proposer une théorie sur la psychogenèse de la délinquance ; élaborer un rationnel pour une psychothérapie efficace. Je m’attarderai ici à chacun de ces trois thèmes.

Le phénomène de la délinquance féminine

Dans cette partie de mon article de 1980, je m’adressais aux observations, selon lesquelles, la délinquance de la femme connaissait alors un assez important accroissement et que la « forme » de cette délinquance tendait à se rapprocher de plus en plus de la forme réelle de celle l’homme.

C’est dans cette partie du texte que je reste le plus proche des résultats de la recherche empirique. On y trouve quelques chiffres issus d’études épidémiologiques ou d’auteurs qui ont eu le souci d’observer méthodiquement. Je n’hésitais toutefois pas à critiquer leurs observations à partir de ce que je considérais leur éternel désir de vouloir quantifier.

Quelques-unes de mes affirmations de l’époque sont néanmoins plus ou moins confirmées, soit à cette époque même, soit plus récemment. Par exemple, que la délinquance féminine, dans sa phénoménologie, ressemble graduellement davantage à celle des hommes. Ceci semble en effet être le cas. Des changements socioculturels des dernières décennies ne sont très probablement pas étrangers à cet état de choses. Autre affirmation : l’augmentation de la prévalence de la délinquance des femmes serait due à la plus grande visibilité qu’a eue la femme grâce, entre autres, à son entrée massive sur le marché du travail. Ma référence à Pollak (1950) et à son concept de « délinquance masquée» avait sans doute un sens pour expliquer les faibles chiffres d’antan.

Autre référence, celle à Shacklady Smith (1978), féministe notoire, peut également avoir quelques mérites. Cette auteure croyait que, pour un même geste posé, la femme était souvent qualifiée de plus « malade » que l’homme. Nul doute que ceci est toujours le cas aujourd’hui malgré un discours qui se veut politiquement correct (les exemples classiques étant le meurtre, l’abus sexuel ou l’inceste).

Cette partie de l’article reste la plus « moderne » et est nourrie de références variées. Je note néanmoins que j’avais puisé assez fortement dans une littérature scientifique dite féministe : Bertrand (1979), Chesney-Lind (1973), Heidensohn (1968), Rush (1972), Shacklady Smith (1978). Il est vrai que, à cette époque, rares étaient les chercheurs et auteurs masculins qui s’intéressaient à la délinquance de la femme.

Le phénomène de la délinquance

Comme nombre d’auteurs et de chercheurs à cette époque, j’ai voulu distinguer les notions de l’acte délinquant dans le sens légal du terme et celui du sujet délinquant. Toute personne peut poser l’acte délinquant, mais n’est pas nécessairement « délinquante» dans le sens structurel du terme. Dans mon article de 1980, il est clair que je ne m’intéresse qu’à l’individu avec une structure délinquante et pour qui enfreindre des lois est un mode de vie, plutôt qu’un accident de parcours.

Cette distinction est certes compatible avec les théorisations actuelles sur d’une part le Trouble de la personnalité antisociale (TPA) tel qu’on le trouve dans la récente tradition DSM, et d’autre part, la notion de Psychopathie. Le DSM-5 cite les deux appellations comme étant des synonymes, ce que par ailleurs la recherche empirique n’atteste pas (Hare, 1996; Ogloff et al. 2016). Mais le fait est qu’une personnalité délinquante comme structure fait actuellement à peu près l’unanimité.

Pour présenter cette notion dans l’article de 1980, je cherchais appui, entre autres, sur Yochelson et Samenow (1976,1977) qui, dans leurs deux livres traitant de la personnalité criminelle, font état de leur expérience exceptionnelle au St-Elizabeth’s Hospital à Washington. Ils y ont évalué et tenté de traiter des milliers de criminels internés, sur une période de quinze ans et en utilisant un protocole thérapeutique constitué de séances quotidiennes de plusieurs heures. Ils concluaient, entre autres, que la « personnalité criminelle » répond à une structure présente dès la première enfance et n’est pas associée à la qualité ou à des particularités du parentage. Ces auteurs écrivaient : « nous avons été beaucoup plus impressionnés par la manière dont l’enfant futur criminel affecte ses parents que par la manière dont ses parents l’affectent lui » (T.1, p. 247, ma traduction.). J’affirmais que Yochelson et Samenow avaient vu juste sauf dans leur explication de l’étiologie de la structure : ces auteurs la croyaient plutôt innée (faisant partie du tempérament) alors que je la nommais psychogène. Si j’avais bien lu ces auteurs, je n’avais pas eu la curiosité de lire Cleckley pourtant amplement cité par Yochelson et Samenow. La raison pour laquelle j’avais négligé Cleckley était probablement due au fait que celui-ci n’était point psychanalyste, alors que Yochelson et Samenow l’étaient. Cleckley (1941) quant à lui estimait que la structure pouvait avoir des sources neurologiques. Il sera le père de la notion de structure délinquante (bien qu’il n’était pas le premier à émettre cette hypothèse) et il a directement influencé non seulement l’entrée du TPA dans le DSM II, mais a aussi été le précurseur direct des travaux de Hare et du développement par celui-ci de l’outil pour diagnostiquer la psychopathie, le PCL-R (Hare, 2003).

Comme d’autres auteurs de mon école de pensée, je défendais hardiment l’idée que cette structure de la personnalité délinquante était acquise en bas âge, et cela, dans des conditions et à un moment très précis, et qu’elle avait presque uniquement trait à la dyade mère-enfant.

L’explication que j’en donne dans mon article de 1980 était simple : la structure délinquante est une pathologie narcissique. Tout sujet narcissique, selon la théorie des fixations, est resté pris dans la seconde grande phase développementale caractérisée par une « étreinte-miroir » avec la mère d’où ce sujet puise son illusion de grandiosité et de « toute-puissance ». Contrairement, toutefois aux autres narcissiques, le futur délinquant aurait eu affaire à une « mère yo-yo » (terme emprunté à Hochmann, 1976) qui alterne étreinte-miroir et rejet. Pour éviter la froidure du rejet, cet enfant aurait régressé vers le stade du miroir et s’y serait accroché via une fixation. Pour maintenir l’illusion de sa toute-puissance, il utiliserait le même mode relationnel agressif qu’il a connu : il se procurera le « high » par l’exploitation agressive de l’autre. Ce pouvoir qu’il se donnera sur l’autre sert d’évitement au dégrisement inhérent à la reconnaissance de l’incomplétude. Et voilà que le délinquant est né.

Mon projet, à cette époque, était de prouver que la structure délinquante ne pouvait pas avoir d’autre source de sorte que, quand on la rencontrait chez la femme, cette structure devait nécessairement avoir la même genèse. De là, le titre de l’article « deux expressions d’une même délinquance ».

La proposition de base était alléchante pour nous, psychanalystes. On respectait la proposition freudienne (1911) d’une phase développementale intermédiaire entre la phase de l’indifférenciation du début de la vie de l’enfant et la phase de séparation-différenciation où l’enfant, exclu de « l’étreinte » trouve l’objet, c’est-à-dire voit l’autre comme un autre, distinct de soi. Freud, toujours dans son travail psychobiographique du célèbre cas Schreber[3], nommait cette phase intermédiaire la phase du narcissisme. Selon lui, l’enfant n’est plus alors dans l’indifférenciation, mais n’a pas encore découvert l’objet extérieur. Il est dans une dyade-miroir avec sa mère qui a en effet l’air d’une étreinte où mère et enfant se regardent mutuellement comme s’ils se miraient dans un miroir, se rassurant ainsi de leurs complétudes respectives. Normalement, ce miroir devait casser pour que l’enfant se reconnaisse petit et démuni et ait dorénavant besoin d’un objet extérieur dont il doit dépendre. Ainsi naîtrait la relation objectale.

Toujours fidèle à la notion qu’une pathologie soit due à une fixation à tel ou tel stade développemental, le sujet restant pris dans le stade intermédiaire narcissique, devenait nécessairement un narcissique. Tel Narcisse en amour avec sa propre image spéculaire, ce narcissique est donc en amour avec lui-même et n’investit l’autre que si cet autre lui ressemble parfaitement. Il se croit grandiose et tout puissant. Dans la vraie vie, où il est difficile de maintenir une telle illusion, vu les inévitables échecs que la vie comporte, le narcissique doit développer des stratégies pour artificiellement nourrir l’illusion. La nature des stratégies adoptées serait fonction des caractéristiques mêmes de la dyade mère-enfant. Ainsi, si la dyade était de coloration érotique, ce futur narcissique adoptera la sexualité (déviante) pour maintenir son high, (deviendrait le pervers), si la caractéristique de la dyade était grandiose, l’enfant deviendra un narcissique grandiose, si toutefois elle était en montagnes russes, « yo-yo », le futur narcissique adoptera la rage et l’agressivité qu’il ressentait lors de l’alternance miroir-rejet. Comme s’il se disait «ce n’est plus moi qui suis rejeté, c’est moi qui exploiterai, qui agresserai, qui prendrai le pouvoir sur ma destinée.

Il s’agissait là pour nous d’une construction qui satisfaisait l’esprit et nous pouvions donner sens à toute pathologie observable. Les grandes pathologies étaient expliquées par une fixation au stade anobjectal; les pathologies narcissiques (psychopathie, grandiosité, perversion, paranoïa) étaient dues à une fixation à ce stade intermédiaire, tandis que les névroses trouvaient leur source dans une fixation à un stade déjà objectal : les dépressifs dans l’oralité, les obsessionnels dans l’analité, les hystériques (histrioniques) dans un stade phallique. Le tour était joué.

Les explications psychodynamiques, si populaires au vingtième siècle, ont été largement abandonnées pour laisser la place aux doutes ou à des construits théoriques biologiques ou génétiques. Le montréalais Joël Paris (2000) dans son célèbre, mais aussi controversé Myths of childhood, va aussi loin que de mettre carrément en doute l’impact des expériences infantiles sur le développement psychologique de l’individu.

Dans mon article de 1980, le rapprochement entre narcissisme et structure délinquante était pourtant probablement adéquat. Pour Cleckley, en 1941, la liste de critères pour diagnostiquer la psychopathie contenait déjà le critère « égocentrisme pathologique et incapacité d’aimer » (critère 9). Dans la liste correspondante de Hare, faisant actuellement autorité, on retrouve le critère « surestimation grandiose de soi » (critère 2). L’idée de l’ancienne nosologie française de citer la psychopathie parmi les pathologies narcissiques a donc du sens. Dans le DSM-5 (APA, 2013), sous l’entrée Trouble de la personnalité narcissique (TPN), l’essentiel des critères a trait à la grandiosité, le besoin d’admiration et le manque d’empathie. Les correspondances sont évidentes. Dans le DSM, aussi bien le TPA que le TPN font partie des clusters B des Troubles de la personnalité. La nouvelle littérature autour de la notion de la « triade sombre » comme étant un état sous-clinique assimilant les trois dimensions de la personnalité : narcissisme, machiavélisme et psychopathie, est évocatrice. Cette nouvelle entité nosologique, en soi, décrit un délinquant dangereux même s’il n’est pas aux prises avec un trouble mental proprement dit. Cette notion établit de nouveau le lien proche entre structure délinquante et narcissisme (Van Gijseghem 2017).

Mais, et c’est là où le bât blesse, le DSM-5 affirme que la prévalence du TPA est beaucoup plus grande chez les hommes que chez les femmes et cela semble aussi être le cas, jusqu’à un certain point, pour le TPN (DSM-5, 2013). De là, à proposer une source génétique, il n’y a qu’un pas. Les études animales prouvent que les émotions, y inclus l’agressivité, ont une forte base génétique (Grandin et Deesing, 2014). Les études sur les jumeaux monozygotes éventuellement séparés très jeunes, prouvent, elles aussi, que les émotions, y inclus les traits antisociaux, sont modérément héritables (Mason et Frick, 1994). Les études sur la psychopathie infantile suggèrent la même chose (Hyde et al., 2016). Les études en laboratoire trouvent des corrélations évocatrices entre l’activité du cortex frontal orbital, l’hypothalamus, l’amygdale, la sérotonine et la structure délinquante (Blair, 2003; Glenn et Kaine, 2014; Skeem et al., 2011). Même si corrélation n’équivaut pas à causalité, les associations restent inquiétantes pour ceux qui adhèrent à la seule genèse psychosociale ou interactionnelle en bas âge, c’est-à-dire à la thèse de l’acquis. Il se produit actuellement un consensus raisonnable sur le fait que la personnalité antisociale ou la psychopathie relèvent de fortes prédispositions génétiques ou biologiques qui expliquent, selon les études, autour de 60 % de la variance (Hare et Neumann, 2008).

Le traitement

En 1941, Cleckley écrivait que le traitement (ambulatoire) du psychopathe est aussi difficile que l’ablation chirurgicale de la vésicule biliaire d’un lièvre en pleine course. Pourtant, dans notre vision de 1980, ce traitement était d’une simplicité ahurissante, pour peu qu’on utilisât l’outil psychanalytique adéquat. Il fallait simplement rétablir entre le thérapeute et le sujet le transfert-miroir jadis existant entre mère et fils (puisque, en effet, la mère, pour maintenir l’illusion de sa propre complétude, se mire volontiers dans son fils et non dans sa fille, phallus oblige). À l’image de Aichhorn (1925), Eissier (1979), Yochelson et Samenow (1977) et Kohut (1971), le thérapeute n’a qu’à leurrer le délinquant dans un lien miroir. Cette communion avec la figure toute-puissante (le thérapeute) créerait l’espace suffisant pour que le sujet délaisse graduellement sa propre illusoire toute-puissance et parvienne à en faire son deuil, et qu’une mentalisation s’installe. J’écrivais : « s’il (le délinquant) met (le thérapeute) au monde et parallèlement, il s’accouche de lui-même (…) et il s’ouvre aux émois relationnels » (page 120). Cela était certainement joliment dit. Le fait est que même Yochelson et Samenow, utilisant une variante de cette technique, prétendent avoir guéri quelques sujets sur les milliers qu’ils ont soumis à ce traitement très intensif (séances quotidiennes). Quinsey (2006), Harris et ses collègues (2006), Rice et autres (1992) et Hare et Neumann (2008) prétendent qu’il n’y a aucune preuve qu’une thérapie (qu’elle soit psychologique ou pharmaceutique) n’a amélioré l’état du psychopathe. Harris et al. (2006) ont par ailleurs prouvé empiriquement que la thérapie psychologique rend cet état plus grave. Yochelson et Samenow avaient déjà fait cette observation clinique. L’explication donnée par Harris et Rice et leurs collègues respectifs pour disqualifier la psychothérapie est que ce délinquant y peaufine ses ressources verbales et manipulatrices pour que son action délétère sur les autres soit encore plus efficace.

Comment, en 1980, ai-je pu me convaincre que cette thérapie était si simple et couronnée de succès. À cette époque, deux situations avaient contribué à mon assurance. J’avais été longtemps consultant à Boscoville, institution d’éducation pour jeunes délinquants mâles dont à peu près la moitié étaient diagnostiqués comme porteurs d’une structure délinquante. Boscoville était alors vu comme la reine des institutions de rééducation et la stratégie thérapeutique était fortement inspirée des notions psychodynamiques principalement la psychologie du Moi hartmannienne et eriksonienne. L’évaluation du progrès du garçon était principalement effectuée par le personnel et, comme on peut s’en douter, ses progrès étaient qualifiés de mirobolants. Une évaluation indépendante (Leblanc, 1983) est venue tempérer cet enthousiasme. Il est très probable que plusieurs biais ont amplifié les présumés effets positifs, dont un biais de sélection et, surtout, le biais de confirmation. Mais j’étais fortement contaminé et nous prêchions pour notre paroisse.

Un deuxième élément qui nourrissait ma conviction était une longue thérapie analytique que j’avais conduite avec un grand pervers. Il s’agissait d’un homme grandiose qui nourrissait son image par une sexualité frénétique et perverse. Il était en effet dans le high constant et m’investissait comme un demi-dieu, comme lui. Après trois ans de traitement intensif, cet homme a déprimé et s’est installé dans une vie conjugale stable. C’était pour moi la réussite : il avait troqué son illusion d’omnipotence pour une reconnaissance de son incomplétude, et donc, avait dorénavant besoin de l’autre. Ma lecture était-elle juste? Je ne le saurai jamais, mais le fait est qu’il s’agit là d’un cas isolé et non un bassin expérimental permettant de bâtir une théorie.

CONCLUSION

Les sciences humaines, plus que les sciences de laboratoire, sont susceptibles de se développer par courants et écoles de pensée et sont de ce fait plus facilement colorées par des idéologies. La relecture de mon article de 1980 en donne un bon exemple. Étant pourtant la même personne, en 1980, j’étais dans un monde, y inclus cognitif, complètement différent du monde dans lequel je pense et je travaille aujourd’hui. L’article de 1980 était un produit de mon éducation professionnelle d’alors, ce qui lui donne son ton assuré et sa prétention que la vérité ne pouvait être autre : c’est dans l’étreinte narcissisante mère-fils que nait le criminel. Même si la proposition ne faisait pas nécessairement l’unanimité, l’auteur pouvait l’affirmer sans ambages puisque son savoir était né dans l’intersubjectivité de quelques thérapies. Même s’il n’est issu que d’un seul cas clinique, un tel savoir risque toutefois de devenir absolu, puisque soumis au biais de confirmation et, ce qui plus est, reste non vérifiable ni réfutable. La démarche scientifique, quant à elle, est un exercice moins confortable.