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INTRODUCTION

Plusieurs psychothérapeutes considèrent que les approches psychodynamiques sont obsolètes par rapport aux valeurs véhiculées dans nos sociétés contemporaines, notamment envers l’inclusion de la diversité sexuelle et de genre. Pour d’autres, ces approches, bien que comportant des éléments intéressants, semblent en opposition avec leurs valeurs d’ouverture et d’inclusion. Par exemple, Greene (2004; 2006) affirme que les approches psychodynamiques sont ethnocentriques, androcentristes, sexistes ainsi qu’hétérosexistes et peuvent être perçues comme non adaptées pour le traitement des personnes issues de la diversité. Plusieurs psychothérapeutes ne seraient pas à l’aise d’utiliser ces approches avec une clientèle provenant des minorités sexuelles en raison de la façon dont ces minorités sont pathologisées dans ces approches (Mair, 2006). Pourtant, plusieurs théoricien.ne.s et clinicien.ne.s ont questionné et adapté les concepts psychodynamiques ainsi que leurs applications cliniques afin de favoriser l’ouverture et l’inclusion des diversités (Ehrensaft, 2021), mais peu de ces écrits semblent connus puisque la réputation des approches psychodynamiques face à l’inclusion de la diversité persiste (Greene, 2004). La question des diversités dans les approches psychodynamiques est d’actualité, car l’Association internationale de psychanalyse a formé, en 2018, un comité sur l’étude de la psychanalyse et la diversité sexuelle et de genre (Psychoanalysis and Sexual & Gender Diversity Studies Committee). Il est donc important, voire nécessaire, de mieux faire connaitre l’évolution de la question de l’inclusion de la diversité sexuelle et de genre dans les approches psychodynamiques.

L’objectif de cet article, faisant un survol des aspects théoriques et cliniques, est d’aider les professionnel.le.s en psychologie à mieux saisir et considérer les enjeux sur le plan de la diversité sexuelle et de genre, dans les approches psychodynamiques. Pour ce faire, une première partie résumera deux des principales critiques faites aux approches psychodynamiques quant à l’inclusion de la diversité sexuelle et de genre, ainsi que les implications cliniques en découlant. Cette section permettra notamment aux lecteurs.rices de se questionner à propos de certains concepts théoriques et leurs implications cliniques favorisant peu l’équité et l’inclusion de la diversité. Une seconde partie présentera les conceptualisations théoriques et cliniques psychodynamiques qui sont considérées davantage intégratives de cette diversité. Cette section aidera les lecteurs.rices à connaitre des approches psychodynamiques permettant de concevoir la diversité sous de nouveaux angles théoriques, ainsi que d’effectuer des interventions cliniques dans un cadre favorisant l’équité et l’inclusion des diversités. Une troisième section présentera quelques considérations cliniques plus générales permettant d’aider les psychothérapeutes dans leurs interventions avec cette population.

PREMIÈRE PARTIE : PRINCIPALES CRITIQUES DES APPROCHES PSYCHODYNAMIQUES

Cette première partie focalisera sur deux des principales critiques qui ont été émises face aux enjeux de la diversité sexuelle et de genre dans la théorie psychodynamique. La pratique clinique étant ancrée dans la théorie, il est important d’examiner ces bases théoriques qui ont été critiquées et qui agissent comme cadre de référence pour les psychothérapeutes afin de mieux comprendre comment elles amènent à analyser la personne qui consulte, à la diagnostiquer et à intervenir avec elle. Le but étant de pousser la réflexion individuelle et collective sur les différentes identités sexuelles et de genre et de sensibiliser les psychothérapeutes aux enjeux propres à cette population (Ayouch, 2015).

Depuis les débuts de la psychanalyse, certaines conceptualisations font l’objet de critiques ou de débats, et ce, autant de la part de personnes extérieures à l’approche que de personnes pratiquant la psychanalyse. Au 20e siècle, certain.e.s psychanalystes ont commencé à remettre en question les postulats traditionnels de la psychanalyse sur le plan, entre autres, des construits en lien avec la sexualité et le genre (Ehrensaft, 2021). Parmi ces critiques, des psychanalystes féministes ont souvent débattu des notions théoriques de base notamment concernant l’aspect développemental. Ces psychanalystes ont critiqué le développement de la féminité qui indiquait que la petite fille était d’abord un garçon jusqu’au complexe d’Oedipe (Barden, 2006). Par exemple, Karen Horney, Jessica Benjamin et plusieurs autres ont remis en question la théorie décrivant le processus du complexe d’Oedipe en raison notamment de l’importance accordée au pénis dans la séquence développementale ainsi qu’à la description du développement féminin qui repose sur le fait de ne pas avoir de pénis (Benjamin, 1988; Horney, 1967). Ces psychanalystes féministes ont souvent critiqué l’androcentrisme de ces théories ainsi que le développement et l’apport du genre dans la théorie développementale (Benjamin, 1988; Horney, 1967) ouvrant la voie à une réflexion plus large portant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (par exemple Butler, 1999). Cette réflexion des psychodynamicien.ne.s sur la diversité sexuelle et de genre a donc commencé il y a plusieurs décennies et elle se poursuit encore de nos jours. Parmi les points soulevés faisant obstruction à l’inclusion de la diversité dans les approches psychodynamiques, deux semblent faire consensus chez plusieurs auteur.rice.s.

Le premier aspect qui a été souvent relevé cible la théorie développementale, importante pour l’approche psychodynamique classique, que plusieurs auteur.rice.s ont questionnée en raison des enjeux entourant le développement de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle. Selon cette théorie, au départ, le très jeune enfant possède une bisexualité innée au point de vue identitaire et du choix d’objet (Barden, 2006; Malark, 2017). Les développements de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle gravitent autour des concepts d'envie du pénis, de la peur de la castration et du complexe d’Oedipe, comme le résume bien Ehrensaft (2021). Toujours selon cette théorie, au cours du développement, par l’entremise de plusieurs processus, l’enfant en arrivera à désirer le parent de sexe opposé et s’identifier au parent hétérosexuel de même sexe que lui (Malark, 2017). En résumé, un enfant qui suit un développement dans les normes devra : a) accepter le genre qui lui a été assigné à la naissance et accepter que ce dernier soit définitif pour le reste de sa vie; b) sera contraint à délaisser ses fantaisies amoureuses avec le parent de sexe opposé; c) affirmer son hétérosexualité ainsi que son identification avec le parent du même sexe (s’il y en a un) afin de se préparer pour le futur en tant qu’homme ou femme (Ehrensaft, 2021).

La théorie du développement psychosexuel élaborée par Freud a constitué un point de départ important dans l’étiologie du désir entre personnes de même sexe (Malark, 2017). De plus, cette théorie a mis en lumière que le sexe anatomique est différent de l’identité de genre, puisque cette théorie explique que le genre ne découle pas naturellement du sexe biologique, mais qu’un cheminement est nécessaire pour en arriver à un genre masculin ou féminin (Barden, 2006). Selon plusieurs auteur.rice.s, Freud était relativement ouvert quant aux différentes configurations développementales et identités en résultant (Barden, 2006; Drescher, 2015; Fonagy et Allison, 2015; Mair, 2006; Malark, 2017). Toutefois, cela n’a pas empêché qu’une normativité se dessine et que plusieurs membres de la communauté considèrent pathologiques les désirs ou les identités non hétérosexuels, puisqu’ils résultaient d’une divergence dans la séquence développementale (Barden, 2006; Malark, 2017). Pour certains auteur.rice.s, toute déviation du développement typique est considérée comme « anormale », préoccupante et nécessitant un traitement en psychothérapie (Ehrensaft, 2021). L’homosexualité étant considérée soit comme une perversion soit comme une preuve de psychopathologie (Mair, 2006) et la bisexualité, quant à elle, est perçue comme un état primaire et sous-développé comparativement à l’hétérosexualité et même l’homosexualité (Barden, 2006). Des arguments de cette nature ont été soutenus par des psychodynamicien.ne.s qui, étant à l’avant-plan dans les débats, se sont opposés au retrait de l’homosexualité dans le DSM dans les années 70 (Drescher, 2015; Stoller et al., 1973). Ces positions tenues par des psychanalystes ont sans doute contribué à renforcer la réputation des approches psychodynamiques comme étant non inclusive de la diversité.

Au plan clinique, il est problématique que des psychothérapeutes utilisent, de façon rigide, cette théorie comme cadre de référence dans leur travail avec une clientèle issue des minorités sexuelles en raison des enjeux sous-jacents notamment pour le développement de la maturation (Mair, 2006). Des clinicien.ne.s cherchant à expliquer l’étiologie de l’homosexualité de leurs clients en se basant sur la théorie développementale, ont avancé différentes hypothèses explicatives allant de condition narcissique à une défense contre l’anxiété de séparation, ou encore, des hypothèses reliées à des difficultés dans le développement telles qu’une grande angoisse de la castration, la non-résolution du complexe d’Oedipe et des identifications de genre problématiques (Ellis, 2021; Lingiardi et Luci, 2012). Toutes ces interprétations sont de nature à rendre pathologique l’homosexualité (p. ex., Bergeret et al., 1999). La théorie développementale qui suppose que l’homosexualité ou une identité de genre différente que celle attribuée à la naissance, résulte d’une difficulté en lien avec le développement, est problématique pour plusieurs, parce que cela implique non seulement une pathologisation de la diversité sexuelle et de genre, mais aussi « un échec » dans le développement de l’individu qui résulte à un manque de maturité sexuelle et psychique (Ellis, 2021). Ainsi, l’adoption de ces conceptualisations comme cadre de référence pour analyser et diagnostiquer une personne qui consulte, s’avère problématique puisque le ou la psychothérapeute considère qu’une partie, plus ou moins importante, de l’identité de la personne issue de la minorité sexuelle est pathologique. Cette compréhension risque aussi de nuire à la relation thérapeutique en raison de l’orientation qui sera donnée aux interventions du ou de la psychothérapeute et qui pourrait être perçue par les personnes qui consultent (Mair, 2006). De plus, cette compréhension peut aussi nuire au travail thérapeutique directement dans le cas où le ou la psychothérapeute focalise sur cet aspect de la personne afin de normaliser son développement psychique, même si l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne fait pas partie du motif de consultation. Comme le résume bien Nathans (2021), la théorie façonne ce que l’on voit ou pas, comment on le voit et les interventions cliniques qui seront effectuées.

Heureusement, de nos jours, des auteur.rice.s psychodynamicien.ne.s contemporain.e.s ont revisité les écrits classiques. Bien que certains éléments liés au complexe d’Oedipe demeurent dans les compréhensions cliniques contemporaines (par exemple, la triangulation), l’identité et le choix d’objet ne sont plus des aspects considérés centraux (Lynch, 2021; Nathans, 2021). Les psychodynamicien.ne.s contemporain.e.s conceptualisent dorénavant les diverses configurations liées au complexe d’Oedipe comme différentes possibilités ou résultantes équivalentes d’un point de vue du développement et non plus comme des trajectoires « bonnes » ou « mauvaises » (Barden, 2015; Ehrensaft, 2021; Greene, 2004; Lynch, 2021). Par exemple, Lewes (1988) qui a travaillé sur la notion du complexe d’Oedipe considère que plusieurs résultantes sont possibles selon la trajectoire des individus et la résultante purement hétérosexuelle du complexe d’Oedipe peut être aussi pathologique qu’une résultante exclusivement homosexuelle, lorsque ce processus découle d’une défense (Saketopoulou, 2020; Lewes, 1988). Ces nouvelles conceptualisations sont conformes aux nouveaux paradigmes en psychologie qui présentent le développement comme ayant différentes trajectoires possibles qui ne sont pas nécessairement pathologiques parce qu’elles dérogent de la norme du groupe dominant (Greene, 2004).

Un deuxième aspect qui a été souvent reproché aux approches psychodynamiques plus traditionnelles est l’évacuation du contexte socioculturel dans lequel l’individu évolue, et le manque de considération de l’influence de ce contexte sur le développement de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle (Ayouch, 2015). Que ce soit dans la théorie psychodynamique ou encore dans la pratique clinique, le contexte socioculturel doit être considéré puisque le conscient, l’inconscient, les expériences et la sexualité s’expriment dans ce contexte socioculturel (Ellis, 2021; Greene, 2004; Lynch, 2021). La minimisation de l’influence des sphères socioculturelles empêche que des facteurs importants soient considérés lors de l’évaluation et puissent être adressés en psychothérapie (Ciclitira et Foster, 2012). Par exemple, une personne qui a grandi dans un environnement conservateur, peut tenter de cacher sa sexualité de peur d’être jugée et peut aussi avoir davantage de sentiments négatifs envers elle-même en raison de ce qui est reflété par sa culture et son entourage et qui a été internalisé (Mair, 2006). Dans le même ordre d’idées, il semble évident que la subjectivité du ou de la psychothérapeute est aussi influencée par le contexte social et culturel dans lequel il ou elle évolue et peut contribuer à influencer sa compréhension de la personne qui consulte, ses interventions et par conséquent la relation thérapeutique (Berry et Lezos, 2017). Les personnes qui consultent peuvent croire que l’appartenance du ou de la psychothérapeute à une autre sous-culture limite son écoute ou sa compréhension du client (Lingiardi et Luci, 2012). Prenons l’exemple d’une personne qui perçoit que plusieurs questions sont posées sur son identité ou son orientation sexuelle sans que cela soit le motif de consultation ou encore, une personne qui perçoit les préjugés ou stéréotypes du ou de la psychothérapeute à travers ses interventions et son langage non verbal. Dans ces deux cas de figure, la personne pourrait ressentir un malaise face à son ou sa psychothérapeute, sentir une pression de se conformer à la norme, avoir l’impression que le ou la psychothérapeute ne voit que ce côté de sa personne et tentera possiblement de cacher certains aspects de son expérience ainsi que de son identité (Mair, 2006), impactant, par conséquent, la relation thérapeutique et le travail thérapeutique. Dans le cas où le ou la psychothérapeute tente d’adopter une position de trop grande neutralité envers l’identité de genre ou l’orientation sexuelle de la personne qui consulte, cette dernière pourrait interpréter que le ou la psychothérapeute n’est pas à l’aise ou fait abstraction d’une partie importante de sa réalité et donc, mal percevoir cette neutralité (Mair, 2006).

Une analyse plus générale de Barden (2006) nous rappelle que la conception de théories entourant le genre ou l’orientation sexuelle reflète la culture du moment et que c’était le cas à l’époque de Freud, et encore aujourd’hui, lorsque nous faisons référence aux multiples identités. Dans ces circonstances, les psychothérapeutes doivent être sensibilisé.e.s quant au contexte dans lequel une théorie a été élaborée et comment ce contexte socioculturel a pu influencer la théorie (Mair, 2006). Il faut garder à l’esprit que la théorie originale de Freud a émergé dans un contexte sociohistorique spécifique qui a certainement influencé le développement de cette théorie (Ellis, 2021). Par exemple, à l’époque, les conceptualisations étaient pensées en termes binaires (masculin/féminin, passif/actif, etc.), faisant en sorte que les psychodynamicien.ne.s n’ont pu apprécier la variété et les complexités des dynamiques sexuelles et de genre (Fonagy et Allison, 2015; Lingiardi et Luci, 2012), ce qui a été souvent critiqué par plusieurs auteur.rice.s (Ehrensaft, 2021). Ce n’est plus le cas de nos jours puisqu’une multitude d’identités sont possibles et que différents concepts ne se présentent plus de façon binaire, mais davantage sur un continuum (Lingiardi et Luci, 2012). Les approches psychodynamiques évoluent et le concept d’identité de genre n’est plus un construit unitaire, mais il se traduit maintenant dans une pluralité des identités de genre en raison d’une plus grande acceptation de la fluidité (Barden, 2006; 2015; Knafo et Lo Bosco, 2020). Les nouvelles conceptions comprennent le genre comme une construction sociale avec beaucoup de variabilité plutôt qu’une catégorisation dichotomique ancrée dans le biologique (Ehrensaft, 2021).

En résumé, plusieurs auteur.rice.s et psychothérapeutes ont critiqué les approches psychodynamiques en raison de la pathologisation des diversités sexuelles et de genre, et ce, particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni (Ellis, 2021). Toutefois, l’inclusion de la diversité n’est pas qu’une préoccupation des clinicien.ne.s des approches psychodynamiques. Rappelons que la pratique de la thérapie de conversion (thérapies visant à changer l’identité sexuelle ou l’identité de genre) a été officiellement interdite en 2017 en Angleterre et plus récemment au Canada en 2021. Ces thérapies supposaient que certaines orientations ou identités de genre étaient préférables à d’autres. Toutefois, bien que l’inclusion de la diversité ne regarde pas seulement les approches psychodynamiques, cet aspect semble être particulièrement problématique dans les approches psychodynamiques (Ciclitira et Foster, 2012). Les approches psychodynamiques plus classiques se sont révélées n’être que très peu utiles dans le travail en psychothérapie avec les minorités sexuelles (Ehrensaft, 2021). Au cours des dernières années, des changements sont observés dans l’attitude des psychodynamicien.ne.s envers la diversité sexuelle et de genre (Ellis, 2021; Knafo et Lo Bosco, 2020). Plusieurs d’entre eux ont transformé et bonifié les théories et les techniques afin de les rendre plus utiles à la psychothérapie avec les minorités sexuelles et aussi afin de tenir compte des biais intrinsèques à la théorie (Greene 2004; Knafo et Lo Bosco, 2020). Par exemple, plusieurs auteur.rice.s connu.e.s tels que McDougall, Kernberg et Schaefer ont changé leurs réflexions sur l’homosexualité (Lingiardi et Luci, 2012). De plus, plusieurs ouvrages portant sur l’utilisation de la psychothérapie psychodynamique avec une clientèle issue de la diversité sexuelle ont été publiés récemment (par exemple, Langer, 2019; Lemma, 2021). Plusieurs tenants des approches psychodynamiques ont trouvé des façons de travailler avec ces minorités sans les pathologiser (Lemma, 2018; Mair, 2006) et ils ou elles ont relevé les différents éléments qui sont favorables à une plus grande inclusivité (Ellis, 2021).

DEUXIÈME PARTIE : CONCEPTUALISATIONS THÉORIQUES ET CLINIQUES PLUS INTÉGRATIVES

Cette deuxième partie présentera des conceptualisations théoriques et cliniques plus intégratives des diversités sexuelles et de genre. Les professionnel.le.s de la psychologie ont la responsabilité de connaitre et de changer leurs pratiques si nécessaire afin d’optimiser les interventions avec les personnes qui consultent et d’éviter les interventions qui peuvent causer des préjudices (Ciclitira et Foster, 2012).

Parmi les diverses approches psychodynamiques, les approches relationnelles sont des approches qui sont souvent recommandées pour la psychothérapie avec les personnes issues des diversités (Belkin, 2020; Malark, 2017). Les approches relationnelles englobent des modèles et des approches plus contemporaines qui s’enracinent, sur le plan conceptuel, dans les relations interpersonnelles (p. ex., l’approche interpersonnelle, l’approche des relations d’objet et celle de la psychologie du soi) contrastant avec l’approche plus classique (Perlman et Frankel, 2009). La théorie qui est liée avec ces approches semble fournir une compréhension moins pathologique des diversités sexuelles et de genre. Selon cette théorie, dans les premières années de vie, le genre importe peu, l’accent étant placée sur la relation entre la personne qui est la donneuse principale de soin, souvent la mère (Barden, 2006). Par la suite, le second parent est perçu comme un objet qui permet d’explorer une relation différente en s’éloignant de la relation avec la première personne donneuse de soin (Barden, 2006; Nathans, 2021). De plus, ces relations sont expérimentées dans les « phantaisies » et en tant qu’objet partiel, diminuant davantage l’importance du genre dans les dynamiques (Barden, 2006). Même plus tard, au cours du développement, il y a la possibilité d’expérimenter les différents aspects du genre en tant que différents aspects du soi (Barden, 2006). Les approches relationnelles permettent aussi d’intégrer davantage le contexte social et d’autres facteurs devant être considérés, pour mieux comprendre les identités sexuelles et de genre, tels que les jeux de pouvoir et la stigmatisation des individus (Malark, 2017).

En ce qui a trait à la pratique clinique, les approches relationnelles se prêtent bien au travail avec les diversités. Les approches relationnelles focalisent sur la relation entre le psychothérapeute et de la personne qui consulte en réalisant un travail de co-construction (Malark, 2017). Selon Mair (2006), il est préférable que les psychothérapeutes qui travaillent avec les personnes issues de la minorité soient davantage focalisé.e.s sur la relation. Le travail clinique effectué par les psychothérapeutes de cette approche permet d’examiner les dynamiques relationnelles qui se répètent dans la relation thérapeutique, et ce, de façon consciente et inconsciente (Malark, 2017). L’utilisation importante du transfert et du contre-transfert dans ces approches ainsi que la façon de l’utiliser, peuvent s’avérer très intéressants avec cette clientèle notamment pour favoriser la relation thérapeutique (Malark, 2017) et pour considérer davantage le contexte socioculturel (Lynch, 2021). Puisque le transfert risque d’être teinté par l’expérience des personnes en tant que minorité sexuelle et que le contre-transfert risque aussi d’être teinté par cette expérience, l’utilisation de ces conceptions pourra s’avérer fort utile dans le travail thérapeutique (Mair, 2006). De même, le travail commun du ou de la psychothérapeute et de la personne qui consulte sur les ruptures et les réparations de l’alliance thérapeutique est non seulement d’autant plus bénéfique pour la personne issue de la minorité qui peut avoir vécu certains enjeux sur le plan relationnel, mais permet aussi au ou à la psychothérapeute de donner la chance à la personne d’expérimenter de nouvelles expériences relationnelles (Malark, 2017). Ces approches sont aussi considérées intéressantes à utiliser avec les personnes issues de la diversité en raison notamment de la position empathique et authentique, essentielle dans ces approches relationnelles, qui est adoptée par le ou la psychothérapeute et qui est fondamentale dans le travail avec cette clientèle (Mair, 2006). Selon ces approches, le ou la psychothérapeute doit prendre une position engagée, chaleureuse, et curieuse pour aider le soi authentique à émerger, ce qui peut être un enjeu à travailler chez certaines personnes issues de la diversité. Par exemple, les enfants issus de la minorité ont souvent un faux soi important étant donné leur expérience : ils souhaitent souvent ne pas être trop être différents des autres et gardent une partie de leur identité cachée (Mair, 2006). De plus, le travail en psychothérapie porte notamment sur une estime de soi saine en utilisant la réflexion, la validation, l’idéalisation et en utilisant l’identification à une personne significative pour le soi (Mair, 2006), ce qui peut s’avérer essentiel avec cette clientèle en raison des expériences passées à l’enfance et au cours de la vie qui font en sorte que souvent, ils n’étaient pas validés (Malark, 2017). Cette façon de concevoir le travail clinique peut s’avérer pertinente pour comprendre et intervenir auprès des personnes provenant des minorités sexuelles qui ont eu des blessures narcissiques parce qu’elles n’ont pas été suffisamment validées au cours de leur développement (Mair, 2006). Cette posture et ces interventions du ou de la psychothérapeute mèneront la personne à être plus authentique et à faire émerger son vrai soi en thérapie (Ehrensaft, 2021). La position de neutralité de l’approche classique reproduit souvent les blessures de l’enfance dans lesquelles l’enfant ne trouve pas de réflexion ou de validation de son identité de genre ou de son orientation sexuelle (Mair, 2006). Les minorités sexuelles présentent aussi souvent un grand besoin d’être acceptée et d’avoir un sentiment d’appartenance. Les psychothérapeutes doivent donc être sensibilisé.e.s à cette dynamique. Finalement, ces approches peuvent aussi être inestimables dans la recherche authentique de l’identité de genre chez l’enfant (Ehrensaft, 2021).

D’autres approches moins connues et intégrant des aspects de plusieurs approches sont aussi retrouvées chez les clinicien.ne.s qui travaillent spécifiquement avec des personnes issues de la diversité. La thérapie de Iasenza (2020) en est un bel exemple. L’auteure, formée à la base dans les approches psychodynamiques, utilise la thérapie de type narration avec des couples issus de la diversité sexuelle et de genre. Cette approche permet, selon Iasenza (2020), de penser les défis et les solutions dans le domaine de la sexualité avec une approche inclusive qui permet de focaliser et comprendre les relations complexes entre les différentes sphères de l’histoire sexuelle des personnes qui consultent : personnelle, sociale, culturelle et familiale. On retrouve aussi le modèle affirmatif du genre (Gender affirmative model) qui est utilisé par plusieurs auteur.rice.s d’orientation psychodynamique (Ehrensaft, 2021; Malark, 2017). Ce modèle ne conçoit pas la diversité du genre comme un trouble, mais considère plutôt que le problème réside dans la culture et l’environnement de l’enfant (Ehrensaft, 2021). Le travail psychothérapeutique qui en découle a comme objectif premier que l’individu atteigne une santé de genre qui est définie par la chance de vivre leur genre de façon authentique et libre (Ehrensaft, 2021). Pour ce faire, le ou la psychothérapeute doit donner l’espace à la personne d’explorer et d’établir leur soi genré authentique ainsi que de développer une résilience face à la société (Ehrensaft, 2012). Ce modèle s’adapte particulièrement bien à la psychothérapie psychodynamique avec les enfants dans laquelle à travers l’écoute, le jeu, l’observation, le reflet et l’interprétation, le psychothérapeute peut examiner le contenu conscient et inconscient en lien avec le genre et mieux comprendre aussi, quels sont les obstacles intrapsychiques et interpersonnels à ce développement du soi genré authentique (Ehrensaft, 2021).

Bien que certaines approches au sein des approches psychodynamiques soient ciblées pour le travail en psychothérapie avec les personnes de la diversité sexuelle et de genre, plusieurs facettes des approches psychodynamiques dans leur ensemble peuvent être aidantes dans le travail en psychothérapie avec cette clientèle afin de répondre à certains de leurs besoins (Ehrensaft, 2021; Knafo et Lo Bosco, 2020; Mair, 2006). Selon Mair (2006), puisque les approches psychodynamiques ne focalisent pas sur le changement de prime abord, mais plutôt sur le fait de fournir un espace dans lequel une personne peut améliorer sa conscience de soi et sa compréhension de lui-même, est un atout important pour le travail thérapeutique avec cette clientèle. Il y a aussi le travail sur l’inconscient et la prise d’insight émotionnelle qui peuvent être très appropriés pour aider certaines personnes issues de la diversité éprouvant des difficultés identitaires (Ciclitira et Foster, 2012). Le rôle du ou de la psychothérapeute est d’aider les personnes qui consultent à rendre conscient des aspects de sa personne qui sont inconscients ou du moins que la personne évite (Mair, 2006). Ce travail sur l’inconscient aide les personnes à se sentir plus authentiques, intégrer différentes facettes d’elles dans leur identité, être davantage présentes et plus libres de faire des choix informés de façon consciente sur divers aspects de leur vie (Greene, 2004). Les approches psychodynamiques sont tout indiquées aussi pour aider les personnes à prendre conscience de leur expérience et de leurs conflits en explorant avec ces dernières les désirs, les émotions et réfléchir aux différents conflits internes (Malark, 2017). Par exemple, les personnes qui consultent peuvent ressentir plusieurs émotions : être fière de leur identité, mais aussi avoir internalisé une certaine honte. Ces émotions conflictuelles peuvent faire en sorte que certaines émotions sont évitées ou que des défenses surviennent. Le travail psychothérapeutique pourra alors aider les personnes qui consultent à affronter leurs émotions et à rendre plus flexibles leurs défenses afin qu’elles soient davantage en mesure de tolérer les émotions (Malark, 2017).

TROISIÈME PARTIE : QUELQUES CONSIDÉRATIONS POUR UNE PRATIQUE CLINIQUE PLUS INCLUSIVE

Au-delà de l’utilisation d’un référent théorique qui est non pathologisant envers la diversité, certaines considérations cliniques doivent être respectées afin de favoriser une pratique plus inclusive (Berry et Lezos, 2017). Ces considérations, formulées dans les écrits par des auteur.rice.s qui ont étudié la question, permettent d’aider les psychothérapeutes à être plus inclusifs dans leur travail avec les personnes issues de la diversité, car être seulement bien intentionné.e n’est souvent pas suffisant pour y arriver (Mair, 2006).

Une première considération clinique soulevée par plusieurs auteur.rice.s est d’avoir une bonne connaissance de la population avec laquelle un ou une psychothérapeute travaille. Il est nécessaire d’effectuer un bilan des connaissances sur la diversité et d’améliorer ses connaissances sur le sujet en allant chercher des informations, le but étant de mieux comprendre cette population (Ciclitira et Foster, 2012; Ellis, 2021; Malark, 2017). Par exemple, les psychothérapeutes gagnent à connaitre davantage la vaste possibilité des valeurs, des identités qui peuvent être multiples ainsi que des défis et stigmas associés à cette clientèle (Berry et Lezos, 2017; Malark, 2017). Les thèmes de l’homosexualité internalisée, le rejet de la famille et la honte sont particulièrement recommandés dans les lectures qui se doivent d’être variées et multidisciplinaires (Full, 2018).

L’adoption d’une approche réflexive et autocritique de la pratique est indispensable dans le travail avec les personnes issues de la diversité (Berry et Lezos, 2017; O’Conner, 2021). Plus spécifiquement, les psychothérapeutes doivent favoriser l’introspection ainsi que la réflexion sur soi et sur ce qui se passe en thérapie (Berry et Lezos, 2017). Chaque psychothérapeute a des perceptions et des biais conscients et inconscients, mais il est important de bien les connaitre afin d’effectuer un meilleur travail avec les personnes qui consultent, et ce, peu importe son identité sexuelle et de genre (Ciclitira et Foster, 2012; Lynch, 2021; Mair, 2006). Comme le veut la tradition des approches psychodynamiques, il est nécessaire de connaitre ses valeurs, ses a priori et ses biais envers les autres afin d’instaurer et de maintenir une bonne relation thérapeutique qui sera utile au travail en psychothérapie (Ciclitira et Foster, 2012). Évidemment, avoir des préjugés sur les homosexuels ou penser qu’il n’y a pas de différence dans le développement ou le vécu des personnes issues de la diversité peut être évidemment nuisibles à la relation thérapeutique et au travail thérapeutique, mais il y a d’autres situations qui peuvent aussi l’être. Par exemple, un ou une psychothérapeute qui voudrait trop démontrer son ouverture envers la diversité, un ou une psychothérapeute qui ressent un inconfort lorsque les personnes lui communiquent des détails intimes ou encore un ou une psychothérapeute s’identifiant à la diversité qui tient pour acquis que le vécu des autres est analogue au sien, sont toutes selon Mair (2006), des situations dans lesquelles la relation thérapeutique et le travail thérapeutique peuvent être touchés. Le ou la psychothérapeute doit aussi être conscient.e du contexte dans lequel il ou elle a grandi ainsi que la personne qui consulte et comprendre comment ces influences viennent se rejouer dans la relation thérapeutique (Mair, 2006). Pour ce faire, il est important de développer et maintenir une compréhension de ses propres visions et positions sur les sexualités non normatives ainsi que reconnaitre qu’il est possible de porter préjudice aux personnes qui consultent (Berry et Lezos, 2017; Mair, 2006). Si nous croyons avoir trop de biais importants qui pourraient causer préjudice, il est préférable de reconnaitre ses limites en tant que psychothérapeute et référer à d’autres professionnel.le.s (Berry et Lezos, 2017).

Les psychothérapeutes qui souhaitent améliorer leurs connaissances et s’assurer d’avoir une approche réflexive de leur pratique peuvent y parvenir de plusieurs façons. D’abord, discuter avec des collègues au sujet de la pratique avec des personnes issues des minorités sexuelles peut s’avérer enrichissant parce que cela oblige non seulement à mettre en mot les réflexions cliniques, mais aussi à confronter les réflexions entretenues sur la population et sur le travail clinique avec celles d’autres psychothérapeutes (Berry et Lezos, 2017; Ciclitira et Foster, 2012). Ensuite, l’utilisation de la supervision est aussi un excellent moyen permettant d’avoir une perspective d’un autre professionnel.le sur la clientèle ainsi que le travail qui est réalisé. La supervision permet aussi d’alimenter la pratique ainsi que les interventions, les cognitions et les émotions qui soutiennent les interventions en plus de permettre d’analyser le transfert et le contre-transfert (Berry et Lezos, 2017; Ciclitira et Foster, 2012).

Certaines interventions peuvent se révéler judicieuses dans le travail avec les personnes issues de la diversité. D’abord, le ou la psychothérapeute gagnera à communiquer son ouverture à aborder les aspects de la vie de la personne qui consulte qui dépassent l’hétéronormativité et montrer qu’il ou qu’elle est à l’aise d’aborder la sexualité sans trop mettre l’emphase sur cette dernière, ainsi l’espace thérapeutique deviendra un endroit sécuritaire pour aborder ces aspects (Malark, 2017). Un travail sur le développement de l’identité peut être aidant lorsque cela répond aux besoins de la personne qui consulte. Il est recommandé d’aider la personne à se définir, à explorer ses identités multiples et à les mettre en lien afin qu’elle accepte et intègre les différentes parties de son identité (Malark, 2017). Le concept de normalité peut aussi être exploré, c’est-à-dire explorer, examiner et déconstruire le concept de normalité et d’anormalité lorsque cette notion est liée avec le motif de consultation (Berry et Lezos, 2017). Finalement, lorsque la personne consulte en lien avec sa sexualité, il est conseillé de cadrer cette sexualité dans un horizon plus large que son identité sexuelle et d’aider à contextualiser son vécu sexuel (Malark, 2017).

CONCLUSION

Les approches psychodynamiques sont souvent perçues plus rigides et moins ouvertes face à la diversité (Greene, 2006), mais elles peuvent être un traitement de choix pour travailler en psychothérapie avec les personnes issues de la diversité (Mair, 2006). De façon générale, certains éléments propres aux approches psychodynamiques sont favorables au travail avec ces personnes et répondent aux besoins spécifiques de cette clientèle en psychothérapie (Greene, 2004; Mair, 2006). Les approches relationnelles sont des approches au sein des approches psychodynamiques qui sont particulièrement recommandées pour la psychothérapie avec une clientèle issue de la diversité sexuelle et de genre. Pour travailler avec cette clientèle, il est conseillé d’abandonner les théories classiques qui portent sur l’étiologie des différentes identités sexuelles et de genre en omettant l’apport socioculturel, et plutôt se concentrer sur l’expérience subjective unique du client ainsi que sur la relation thérapeutique (Full, 2018; Lingiardi et Luci, 2012), ce qui permettra une lecture véritable de la personne sans que l’analyse et l’écoute soient embrouillées ou limitées par des préjugés théoriques (Lingiardi et Luci, 2012).

Bien que plusieurs auteur.rice.s aient étudié la question de l’inclusion dans les approches psychodynamiques, et ce, autant d’un point de vue théorique que clinique, peu de ces écrits sont connus et enseignés. D’ailleurs, une étude auprès d’étudiant.e.s nouvellement formé.e.s à ces approches rapporte que ces dernier.ère.s ont l’impression que la psychanalyse est une orthodoxie, et qu’il y a peu de place à la discussion des aspects théoriques et techniques auprès des enseignant.e.s et des superviseur.e.s dans le cadre du travail avec les diversités (Ciclitira et Foster, 2012). Malheureusement, ces étudiant.e.s se considèrent mal équipé.e.s pour intervenir auprès des personnes issues de la diversité (Ciclitira et Foster, 2012). Ce manque d’ouverture envers la diversité (non seulement sexuelle ou de genre, mais aussi ethnique et culturelle) et l’évitement des discussions portant sur différents aspects des diversités sont malheureux et constituent un obstacle à la formation des futur.e.s psychothérapeutes (Ciclitira et Foster, 2012). Pour une pratique plus inclusive, il semble nécessaire de faire connaitre ces avancées non seulement aux psychothérapeutes expérimenté.e.s, mais aussi aux étudiant.e.s qui seront confronté.e.s peut-être même davantage à divers enjeux concernant les diversités (Full, 2018).

Pour terminer, les approches psychodynamiques peuvent apporter une compréhension approfondie et unique des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre. La compréhension du sens et de la fonction de ce qui est vécu en explorant les souhaits, les fantaisies, les peurs et le monde interne peut s’avérer, comme dans toute psychothérapie, très riche sur le plan clinique, mais il peut être difficile de travailler en ce sens si certain.e.s perçoivent qu’une telle exploration est discriminante envers les minorités sexuelles (Lemma, 2018). Seuls le dialogue, l’ouverture, la tolérance et le respect permettront de bonifier les interventions avec les personnes issues de la diversité (Lemma, 2018).