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Gregory Baum a toujours admiré la personnalité intellectuelle de Fernand Dumont. Il y a d’ailleurs une grande affinité intellectuelle entre les deux hommes. On pourrait dire que G. Baum est un théologien devenu sociologue, tandis que F. Dumont est un sociologue devenu théologien. Il est manifeste, en tout cas, que Baum connaît bien la pensée de Dumont, étant lui-même familier avec le contexte sociologique de sa pensée théologique. L’interprétation que fait Baum des écrits de Dumont me semble tout à fait juste.

L’ouvrage se présente dans un cadre bien particulier. Après un chapitre d’introduction à l’oeuvre de Fernand Dumont, les cinq suivants sont des commentaires sur l’ouvrage L’institution de la théologie. Le choix de cet objet d’étude s’explique par le fait que Baum présente Dumont comme théologien. Or tel est bien le sujet de L’institution de la théologie. Dumont y présente sa conception de la théologie, et plus précisément, de « la situation du théologien » par rapport à la communauté de foi, par rapport au magistère de l’Église, par rapport à la science et à la culture en général.

En principe, chacun des chapitres de l’ouvrage est consacré au chapitre correspondant de L’institution de la théologie. Mais en fait, les chapitres de Dumont ne sont souvent que le « prétexte » au propre « texte » de Baum. Je note, par exemple, plusieurs digressions au chapitre 2 : un commentaire sur l’encyclique de Paul VI, Humanae vitae, un autre sur l’exode des prêtres, une référence à Camus, des références à Jean Bédard et à Bernard Émond. Dans le même sens, je note encore les « illustrations », les applications que propose Baum de la pensée de Dumont. On pourrait sans doute justifier ces « prolongements » de la pensée de Dumont par le fait que Baum entend montrer la pertinence encore actuelle de cette pensée. Mais on a parfois l’impression que le texte de Dumont sert de simple support pour les réflexions personnelles de Baum.

Je tiens cependant à atténuer ce jugement négatif en notant deux choses. D’abord, les idées que Baum exprime à l’occasion de sa lecture de Dumont sont en général fort justes et intéressantes. On pourrait même dire que l’ouvrage est tout aussi intéressant pour ce qu’il nous apprend des idées de Baum. Je dois dire aussi que cet ouvrage comporte d’excellentes explications de certains concepts sociologiques et théologiques fondamentaux de Dumont : l’idée de première et de seconde culture; la priorité de la culture et du croire par rapport à la connaissance (scientifique); la distinction entre le « général » et « l’universel », pour surmonter les deux extrêmes de l’absolutisme et du relativisme; les trois stages (ou étages) de la raison humaine; l’appartenance par « intégration » et par « référence ». En tout cela, Baum propose une interprétation éclairante de la pensée de Dumont.

Notons surtout l’interprétation que fait G. Baum du titre énigmatique de l’ouvrage de Dumont : L’institution de la théologie. Il rappelle d’abord que « les sociologues considèrent que toute expression culturelle est institution » (p. 33). Il en conclut que « dans son exploration de la foi chrétienne, la théologie est ainsi instituée d’une manière singulière, car elle est liée à l’Église par la foi » (p. 35). Mais ne pourrait-on pas dire aussi bien que le théologien est lié à Dieu par la foi? Ce qui modifie considérablement son rapport à l’Église.

À cette explication de Baum, il faudrait ajouter un rappel du contexte. L’Institut québécois de recherche sur la culture, présidé par F. Dumont, a produit différents ouvrages collectifs concernant les « institutions » professionnelles. On comprend que F. Dumont ait, à cette époque, choisi comme sujet de thèse doctorale en théologie : « L’institution de la théologie ».

Disons, pour conclure, l’intérêt que présente l’ouvrage de Gregory Baum. Il attire l’attention sur un ouvrage trop peu connu de Fernand Dumont, à l’occasion de sa parution dans le tome IV de ses Oeuvres complètes. Plus encore, il soulève la question de la pertinence de la théologie au moment où elle disparaît de plus en plus de l’horizon universitaire québécois, alors que la question religieuse resurgit avec la montée de l’islam.